"Nous, on n’a rien à vendre, juste des idées" : quand la CGT se manifeste au cœur de la caravane du Tour de France
Le syndicat fait partie de la quarantaine de sponsors présents cette année dans la caravane publicitaire. Franceinfo est monté à bord de sa voiture, mardi, lors de la quatrième étape entre Mondorf-les-Bains et Vittel.
Après des chansons de Jacques Dutronc et Eddy Mitchell, la sono de la CGT cherche à présent un "partenaire particulier", et ça fait danser les bas-côtés. Mais ce n’est pas le moment pour Philippe de fredonner ce refrain, qu’il connaît pourtant par cœur. Assis à l’arrière de la voiture, il est en charge de la distribution. Main droite dans les cartons, main gauche à l’extérieur. Ce retraité de la police, à la CGT depuis trente-sept ans, a installé un morceau de mousse sur la vitre pour "éviter de perdre un bras d'ici la fin du Tour."
>> Le Tour de France : regardez la 5e étape entre Vittel et La Planche des Belles Filles
Devant, au volant de la voiture, Jérôme est concentré, les yeux rivés sur la foule, "au cas où un enfant traverserait la chaussée par exemple." Anticiper les dangers, ça le connaît : il conduit des trains dans la région de Bordeaux le reste de l'année. Et voilà la caravane de la CGT qui fait route, mardi 4 juillet, entre Mondorf-les-Bains et Vittel. Au programme de la quatrième étape du Tour de France : 207 kilomètres sur les routes du Luxembourg, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges.
Coincé derrière le roi du saucisson Cochonou et devant le spécialiste de la frite congelée McCain, le syndicat est limité niveau goodies. "Nous, on n’a rien à vendre, juste des idées", s'en sort comme il peut Dominique Piron, le responsable de l’événement au sein de la CGT. Pas de briquet, pas de stylo, rien, aucun gadget. Sauf un journal. Son journal, La Nouvelle Vie ouvrière.
D’ici l’arrivée sur les Champs-Elysées à Paris le 23 juillet, le syndicat en a 100 000 à distribuer à qui en veut. Environ 5 000 exemplaires, en moyenne, sont ainsi lancés à travers la fenêtre sur chaque étape. A l’intérieur des pages, le secrétaire général Philippe Martinez y va de son petit édito. Et puis il y a aussi quelques lignes consacrées à Robert Marchand, le cycliste de 105 ans qui bat record sur record (et accessoirement adhérent à la CGT depuis quatre-vingt-dix ans).
"L’idée ce n’est pas de bloquer ou de gueuler"
Loin des cortèges traditionnels qui ont cours le reste du temps, la CGT profite de cet événement populaire pour "montrer qu’on existe, même l’été." Le Tour de France, "c’est une sacrée vitrine, reconnaît Dominique Piron, dix Grandes Boucles à son palmarès. Evidemment, l’idée ce n’est pas de bloquer ou de gueuler. On est ici dans une fête populaire incroyable et on respecte ça. C’est juste une autre manière de militer."
Tout le débat actuel sur la loi Travail nous est bénéfique. Comme l’an passé, on sent les gens réceptifs.
Dominique Pironà franceinfo
Au total, ils sont huit sur la caravane CGT. Des retraités pour moitié, et des salariés qui sont ici sur leur temps syndical ou sur leurs congés personnels. C’est la même chose pour "les copains de Force ouvrière", également présents sur le Tour. Il y a aussi le Medef, "avec qui on s'entend moins", qu’il a pourtant fallu laisser passer vers le kilomètre 65. Jérôme ironise : "Pas certain qu’eux mettent en avant la grande journée d’action du 12 septembre prochain."
Sur le Tour depuis 1947
Cela fait maintenant soixante-dix ans que la CGT a sa place sur chaque Tour de France. Contrairement aux autres marques, qui verse à ASO, l'organisateur du Tour, entre 300 000 et 1 million d'euros, le syndicat n’a pas à mettre la main au portefeuille pour pouvoir en être. "C’est une tradition qui remonte à 1947, explique Dominique Piron. A l’époque, les organisateurs avaient décidé d’inviter tous les titres de presse qui avaient pris part à la Libération du pays. Et notre journal en faisait partie."
Et, tout comme les équipes de coureurs, le syndicat choisit à l’avance les étapes "intéressantes". A l'aide du roadbook, il regarde celles qui vont attirer les foules. A l’étranger, par exemple, inutile d’aller vider des cartons entiers pour "un public qui sait à peine qui on est." En montagne aussi, "c’est plus compliqué."
On jette un œil à la topographie, aux zones où il y a plus d’entreprises.
Jérômeà franceinfo
Et celle du jour est, semble-t-il, une "très belle étape". Parce qu'on est sur un bassin ouvrier important. Le tracé passe notamment à 5 km de Florange (Moselle), connue pour son usine sidérurgique détenue par le groupe ArcelorMittal.
Des insultes parfois
Et puis le Tour de France, c'est aussi l’occasion de "croiser des copains du syndicat qu’on n’a pas vus depuis deux ou trois ans, à côté desquels on a pu se battre sur des dossiers passés", rappelle Maurice, lui aussi depuis longtemps adhérent à la CGT. C’est donc aussi beaucoup d’histoires qui vont avec. Comme cette fois à Grenoble, lorsque "les gars de la CGT sont restés bloqués dans l’ascenseur de l’hôtel. Devinez qui est venu nous sortir de là ? Les pompiers de la ville... qui étaient en grève ce jour-là !"
Il arrive aussi que le syndicat soit la cible d’insultes de la part de spectateurs. "Malheureusement, on n’est pas toujours les bienvenus, certains se demandent ce qu’on fout ici. Ils mélangent tout, ils pensent qu'on est là pour mettre le bazar." Mais il n’y a rien eu de tout cela sur les routes de l'Est. Beaucoup d’applaudissements, des pouces en l’air, des "allez la CGT !", des "merci pour tout", des salariés qui ont tenu à prendre leur pause pendant le passage de la caravane. "Ça fait chaud au cœur, lâche Dominique Piron. C’est la preuve qu’on compte toujours." Mercredi 5 juillet, le peloton fait route vers La Planche des Belles Filles, en Haute-Saône, une région ouvrière. A première vue, c’est encore une étape taillée pour la CGT.
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