Pourquoi les bateaux du Vendée Globe sont-ils plus fragiles que votre voiture ?
Vincent Riou a dû quitter la course à cause d'une déchirure sur sa coque. Le septième abandon en deux semaines. Comment expliquer cette hécatombe ?
VENDÉE GLOBE - "Je n’y suis pour rien dans cette collision mais je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser." L'aventure de Vincent Riou et de son bateau PRB dans le Vendée Globe a duré un peu plus de deux semaines. Heurté par une "bouée de port à la dérive, un tas de ferraille rouillée", samedi 24 novembre au large des côtes brésiliennes, le skipper qui faisait partie des favoris de la course autour du monde a été contraint de jeter l'éponge. Avec sept abandons sur vingt navigateurs engagés lundi 26 novembre, cette édition 2012 est bien partie pour battre le record du plus petit nombre d'arrivants aux Sables-d'Olonne (Vendée), courant février 2013. Comment expliquer cette hécatombe ?
Attention, derrière toi, un Ofni !
Outre les collisions avec un chalutier, un classique, plusieurs skippers ont heurté des débris flottant à la surface de la mer. Qu'on soit au bord des côtes aquitaines ou à des centaines de kilomètres au large du Brésil, le danger est permanent. "Il y a de plus en plus d’objets flottants, ce qui augmente les probabilités de chocs, alors que l’on n’a pas beaucoup de moyens pour les éviter, explique le navigateur Loïck Peyron au Figaro. C’est comme une épée de Damoclès permanente."
Pour la première fois, le navigateur Marc Guillemot avait embarqué un détecteur d'objets flottants non identifiés (Ofni), une caméra infrarouge fixée en haut de son mât qui déclenchait une alarme dans le bateau (PDF, p.27). Cela ne lui a pas porté chance, vu qu'il a abandonné dès le premier jour de course. Pourtant, les Imoca 60, la classe de monocoques de 60 pieds qui participent au Vendée Globe, ont plutôt une réputation de fiabilité, contrairement aux multicoques de la Route du rhum.
Coque de carbone vs coquille de noix
Les Ofni sont devenus un danger car tous les bateaux qui participent au Vendée Globe sont fabriqués en matériaux composites : une fine couche de fibres de carbone avec, en-dessous, une mousse dite en nid d'abeille. "La coque des bateaux a pour objet principal de résister à l'impact des vagues, explique à francetv info Pascal Casari, professeur à l'IUT de Saint-Nazaire, spécialiste des matériaux composites. Ça permet d'être plus léger, plus puissant, et de glisser sur les vagues." Contrepartie : à certains endroits du bateau - les parties les moins exposées aux vagues -, la résine solide qui constitue l'extérieur de la coque ne fait plus qu'un millimètre d'épaisseur, contre trois ou quatre il y a 12 ans. Dès lors, le moindre choc avec un objet assez gros peut s'avérer fatal.
"Un bateau qui finit le Vendée Globe a forcément de petits impacts, comme si on avait donné des coups de genou dans la portière d'une voiture, détaille Pascal Casari. Dans le cas de Vincent Riou, si la déchirure s'était produite plus vers l'arrière du bateau, dans une zone non sollicitée par les vagues, ç'aurait été réparable." Il aurait fallu pour cela enlever la mousse humide et colmater avec de la résine à séchage ultrarapide en conditions extrêmes qui aurait pu suffire à cet endroit.
La cure amaigrissante des bateaux à double tranchant
De plus en plus, les architectes qui conçoivent les bateaux allègent au maximum le poids de la coque et le reportent sur celui de la torpille de la quille, 4,50 m sous l'eau. Plus on a de poids sur la quille, plus on peut augmenter la surface de voile et donc aller plus vite.
Le bateau de Jean-Pierre Dick, Virbac-Paprec 3, l'un des plus légers de la flotte, est 10 à 15% plus léger que son prédécesseur. Comme par hasard, les trois bateaux de tête - Virbac-Paprec 3, Macif de François Gabart et Banque Populaire d'Armel le Cléac'h - sont aussi les plus légers. Revers de la médaille : ces bateaux sont beaucoup plus vulnérables sur de nombreux points (mât, gouvernail, quille...) que ceux engagés en compétition il y a trente ans. "Le curseur est poussé trop loin dans l’équilibre vitesse-fiabilité", regrette l'architecte Jean-Marie Finot dans Le Figaro.
Impossible cependant de revenir aux coques en aluminium, plus solides, quand on a habitué les gens à faire le tour du monde en 84 jours. Le dernier candidat à s'y être risqué, l'Autrichien Norbert Sedlacek, a fini bon dernier lors de l'édition 2008-09 de la course qu'il a bouclée en 123 jours, soit 39 de plus que Michel Desjoyeaux, le vainqueur. Reste une dernière solution. "Si on veut limiter la casse, il faudrait fixer un poids minimum, pour le bateau, pour le mât, pour la quille [ce qui n'est pas le cas aujourd'hui dans le cahier des charges du Vendée Globe], estime Pascal Casari. Ce serait dommage que le Vendée Globe se limite à être une course où tout se joue sur la fiabilité."
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