Un jour, un club : Quand Toulouse a maîtrisé Maradona
Les années passent, les souvenirs restent. Lorsque Beto Marcico, Gérald Passi ou encore Pascal Despeyroux ont regardé dans le rétroviseur à l'aube de leur carrière, ils ont pu mesurer l'impact qu'ils ont eu dans leurs clubs respectifs ainsi que dans leur sélection nationale. Mais ce qu'ils ont réalisé le premier soir d'octobre 1986 a certainement dépassé tout ce qu'ils auraient pu espérer.
Divin Maradona
Une semaine plus tôt, les trois hommes se déplacent dans l'antre du diable. Toulouse est qualifié pour la première fois de son histoire en Europe et pour ce match d'ouverture de la Coupe de l'UEFA, le sort a réservé à la ville rose un bien beau cadeau de bienvenue. Le Naples de Maradona et son Vésuve du San Paolo. Les Italiens n'ont pas revu leur Argentin préféré sous le maillot bleu ciel depuis la fin de saison précédente. Entre temps, Diego est devenu champion du monde pour la deuxième fois de sa carrière avec l'Argentine. Il est autant adoré que détesté après sa "main de dieu" face à l'Angleterre mais aussi pour son slalom devenu historique dans le même match.
Après être passé sur tous les écrans de la planète, Maradona peut revenir chez lui où les Napolitains l'attendent pour briller de nouveau. Si l'obstacle toulousain ne semble être qu'anecdotique, le retour du fils prodigue au San Paolo déclenche l'hystérie collective. Le stade est plein et les Toulousains vivent un véritable cauchemar. Dominés de bout en bout dans une ambiance surchauffée, ils résistent cependant et ne prennent qu'un but, évitable, d'Andrea Carnevale. 1-0, ce sera le score final.
Une ville en ébullition
La presse ne donnait pas cher des hommes de Jacques Santini avant le match aller. Pour beaucoup, le retour sera une partie de plaisir pour les Napolitains. Du côté des Toulousains pourtant, quelque chose se passe. D'ordinaire désert, le centre d'entraînement est pris d'assaut par les supporters. La presse est aux aguets. L'exploit prend forme.
Le jour du match, les joueurs sont installés dans le quartier résidentiel de Saint-Simon au sud de la ville. Il ne leur faut en temps normal qu'une dizaine de minutes pour rejoindre le Stadium. Ils mettront une heure et demie. Pascal Despeyroux n'a que vingt ans mais il est titulaire le soir du match. Au cours d'un entretien pour le site ActuToulouse, il revient sur cet engouement. "Sur l'avenue de Muret, des centaines de supporteurs marchaient à côté du car. Là, tu comprends ce qui se passe. C’est comme une vague qui vient pour te submerger. Un choix s’impose : soit tu disparais, soit tu sors la tête de l’eau en montant d’un cran tes capacités naturelles".
Stopyra, une baffe et ça repart
L'expérience est présente du côté des Toulousains. Marcico, Bergeroo, Stopyra tous sont internationaux. Cependant, personne n'est à l'abri d'un moment de décompression. Le gardien international expliquera comment il a ainsi remis d'aplomb ce dernier peu avant de rentrer sur le terrain. "Yannick est venu me voir avant le match pour me dire qu'il se sentait pas bien et qu'il était mou. Je lui ai dit de fermer les yeux, respirer. Et à la deuxième respiration, je lui ai mis une baffe".
Les idées de nouveau en place, le milieu tricolore est intenable dans ce match et ce sera lui qui ouvre le score face à Naples dès la 15e minute. Un mal pour un bien en somme.
Diego, les jambes de plomb
Marquer est important mais bloquer le meilleur joueur du monde l'est tout autant. En défense, c'est la tour de contrôle Alberto Tarantini, coéquipier de Maradona en 1978 lors du Mondial remporté par l'Argentine, qui se dresse cette fois-ci à face à l'enfant-roi. Il rabaisse son coéquipier avant la partie à de nombreuses reprises et casse déjà auprès de ses coéquipiers l'image de divinité que le Pibe de Oro traîne dans tous les stades du monde.
Les autres joueurs de la ville rose prendront le relais tout au long de la partie. Le grand Diego se prend des coups de savate toute la soirée. Le groupe des 500 napolitains venu fêter la qualification est ainsi en stupéfaction et commence à douter. Les joueurs d'Ottavio Bianchi sont poussés dans leurs retranchements. Maradona muselé, c'est le Vésuve qui s'éteint.
Ce sera aux penaltys que la décision se fait. Stopyra manque le premier. La gifle passe près. Tous ses coéquipiers transformeront le leur. De son côté Naples voit Bagni manquer son tir. Il ne reste plus que Maradona à s'élancer. Mais ce dernier se manque et touche le poteau. Le Stadium explose. Au terme d'un match suffoquant, leur équipe vient d'éliminer l'une des meilleures équipes d'Europe. Un exploit historique. Et unique. Toulouse est éliminé dès le tour suivant et ne retrouvera plus cette ivresse des sommets européens. Ceux qui vous font basculer dans une autre dimension.
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