Pour le directeur du Tour de France, "Julian Alaphilippe a changé la donne, avec ou sans lui, ça n'aurait pas été pareil"
Christian Prudhomme aimerait que Julian Alaphilippe se prépare pour gagner le Tour de France dans les années à venir.
Le Tour de France 2019 touche à sa fin. Christian Prudhomme en a profité, dimanche 28 juillet, pour revenir sur cette 106e édition de la Grande Boucle. À quelques heures de l'arrivée à Paris sur les Champs-Elysées, le directeur du Tour de France est revenu, pour franceinfo, sur cette édition riche en rebondissements.
franceinfo : Dans quel état ressortez-vous de ce Tour ?
Christian Prudhomme : Plein d'émotions. De Bruxelles avec Eddy Merckx et des gens qui pleuraient sur son passage, jusqu'à maintenant avec Pinot, Alaphilippe et Bernal, avec l'étape interrompue, c'était un Tour extraordinaire, sans le moindre doute, un Tour inoubliable. On est passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, on a tout vécu, tout espéré. Il y a de grandes nations du vélo qui se réveillent avec la France bien sûr, mais aussi la Belgique avec plusieurs victoires d'étapes, l'Italie avec Ciccone [maillot jaune au début du Tour] et Nibali qui gagne l'étape à Val Thorens, ou encore les Pays-Bas avec le premier maillot jaune néerlandais depuis 30 ans [Mike Teunissen]. Et en même temps, pour la première fois, un coureur colombien qui s'impose. Il vient d'un pays qui fait vibrer le cyclisme, un pays de grimpeur, de champions. Ça va être assurément une fête incroyable en Colombie. Egan Bernal est l'un des plus jeunes vainqueurs de l'histoire, seul Henri Cornet en 1904 avait été un plus jeune vainqueur, c'est exceptionnel.
Egan Bernal remporte le Tour, devant Thomas et Kruijswijk. Ce n'est pas le podium dont vous rêviez il y a trois jours ?
Avec le Tour qu'on fait les Français, je ne vais pas vous mentir : on aurait rêvé qu'un Français monte sur le podium. Il y a une pointe de déception à la mesure des rêves. Tout le monde - et moi aussi - s'est pris à rêver d'avoir un Français qui succèderait, 34 ans après, à Bernard Hinault. Ce n'est pas le cas. C'est un prodige colombien de 22 ans qui gagne. Heureusement, Romain Bardet sera sur le podium avec le maillot à pois du meilleur grimpeur. Après ce Tour-là, qu'un Français soit sur les podiums sur les Champs-Elysées, ça me paraît la moindre des choses.
Julian Alaphilippe a porté 14 jours le maillot jaune. Est-ce le vainqueur moral du Tour de France ?
Non, le vainqueur moral, c'est Egan Bernal, le vainqueur tout court. Maintenant, Julian Alaphilippe a démontré des qualités encore supérieures à celles qu'on lui connaissait. Il a attaqué du début à la fin, il a emballé le Tour de France. Il casse les codes, car c'est un coureur d'instinct, qui prend du plaisir et en donne. Il s'est battu formidablement. Chapeau. C'est sûr qu'avec ou sans lui, ça n'aurait pas été pareil. Il est dans son temps, il apporte de la joie, de la simplicité. J'aimerais évidemment qu'il se prépare pour gagner le Tour. Il y a une envie extraordinairement forte qui a été créée d'avoir un Français qui gagne, ça s'est senti du début à la fin.
Le public s'est passionné pour ce Tour, où rien n'était joué vendredi matin, à deux jours de l'arrivée. Comment faire pour que cela se reproduise ?
Il faut être très humble, nous n'avons avec le parcours qu'un quart de la réponse. Ce sont les coureurs qui font la course. L'an dernier, si l'équivalent de Julian Alaphilippe avait attaqué dans l'étape de Quimper ou de Mûr-de-Bretagne, qui étaient faites pour cela, on aurait dit "formidable". Julian Alaphilippe a changé les données du Tour de France 2019, sans nul doute. Il y a eu aussi l'absence de Chris Froome, l'espoir de certains coureurs qui avaient une place à prendre... La porte s'est entrebâillée, Julian Alaphilippe a mis les deux pieds, Thibaut Pinot a tiré sur les montants, derrière d'autres se sont engouffrés et ça a donné cette course magnifique jusqu'à la fin.
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