Un label vert pour impliquer le monde du sport
L’empreinte carbone d’une coupe de monde de football ? Deux millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit l’impact de 200 000 Français (*). La quantité de déchets produits pour un match de Ligue 1 ? 10 tonnes (**). La quantité d’eau utilisée par an en France pour arroser les pelouses des terrains ? 100 millions de m3 (**). Et combien de balles de tennis jetées chaque année (***) ? 10 millions, chacune mettant plusieurs milliers d’années à se dégrader dans la nature. Quand on confronte les événements sportifs et les fonctionnements des clubs avec l’environnement, le bilan est peu glorieux.
Toutefois, depuis quelques années maintenant, le monde sportif prend progressivement conscience de son empreinte environnementale, à l’image de la Fédération française de tennis qui, depuis 2009, recycle les balles usagées pour les transformer en revêtement de sol destiné aux terrains de sport. Ou encore, la rénovation du stade Geoffroy-Guichard à Saint-Etienne qui a permis, en 2007, l’installation d’un panneau solaire de 2 600 m², soit l'un des plus grands de France à l'époque. Cinq ans après, un récupérateur d'eau de pluie d'une capacité de 450 000 litres a également été installé, ce qui permet de couvrir plus de 90% des besoins en eau pour l'arrosage de la pelouse. Des premiers pas concrets en France, encore loin du changement radical opéré par le club anglais de Forest Green Rovers, présenté comme le club le plus vert de la planète avec son stade en bois, ses menus vegan et sa bouse de vache pour la pelouse.
Si le monde sportif français a commencé à agir en faveur de l’environnement, il manquait encore un label afin de reconnaître ces actions. C'est dans cette optique que Julien Pierre, ancien international du XV de France, a lancé Fair play for planet. Ce label vert est le premier, en France, à reconnaître l’engagement en faveur de l’environnement des clubs professionnels et amateurs ainsi que des événements sportifs. Une démarche loin d’être anodine pour le natif de Rodez. "J’ai passé toute mon enfance dans un environnement hors du commun : un parc animalier créé par mon grand-père et géré par mes parents", témoigne celui qui est également le fondateur de La Passerelle conservation, une fondation qui œuvre pour la protection de l'environnement.
Une collaboration étroite avec l’Agence de l'environnement
Ce label écologique repose sur un cahier des charges, élaboré en collaboration avec l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) où sont identifiées des caractéristiques environnementales. Plus de 200 questions sur 18 thèmes y sont répertoriées, englobant un large panel d’actions. De la plus anodine, comme la réduction du papier pour l’imprimante ou le tri des déchets, à la plus compliquée à mettre en place, comme la gestion des bâtiments, de l’énergie, de l’eau ou encore des sols. Il y a aussi la recherche de partenariats avec des producteurs locaux afin de travailler en circuit court, de réduire les produits carnés dans les services de restauration des stades, avec une offre végétarienne voire végane. Il est aussi question de réduire les voyages en avion pour les joueurs et favoriser les supporters qui se déplacent en covoiturage les jours de match.
Tout club ou événement qui souhaite rejoindre Fair play for planet doit indiquer ce qu’il a déjà mis en place, afin d’identifier sa marge de progression. Les clubs ou événements sportifs souhaitant obtenir ce label sont ensuite audités, en application du cahier des charges, par des experts certifiés Cofrac (organisme de référence en matière d'accréditation). "Ces experts spécialistes en environnement vont vérifier les déclarations des clubs et vont se renseigner sur leur écosystème. Ils émettent ensuite un rapport sur les activités du club", explique Julien Pierre. Les clubs sont alors notés et reçoivent en conséquence l'un des trois labels créés par Fair play for planet.
