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Echecs : le plan de la Fédération française contre les violences sexistes et sexuelles jugé "nécessaire et probablement salvateur" par l'une des victimes

Trois mois après la publication d'une lettre ouverte, signée par 14 joueuses françaises expliquant avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles, la FFE a présenté son plan de lutte, jeudi.
Article rédigé par Andréa La Perna, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Un jeu d'échecs lors des championnats de France à l'Alpe d'Huez, le 25 août 2023. (JEFF PACHOUD / AFP)

Au moment où les responsables des fédérations sportives françaises se succèdent devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, certains refusant parfois d'admettre tout dysfonctionnement, d'autres passent à l'action. La Fédération française d'échecs (FFE) a dévoilé un plan d'action contre les violences sexistes et sexuelles, jeudi 23 novembre, trois mois après la publication d'une lettre ouverte, signée par 14 joueuses françaises, dans laquelle elles dénonçaient des agressions "verbales, écrites ou physiques" perpétrées par "des joueurs d'échecs, entraîneurs, arbitres ou dirigeants".

Dans un communiqué destiné à la presse, la FFE a présenté un plan en sept points qui est le fruit de la réunion du comité directeur, les 18 et 19 novembre. Elle a créé sa propre cellule de signalement, qui offre désormais trois circuits de remontée de l'information aux victimes, en plus du dispositif Signal sport du ministère des Sports et du formulaire mis à disposition par l'association Colosse aux pieds d'argile, partenaire depuis 2022. Elle met aussi l'accent sur la sensibilisation, et acte "le principe d'une harmonisation des dotations entre les joueuses et joueurs membres des équipes de France", pour toutes les compétitions organisées sous son patronage à partir de 2024. 

Un milieu très masculin et intergénérationnel

"Je suis agréablement surprise. C’est le genre de plans que je voulais voir mis en place”, apprécie la maître FIDE Yosha Iglesias, à l’initiative de la lettre ouverte du 3 août. Même s’il faudra suivre son exécution, c'est un plan nécessaire, bienvenu et probablement salvateur. Il va aider à diminuer drastiquement le nombre de victimes tout en soulageant la peine des victimes restantes". Si, pour le moment, une seule personne a été sanctionnée par la Fédération, "un entraîneur ayant eu des relations sexuelles avec deux joueuses mineures", l'essentiel pour Yosha Iglesias est un "changement de mentalité systémique".

"Quand on a publié la lettre, les réactions ont été très partagées. On a reçu énormément de soutien mais aussi des insultes, parfois personnelles. On nous a accusées de faire de la mauvaise publicité avec des faux problèmes. Des gens étaient dans le déni total. De savoir que le changement vient d'en haut permettra, je l'espère, de toucher tous ces joueurs qui refusaient de voir l'ampleur du problème", développe la joueuse de 35 ans qui prévoit de fonder une association avec les signataires de la lettre ouverte pour garder "un moyen de pression public".

Les échecs sont un terrain particulièrement propice à des comportements sexistes et à des abus sexuels. Seulement 17% des licenciés de la Fédération française d'échecs sont des femmes. "En compétition, on est presque sur 90% d'hommes et 10% de femmes. Surtout, c'est un jeu intergénérationnel. Il n'y a aucun autre sport où une adolescente peut affronter un homme", insiste Yosha Iglesias. Un facteur de risques que la Fédération ne nie pas. Dès le début, cette dernière a pris le parti des joueuses ayant révélé les problèmes sur la place publique.

La Fédération attend plus de signalements

"Évidemment, quand on a fait la Une des médias, il y avait cette double sensation d'être à la fois contents que des joueuses prennent la parole, et de se dire 'Zut !, raconte Jean-Baptiste Mullon, le vice-président de la FFE et référent sur les questions de violences sexuelles et sexistes depuis deux ans. C'est quand même notre sport et il est sur le devant de la scène pour une 'mauvaise raison'. Mais ce n'est pas parce qu'on aime son sport, qu'on aime tous ses pratiquants, qu'il ne faut pas regarder les difficultés en face. Maintenant, ce n'est plus un sujet tabou."

"Pour être totalement franche, le jour de la publication de la lettre, quand j’ai vu la réaction de la Fédération, je suis restée dubitative. Je me demandais si c'était une réaction contrainte et forcée sous la pression médiatique ou si c'était un premier pas en avant", glisse Yosha Iglesias, qui serait "ravie" de faire partie du plan d'action de la Fédération une fois qu'il sera mis en place. Pour le moment, la FFE confie n'avoir reçu que "très peu de signalements". "Ce qui prouve qu'on a vraiment besoin de communiquer. Non pas que ça nous enchante, mais ce n'est pas normal dans une fédération qui compte 70 000 licenciés", insiste Jean-Baptiste Mullon.

En attendant de recevoir des témoignages, la FFE va également se lancer dans un chantier juridique en revoyant son règlement disciplinaire. L'objectif est d'accélérer la prise de décision dans le cas de suspensions à titre conservatoire. "Ces mesures sont parfois urgentes et nos textes sont assez compliqués et lourds. Le circuit est trop long. Après le signalement, il faut d'abord déposer une plainte disciplinaire. Une fois qu'on l'a déposée, on peut faire la demande de suspension à titre conservatoire. Or, il arrive que [les faits de violences sexistes ou sexuelles] se produisent en pleine compétition", détaille le dirigeant. La nouvelle mouture est attendue pour février 2024.

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