Union Berlin: anti-communiste, anti-business, toujours rebelle
"Dynamo de merde!" 30 ans après la chute du Mur, à la sortie d'un match de foot contre Ingolstadt, les supporters de l'Union Berlin scandent encore des chants hostiles à leur ennemi juré de l'époque soviétique, le BFC Dynamo Berlin.
Ils n'ont pourtant plus joué contre leur vieux rival depuis... 2006. Pendant la guerre froide, ce dernier était soutenu par la Stasi, l'ancienne police secrète est-allemande.
Très ancré dans l'histoire de la RDA communiste, où il avait la réputation d'être rebelle au régime en place, le 1. FC Union Berlin est animé par une communauté de supporters particulièrement impliqués.
"Le mur doit disparaître!"
"L'Union, ce sont des gens extrêmement différents qui ont choisi le même club" : Dans un bar de supporters locaux, l'"Abseitsfalle", autrement dit "le piège du hors-jeu", Christoph, 53 ans, arbore son écharpe rouge et blanche d'"Unioner", surnom donné aux fans. L'Union, Christoph l'a découvert à onze ans dans son stade de l'Alten Försterei ("la vieille maison forestière"), situé dans le quartier berlinois de Köpenick, d'où proviennent 80% des supporters. Dans cette enceinte du Berlin-Est communiste, il régnait déjà une "atmosphère un peu anarchique", se souvient-il. "Il y avait un dicton: tous les Unioners ne sont pas dans l'opposition (au régime communiste) mais presque tous les opposants ont de la sympathie pour l'Union", s'amuse-t-il.
Fondé en 1966, le club se distingue alors dans le rôle du petit poucet indépendant face au BFC Dynamo, constitué des stars est-allemandes et présidé par le chef de la Stasi, la redoutable police secrète, Erich Mielke. "Quand l'Union jouait contre cette équipe et qu'il y avait un coup franc, les joueurs formaient un mur et les Unioners criaient: Le mur doit disparaître!, et chacun dans le stade savait de quel mur on parlait", sourit-il.
Saigner pour l'Union
Cette tradition singulière prospère aujourd'hui. Quel que soit le résultat: on ne siffle pas ses joueurs, on chante jusqu'à la dernière seconde et on ne part pas avant la fin. En outre, à l'ère du foot business, la publicité dans le stade est réduite au strict minimum. "Le match n'est pas un événement de cirque ou un show télévisé", assure Christian Arbeit, directeur de la communication du club. C'est que les supporters se sont littéralement "saigné" lorsque l'Union a connu des problèmes financiers dans les années 2000. En 2004, ils ont permis à leur club de recevoir de l'argent de centre médicaux en donnant leur sang. Puis, en 2008, ils ont participé à la rénovation du stade, nécessaire pour jouer en deuxième division."2.500 fans, qui ont passé ici 140.000 heures de travail, ont aidé gratuitement" à ce chantier, raconte Christian Arbeit.
Dix ans après, la "famille" de l'Union a le Saint Graal à portée de main : la première montée en Bundesliga de leur histoire, gage de davantage de médiatisation et de rentrées financières, mais aussi avec le risque de voir la culture de proximité maison s'étioler. Andre fait partie des sceptiques. Il supporte le club depuis 1967 et a été un temps speaker du stade. "Je fais partie de ceux qui ne veulent pas que le club monte parce que je suis convaincu que l'équipe va alors sacrifier ses valeurs petit à petit", raconte-t-il, assis dans le fond de l'"Abseitsfalle".
Des antiracistes, mais pas seulement
L'Union Berlin a déjà fait la Une des médias nationaux début mars, mais pas pour les raisons qu'il aurait voulu. Pendant une rencontre de championnat à Berlin, un internaute a appelé un joueur israélien de l'équipe adverse à "partir en chambre à gaz". Une sortie qui a provoqué un tollé en Israël et en Allemagne.
Pour Florian Schubert, auteur du livre "L'Antisémitisme dans le football", c'est un "cas isolé". Il reconnaît toutefois que "l'ensemble des fans de l'Union ne sont pas homogènes, il y a des antiracistes, mais pas seulement".
Depuis quelques années, le sujet de l'extrémisme est souvent présent sur le forum internet des "Unioners". "On a discuté de la question de savoir quand on est extrémiste de droite, jusqu'où peut aller la liberté d'expression", explique Christoph.
Sur les 22.000 spectateurs à domicile, Andre dénombre "une bonne quantité" qui votent pour le parti d'extrême droite AfD. Mais il estime à seulement "une trentaine" les radicaux tentés par la violence et affirme que les meneurs ultras sont plutôt marqués à gauche. Au plan national, l'Union n'est pas encore considéré comme un club particulièrement problématique en matière d'extrémisme ou hooliganisme.
"Contrairement à ce qui se passe à Chemnitz ou à Cottbus", les extrémistes "ne peuvent pas décider des drapeaux accrochés aux clôtures ou des chants" qui sont entonnés, affirme Andre.
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