L'oeil de Gabart sur le Vendée Globe : les mers du Sud, "un endroit à la fois fascinant et dangereux"
La tête de la flotte fait son entrée dans les mers du Sud. Qu’est ce que cela vous inspire et quels sont les enjeux ?
Lorsqu’on me parle du Vendée, ce qui me vient en premier à l’esprit, est l’image des mers du Sud. Les quarantièmes rugissants font partie de l’imaginaire de la course. C’est un endroit du monde très particulier, fascinant, magnifique pour la navigation, et assez peu connu. La première fois, je me suis régalé. J'avais envie d’aller voir ce qu’il s’y passait, d’aller sentir ces grandes glissades, naviguer dans ces tempêtes australes, aller voir les albatros... Et j’en ai d’ailleurs toujours l’envie. C’est un sentiment extraordinaire.
Mais c’est aussi un endroit dangereux…
Ce n’est pas simple d’aller naviguer dans ces coins-là. Il n’y a personne, ou alors très peu de monde. En plein milieu de l’océan Atlantique, par exemple, on peut avoir des hélicoptères, des avions, des bateaux de commerce. Dans les mers du Sud, il n’y a que très peu de trafic maritime et de pêche, seulement quelques îles inhabitées. En tant que marin, nous ne pouvons donc pas compter sur la terre pour venir nous porter assistance s’il y a un gros problème. Nous pouvons lancer un appel de détresse, mais il faudra entre cinq et dix jours avant que les secours n’arrivent. Il n’y a pas beaucoup d’endroits comme ça sur la planète.
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Que pensez-vous du choix de Sam Davies et Louis Burton de se positionner les plus à l’ouest sur la carte ? Est-ce-une stratégie payante ?
Nous allons le voir dans les jours qui arrivent. Mais de ce que j’ai pu observer dans les dernières heures, cela peut être intéressant. Deux choix s’offraient aux skippers au niveau de l’anticyclone de Sainte-Hélène, situé dans l’Atlantique sud : passer au travers, comme a pu se le permettre le leader actuel de la course Charlie Dalin, grâce à des conditions météorologiques favorables. Une autre option, pour ceux derrière, était de le contourner, comme Sam Davies et Louis Burton. Je pense que le fait de l'éviter a plutôt été bénéfique.
Après ses problèmes techniques, Alex Thomson a-t-il toujours une chance de revenir en tête ?
Tout est jouable sur un Vendée Globe. Evidemment, il vaut mieux être devant. Il a pris du retard en réparant son bateau, mais la route est encore longue, donc c’est rattrapable. La question qu’on peut se poser plutôt est la suivante : « a-t-il pu tout bien réparer?» J’ai l’impression qu’au dernier pointage, sa vitesse n’était pas si élevée. Est-ce que dans les mers du sud il pourra attaquer autant qu’il le souhaite après les problèmes qu’il a eu sur le bateau ? C’est à surveiller... Je ne peux pas y répondre, mais on peut imaginer qu’il aura l’esprit un peu moins tranquille pour passer à l’offensive. Je ne sais pas si Alex connaît l'état réel de son bateau à l'heure actuelle.
Pour Thomas Ruyant, quelles peuvent être les conséquences, à terme, de la perte de l’appendice gauche ?
A priori, il a réussi ce matin à couper l’extrémité du foil qui était cassée. Cela signifie qu’il ne peut plus s’en servir. En termes de performance et de vitesse pure, il a un handicap clair et il n’a plus le plein potentiel de son bateau. Et ce, principalement quand il sera tribord amure (ndlr : le point d’amure est avant tout le point bas d’une voile). Son foil gauche lui aurait été bien utile sur une bonne partie du parcours, notamment sur la remontée de l’Atlantique. De ce qu’on peut comprendre, cette avarie ne peut pas s’aggraver. On peut toutefois se demander pourquoi est-ce que le foil a cassé et si l’autre risque de subir le même sort. C’est cette épée de Damoclès qu’on a tous au-dessus de nos têtes en tant que marin, car on a aucune certitude sur nos bateaux. Après cet événement, on peut imaginer que Thomas perde en confiance, et ose moins attaquer sur son autre foil afin de le préserver. Mais il ne faut pas oublier qu’au fur et à mesure de la course, plein d’autres bateaux vont rencontrer des problèmes, il ne sera pas le seul.
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