Ultra-trail : Xavier Thévenard à l'assaut du record du GR20
Comment vous sentez-vous avant d'attaquer ce challenge inédit pour vous - celui du GR20 en Corse - connu pour être l'un des sentiers les plus durs au monde ?
Xavier Thévenard : "Très bien merci. Oui l'idée de faire le GR20 c'est quelque chose qui me stimule. Au final j'ai fait beaucoup d'ultra-trails dans ma carrière, mais je n'ai jamais couru au-delà de 24 heures (23h57 sur l'Hardrock 100 aux États-Unis en 2016, NDLR). Là, je pars sur une épreuve de 180 kilomètres avec 14 000 mètres de dénivelé. Je n'ai jamais fait autant ! Ça va m'intriguer aussi un peu de savoir comment mon corps va réagir."
Justement pour en revenir un peu aux origines de cette exploration du corps, comment s'est construite votre volonté de courir toujours plus longtemps et de battre des records ?
X.T : "J'ai toujours pratiqué le sport depuis gamin. Je suis originaire des Plans d'Hotonnes (station de sports d'hiver dans l'Ain, NDLR), je faisais l'entraînement du skieur de fond l'été. C'est quand même bien axé sur de la course à pied en nature, avec un effort assez similaire. Là où on vivait avec mes frangins et ma frangine, c'était un peu loin de tout et du coup la rando, la course à pied, c'était un peu le moyen de déplacement pour aller voir les copains. C'est un peu comme ça qu'on a forgé notre endurance, on passait notre temps dehors."
Vous avez aussi eu l'un des plus grands sportifs français de l'histoire comme concurrent dans votre jeunesse, en la personne de Martin Fourcade...
X.T : "Oui j'étais en session sports études au lycée, je faisais de la compétition en ski de fond et aussi en biathlon. Je participais aux championnats de France, aux courses nationales et je suis de la même année que Martin Fourcade donc j'ai couru mes années juniors avec lui. Mais j'avais des résultats trop irréguliers et j'ai mis de côté le biathlon, j'ai fait de la longue distance en ski de fond avec un team local dans le Jura. Et puis un jour j'ai décidé de faire mon premier trail long. Quand je faisais du biathlon, souvent, après les entraînements, je retournais courir, pas pour essayer d'être plus fort que les copains mais parce que j'aimais bien m'évader dans mes pensées. Il y avait ce côté un peu aventure. Puis quand j'ai eu on premier dossard en trail en 2009, ça ne s'est pas trop mal passé. J'ai voulu explorer, voir un peu plus loin, si je pouvais tenir un peu plus la distance etc."
"Il y a toujours des réactions surprenantes du corps que l'on n'arrive pas à comprendre même avec de l'expérience (...) on peut être fatigué au bout de 50 bornes et reprendre du poil de la bête au bout de 100 kilomètres alors qu'on était à bout"
Il y a quand même un côté surréaliste dans cette exploration de ses limites. Comment est-ce qu'un jour on est amenés à se dire : "je vais courir plus de 100 kilomètres et mon corps va tenir le coup" ?
X.T : "C'est sûr que ce n'est jamais facile d'aller aussi loin. Il y a toujours des réactions surprenantes du corps que l'on n'arrive pas à comprendre, même avec de l'expérience. Cela fait 10 ans que je cours sur des épreuves long format, et à chaque fois c'est différent, il faut trouver les bons outils pour pallier les difficultés. Il y a des moments où c'est vraiment surprenant parce qu'on peut être fatigué au bout de 50 bornes et reprendre du poil de la bête au bout de 100 kilomètres alors qu'on était à bout. Ce sont des expériences intrigantes, et puis c'est ce côté-là qui est révolutionnaire en quelque sorte. Ce n'est pas du tout en phase avec notre société actuelle. Aujourd'hui, on cherche à être dans le confort sans forcément faire le moindre effort... Ça m'agace un peu. Je pense qu'on peut avoir des besoins qui ne sont pas trop superficiels, s'éclater dans la nature, dans la montagne, voir plein de choses, s'amuser avec son corps et partager tout ça avec des copains en finissant la journée cramés de fatigue. C'est ça que j'aime bien dans ce sport."
Pour revenir sur le défi qui vous attend en Corse, comment vous êtes vous préparé ? Car hormis la distance et le dénivelé, c'est avant tout un tracé très technique qui ne laisse rien au hasard...
X.T : "Oui il n'y a rien de comparable à la Corse, c'est un terrain qui est vraiment particulier. L'idée est née l'année dernière, on est venus avec Benoit Girondel (double vainqueur de la Diagonale des Fous, NDLR), avec dans l'idée de pourquoi pas faire cette tentative du GR20 non stop. Sans prétention ou pour se dire qu'on allait battre le record de François d'Haene (31h06) mais surtout pour savoir combien de temps on pourrait mettre. On avait fait la reconnaissance en quatre jours et vu que pas mal d'événements sont annulés avec la crise sanitaire, je me disais : "GR20 rime bien avec 2020 alors autant l'essayer cette année." J'ai essayé de trouver des terrains similaires dans les Alpes en me préparant du côté de Chamonix mais il y a beaucoup de cailloux en Corse. C'est compliqué de trouver une technicité aussi importante. J'ai essayé de me lâcher un peu dans les descentes avec le dénivelé. On verra ce que ça peut donner. Il va falloir garder de la vigilance et de la lucidité car on peut se faire mal à tout instant. Mais je suis bien accompagné, j'ai une bonne équipe de coureurs avec moi, des locaux que je connais bien et deux-trois copains du continent aussi. Sans eux, c'est impossible de pousser ses limites et de faire un temps. Si je dois m'arrêter pour chercher l'itinéraire... Le but, c'est de vivre une belle expérience avec tout le monde, avec une bonne dose de sport... Et pourquoi pas le record ?" (rires)
Vous avez annoncé récemment que dorénavant, vous refusez de prendre l'avion pour aller courir à l'autre bout de la planète. Est-ce qu'il y a un rapport différent à la nature, à l'environnement lorsque l’on fait du trail ?
X.T : "Disons qu'on ne fait pas ce sport par hasard. Il faut être passionné par le milieu naturel, la montagne, l'effort physique. C'est sûr qu'on passe beaucoup de temps dehors, il faut être attaché à ces valeurs-là. J'ai eu la chance de vivre dans cet environnement depuis tout petit avec une nature à proximité. Forcément j'y suis attaché. C'est pour cela que j'aime bien m'évader dans les montagnes parce que ça me remplit de bonheur de voir la nature évoluer au fil des saisons, de voir les différentes fleurs... Il faut être un peu rêveur pour s'évader dans ces grands espaces aussi longtemps. C'est aussi pour ça qu'il faut faire attention à ce milieu qui est fragile. Au quotidien, j'essaie d'avoir un impact minime sur cet environnement."
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