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Tsonga, l'heure de la maturité ?

Deux jours après son exploit contre Roger Federer, Jo-Wilfried Tsonga doit confirmer sa performance contre Novak Djokovic, en demi-finale de Wimbledon. A 26 ans, il semble libéré dans son jeu, dans son esprit. Séparé de son entraîneur Eric Winogradsky depuis avril dernier de son propre chef, le Manceau a l'occasion de revenir dans le Top15 (s'il perd) voire dans le Top10 (s'il va en finale). Sur la surface probablement la plus adaptée à son jeu, il peut rêver.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Joe-Wilfried Tsonga

Jo-Wilfried Tsonga a eu son lot de blessures. Il a eu son lot de souffrances. Il connaît désormais la plénitude. Et il rêve maintenant de nirvana. Des mauvaises expériences, des longues séances dans le milieu médical, des désillusions et la peur de passer à côté d'une belle carrière, tout cela a forgé son caractère. De cette longue période délicate, avec des hauts et beaucoup de bas, il les a vécus aux côtés d'Eric Winogradsky. Fidèle protecteur, l'entraîneur l'a mené des tournois futurs aux tournois challengeurs, puis au circuit principal, jusqu'à une finale de Grand Chelem (Australie 2008) et à une place de titulaire en Coupe Davis. Et c'est en retirant cette protection bienveillante longue de 7 années que le Manceau a peut-être trouvé le chemin de la grande révélation. "J'ai fait des choix", assume-t-il. "J'ai décidé d'être plus autonome, de vraiment vouloir les choses et de les faire comme je les sentais. Je pense que je me suis responsabilisé. Ça m'a permis de mettre les yeux là où je ne voulais pas les mettre auparavant. J'ai surtout cessé de me plaindre pour des détails".

Seul et sous sa seule pression, telle serait la raison de son évolution ? Pas seulement. Car en se séparant de son mentor, "Jo" a repris une certaine liberté mentale et a modifié sa philosophie de jeu. Bien décidé à porter son jeu davantage vers l'avant, pour profiter encore plus de l'avantage de son service et de son gros coup droit, il a repris en main son tennis. Et lorsqu'il regrettait que la nouvelle constance de son jeu en 2010 lui fasse perdre un peu de son impact, il laissait filtrer les différences avec Winogradsky. Sans lui, il a pris le risque de se tromper. Sans lui, il a retrouvé le chemin du filet. Quitte à écourter sa carrière en usant un peu plus son physique, pour mieux atteindre des sommets plus élevés. A Roland-Garros, déjà, les premières conséquences de ce changement lui avaient permis de passer à deux doigts de la victoire contre Wawrinka, un vrai spécialiste de la terre. Et c'est sur le gazon que son évolution a été magnifié. Un gros service, un énorme coup droit, une volonté de gagner des points en prenant le risque de les perdre, des volées pas encore dignes des Edberg ou Sampras mais déjà performantes, voilà la recette de cette présence en demi-finale de Wimbledon, de cette énorme performance contre Roger Federer. En étant le premier joueur à remonter deux sets de retard contre le Suisse en Grand Chelem pour le vaincre sans concéder plus d'une balle de break dans tout le match, le 19e mondial a impressionné. Et surtout, il respire le bonheur, souriant même quand un de ses coups "chaleur" ne fait pas mouche. Sans pression de l'extérieur, il semble libéré, se répétant régulièrement durant tous ses matches de "jouer point par point". Le meilleur moyen de ne pas être rattrapé par l'enjeu, comme il l'a montré contre l'ancien N.1 mondial en terminant le 4 et le 5e set sur un jeu blanc. Mais si tout cela est possible, c'est aussi parce qu'il s'est entouré d'un kiné, Michel Franco, ancien kiné de l'AS Monaco au temps de la gloire du club monégasque et ancien kiné d'Amélie Mauresmo au temps de son accession à la place de N.1 mondiale. Entre soins physiques et soins culinaires (c'est lui qui prépare les plats), cet homme discret a modifié le comportement du joueur: "Avant, je m'interdisais d'être  ce que je suis. Michel m'aide à être beaucoup plus équilibré".

Mais pour devenir un très grand joueur, il doit enchaîner. En 2008, après avoir battu Rafael Nadal dans un match impérial en demi-finale à Melbourne, il n'avait pas été capable de rééditer sa performance en finale contre Novak Djokovic. Cette année, après avoir battu Djokovic en quarts de finale toujours à l'Open d'Australie, il était tombé en demi-finale contre Roger Federer. Pour sa troisième demi-finale en Grand Chelem dans sa carrière, il croise encore une fois le Serbe. S'il mène (5-2), le Français sait que ce 8e affrontement peut représenter un tournant dans sa carrière. Il lui faudra ne pas changer sa manière d'aborder les évènements s'il veut atteindre la finale. "J'essaie de m'isoler le plus possible pour ne pas écouter ce qui se passe autour parce que c'est assez drôle. Le peu que je peux voir, lire ou entendre, c'est que du négatif. Alors que moi je ne suis que dans du positif", clame-t-il depuis qu'il est seul. Mais il ne sera pas seul du tout à l'heure d'entrer sur le court Central pour sa demi-finale, couvé du regard par son frère Enzo et par son petit clan.

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