Kojiro Shiraishi : « Finir ce Vendée Globe »
« Le Vendée Globe est un rêve, et j’ai hâte de revenir aux Sables d’Olonne. » Attente partagée. Les Sablais s’impatientent de retrouver Kojiro Shiraishi, son sabre et son kimono de samouraï, comme figé sur le pont avant de son bateau lors de la sortie du chenal. L’une des images fortes du dernier Vendée Globe.
En 2016, sa première participation s’achève dans l’Océan indien, après 29 jours de mer. Alors 12è, le premier skipper japonais de l’histoire du Vendée Globe démâte au large de Bonne Espérance. Le Japon se prend alors d’intérêt pour ce marin et ce sport méconnu dans l’archipel. « Nous avons eu la chance d’être suivis par plusieurs télévisions japonaises. J’ai fait plusieurs live en prime time sur TV Asahi. Et NHK, la télévision nationale, a diffusé un documentaire sur le Vendée Globe. Jusque-là, peu de japonais connaissaient cette course. Grâce à ce travail, nous avons pu faire connaître notre sport. » Quatre ans après, Kojiro Shiraishi remet ça, ambition et moyens revus à la hausse.
Finie la découverte. Ramené au Japon puis revendu, le vénérable monocoque de 2016 a laissé place à un tout nouveau bateau. Un foiler dernière génération, copie conforme de celui de Jérémie Beyou, mis à l’eau en août dernier. Coût du rêve : entre 5 et 7 millions d’euros. Officiellement, il porte les couleurs du leader mondial de la machine-outil, DMG Mori Global One, de son vrai nom officiel Spirit of Yukoh V. Le cinquième de la lignée. Une tradition depuis 25 ans. Hommage à Yukoh Tada, saxophoniste et chauffeur de taxi à Tokyo, son prof de voile et maître à penser. Depuis 1991 et son suicide en course, en Australie, Kojiro Shiraishi navigue en honneur et en mémoire de son professeur. « J’ai découvert les foilers l’année dernière », détaille le skipper japonais. « J’ai passé deux mois au Portugal pour m’entraîner sur l’un d’entre eux (NDLR : le bateau de Yannick Bestaven, engagé sur le Vendée 2020) pendant la construction de mon bateau. DMG Mori est très puissant, par rapport à ce que j’ai connu, et j’apprends tous les jours à son sujet. Je n’ai pas encore eu la possibilité de faire de longues navigations en solitaire. C’est prévu dès mon retour. »
En 2016, l’ancien équipier de Bruno Peyron s’était installé à Concarneau, confiant la gestion du projet à l’équipe de Roland Jourdain. Quatre ans après, le voici à Lorient. « Bilou » est toujours là, mais dans un nouveau rôle. « Je fais l’entraîneur, je me concentre sur le coaching, précise le skipper breton. « Pour l’instant, on navigue en mode informatique, par correspondance ! On fait de la météo, on révise certains protocoles. En bon japonais, Koji ne parle pas un mot d’anglais. Moi, question japonais, je n’ai pas beaucoup progressé non plus ! On communique façon langue des signes, ça nous va bien ! On a une relation spéciale, mais c’est vraiment un bon mec ! Je m’imprègne de sa philosophie. » « Roland possède une énorme expérience sur tout type de bateau. Il me donne beaucoup de conseils techniques. Son savoir est primordial dans ma préparation », confirme le Japonais.
Mi-mars, le duo met de nouveau le cap sur le Portugal pour un long stage au large. A peine sur place, et déjà reparti. Le confinement décrété le lendemain de leur arrivée, Shiraishi et son équipage font aussitôt demi-tour ! « Le port de Cascaïs était fermé. Si on sortait pour s’entraîner, on ne pouvait plus rentrer. Ca devenait compliqué ! Le choix était vite fait », se désole Roland Jourdain. Retour dare-dare à Lorient, le temps de laisser le bateau, et direction Tokyo pour le skipper nippon. « Le Japon est beaucoup moins touché par le virus que la France (NDLR : moins de 500 décès). C’était pour moi la meilleure solution. Je suis auprès des miens et je peux continuer à m’entraîner. Je garde un œil à distance sur le projet, et bien sûr je continue à pratiquer l’iaïdo, mon art martial, qui m’aide beaucoup mentalement. »
L’iaïdo ? Un art ancestral, lié à la pratique du sabre. Un sabre prêt pour un nouveau voyage. Le cinquième tour du monde de « Koji ». « Son objectif, c’est de finir le Vendée. Faire le tour. Pour ça, il a le bateau idéal», assure son coach. « Jérémie Beyou a fait un boulot solide, il a assuré le gros œuvre et nous a bien déblayé le terrain ! » « En 2016, j’ai bien sûr été déçu par mon démâtage » se remémore Shiraishi. «Mais dès mon arrivée sur la terre ferme, j’ai commencé à me projeter sur le Vendée Globe suivant. J’ai réussi mon pari d’être à nouveau sur cette ligne de départ, je veux maintenant être le premier marin asiatique à finir ce Vendée Globe. »
Son retour en Bretagne programmé début mai, Kojiro Shiraishi –l’un des onze skippers étrangers du Vendée 2020, sur 34 inscrits- devrait s’aligner au départ de la transat mise sur pied cet été au départ des Sables d’Olonne. La première course du monocoque noir et blanc.
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