Une ambiance tendue pour le lancement de l'Agence nationale du sport
Dépoussiérer le modèle sportif français, basé sur une tutelle de l'Etat devenue théorique et plus très efficace, tel est le credo de ceux qui défendent la nouvelle structure, dont le premier conseil d'administration a lieu mercredi au Stade de France. Désormais, quatre acteurs vont y piloter les orientations pour la haute performance, avec les JO de Paris 2024 à l'horizon, et le développement des pratiques : l'Etat, les collectivités territoriales, le mouvement sportif (comité olympique et fédérations) et, dans une moindre mesure, les entreprises.
C'est notamment au sein de cette agence, et non plus au ministère, que seront décidés les montants des subventions aux fédérations pour le haut niveau. Le bras financier du ministère des Sports, le CNDS (Centre national pour le développement du sport), qui distribuait les aides aux clubs, va quant à lui baisser le rideau : les fédérations prennent le relais.
"Jusqu'à maintenant, la vision c'était 'on a des acteurs qui bossent pour nous, les fédérations, les associations, on va leur donner de l'argent pour qu'ils mettent en place les politiques publiques du sport, et on va prier très fort pour que ça se fasse'", explique à l'AFP la ministre des Sports Roxana Maracineanu. "L'Etat a rarement l'habitude de tendre la main aux autres en disant 'on va donner des financements mais on va recueillir l'avis des acteurs'", plaide-t-elle pour ce projet "visionnaire", qu'elle a récupéré en prenant ses fonctions, en septembre.
Une disparition du ministère ?
Mais pour beaucoup, c'est la disparition du ministère qui se dessine. "Qui va décider de la politique publique de l'Etat français en matière sportive?", demande l'ancienne ministre des Sports, Marie-George Buffet. "Ce n'est pas un partenariat. Petit à petit, l'Etat se retire et Bercy se frotte les mains: un ministère de moins, c'est toujours ça de pris", affirme la députée communiste.
L'agence répond à la demande d'autonomie d'une partie du mouvement sportif. Mais le gouvernement veut aller plus loin, en transférant aux fédérations la gestion des 1.600 conseillers techniques sportifs (CTS), ces cadres payés par l'Etat, comme les directeurs techniques nationaux (DTN) et entraîneurs de haut niveau, que de nombreuses fédérations olympiques considèrent indispensables. Un chiffon rouge pour des patrons de fédés, qui s'inquiètent de ne pas pouvoir les payer, et les agents eux-mêmes, qui y voient une attaque contre leur statut. Un collectif de CTS a durement attaqué la ministre, l'accusant de détruire le sport français, tandis que les syndicats des agents du ministère ont demandé sa démission.
Pour couronner le tout, le Conseil d'Etat a émis la semaine dernière des réserves sur l'agence du sport, jugeant anormal, pour un groupement d'intérêt public (GIP), que l'Etat soit le seul à mettre au pot : environ 350 millions d'euros en 2019, issus du budget du ministère, dont environ 45 millions correspondent à des restes à payer de projets déjà engagés.
L'agence a face à elle de gros défis
Après plusieurs retards – l'agence devait d'abord être lancée le 1er mars – le gouvernement a maintenu son calendrier. En décembre, son Mr haute performance, l'ancien sélectionneur des Bleus de handball Claude Onesta, avait regretté de ne pas pouvoir vraiment se mettre au travail avec ses équipes. Lors des quatre dernières éditions des JO d'été, la France s'est classée 7e au tableau des médailles. "Tokyo 2020, si on est lucides, pourrait être un moment un peu compliqué", concédait Onesta à l'automne.
Pour nombre d'acteurs interrogés, au-delà de l'impératif de réussite à Paris 2024, l'agence a face à elle de gros défis. Ainsi, le passage des subventions par les fédérations a pour but de se rapprocher des besoins du terrain mais il alimente aussi les craintes de clientélisme entre patrons de fédés et clubs. "Il y aura des contrôles de l'agence sur le projet fédéral. Nous sommes face à nos responsabilités", tempère le président de la fédé d'athlétisme, André Giraud.
Autre question, l'Etat, qui garde 60% des voix au conseil d'administration sur le haut niveau et une sorte de droit de véto général, va-t-il vraiment jouer le jeu de la gouvernance partagée ? Enfin les entreprises privées vont-elles soutenir le projet et apporter des financements ? La partie ne fait que commencer.
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