Ces experts proposent également des pistes d'amélioration et un accompagnement des clubs. Pour l’instant, le TVEC 85 Les Sables d’Olonne et la Section Paloise sont encore en attente de l’attribution de leur label. Ce dernier sera le premier club à être auditionné en février. Une première étape essentielle pour son président qui a soutenu l’initiative dès le départ. "On tient à être le premier club labelisé. C'est une reconnaissance qui nous permet de nous positionner véritablement sur cet axe écologique", explique Bernard Pontneau, président de la Section Paloise.
Malgré ce système de notation, le fondateur de Fair play for planet (FPFP) tient à préciser que "l'idée n'est pas d’avoir un label punitif, mais bien d'encourager les clubs dans une démarche de progrès". Trois niveaux de labellisation sont attribués : FPFP Player pour le niveau 1, FPFP Engaged pour le niveau intermédiaire ou FPFP Confirmed pour le niveau le plus élevé. Tous les deux ans, les clubs ou événements pourront accéder au niveau supérieur de labellisation après la réalisation d’un nouvel audit. "C'est exactement ce qu'on cherchait, se réjouit Jean-Christophe Meignant, président du TVEC 85 Les Sables d'Olonne, club de football en régional 1 et deuxième club à avoir rejoint Fair play for planet. Etant un club amateur, on avait besoin d'être accompagné par des professionnels." Nécessaire selon ces clubs, cet accompagnement a un coût. Pour bénéficier de cette expertise, les clubs et événements sportifs doivent débourser 6500 euros, voire un peu plus en fonction de leur taille.
Le sport comme vecteur de transmission
Si Julien Pierre a misé sur le sport pour sensibiliser à la protection de la planète, c’est parce qu’il a pris conscience tout au long de sa carrière "de l'impact négatif du sport sur l'environnement mais aussi de sa force d'influence, et celle des sportifs". Utiliser l'impact médiatique du sport pour sensibiliser le milieu sportif mais aussi le grand public à la question environnementale, est également la vision de Bernard Pontneau, président de la Section Paloise. "En tant que club sportif de haut niveau, on a cette responsabilité de transmission pour éveiller les consciences et donner l'exemple", affirme le président du club béarnais évoluant en Top 14.
Plus que de donner l’exemple, Lenaïg Corson, deuxième ligne du XV de France et membre du comité d’éthique de Fair play for planet appelle à l’action. "Je veux être la génération qui agit. Et je veux utiliser mon statut de sportif de haut niveau pour sensibiliser les gens à cette question. Il ne faut pas attendre les décisions des politiques. C’est trop facile de se reposer sur ça", affirme celle qui, à vingt ans, avait notamment rejoint le mouvement Greenpeace.
L’écologie, un moyen de sortir plus fort de la crise de la covid
Après l’année 2020, marquée par les crises sanitaire et économique, ce tournant environnemental peut être un moment charnière pour de nombreux clubs. "La covid est peut-être un moyen de voir les choses différemment et de réinventer le sport, car il est très affecté par ce qu'on vit", estime Julien Pierre. Et si la pandémie mondiale du coronavirus a fait douter le club régional des Sables d’Olonne, il est aujourd’hui certain que son choix l’aidera à surmonter cette crise. "Ce temps sans public ni licenciés nous permet de préparer nos projets en attendant de retrouver une vie normale. C’est une manière de sortir plus fort".
Pour gagner en importance, le mouvement doit désormais rassembler d’autres clubs et événements sportifs. "Nous sommes en discussion avec plusieurs clubs et événements sportifs. Il y a aura de belles annonces", assure Julien Pierre. L’annonce de l’engagement de l’Olympique Lyonnais ce jeudi au sein de Fair play for planet est un premier grand coup médiatique et convaincra peut-être d’autres grands clubs ou de grands événements sportifs de se lancer dans l’aventure. "On lance un appel aux clubs, quels que soient les sports, quel que soit leur niveau, qu’ils soient professionnels ou amateurs, appelle Jean-Christophe Meignant, président du TVEC 85 Les Sables d'Olonne. Nous devons agir ensemble."
(*) Source : la Fifa.
(**) Source : l’association Football écologie France.
(***) Source : Actu-environnement.com.
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