Cet article date de plus de deux ans.

Tennis : en autorisant le coaching depuis les tribunes, l'ATP pourrait "créer un déséquilibre" entre les joueurs

L'ATP a précisé mardi que la mesure allait être testée à partir du 11 juillet jusqu'à la fin de la saison.

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Stefanos Tsitsipas après avoir reçu un avertissement pour coaching, lors du match face à l'Espagnol Carlos Alcaraz, à l'US Open, le 3 septembre 2021. (JUSTIN LANE / AFP)

Un changement qui ne fait pas l'unanimité. L'ATP a annoncé mardi 21 juin qu'elle allait autoriser les entraîneurs à coacher leurs joueurs depuis les tribunes pendant les matchs. La mesure sera testée à partir du 11 juillet jusqu'à la fin de la saison, lors du Masters organisé en novembre à Turin. Elle concerne les matchs du tableau des qualifications ainsi que ceux du tableau principal du circuit ATP. 

Ces échanges "verbaux et non verbaux" seront toutefois encadrés. Ainsi, ils ne seront autorisés qu'à partir des tribunes et depuis des sièges attribués aux entraîneurs. 

"Normaliser ce qui existait en cachette"

Ces interventions ne devront pas perturber le jeu ou gêner l'adversaire, et devront se limiter à quelques mots ou phrases, et non des conversations. Autre condition : les échanges seront acceptés seulement quand l'entraîneur et le joueur se trouveront du même côté du terrain.

Les gestes seront eux autorisés sur l'ensemble du match, toujours en veillant à ne pas interrompre le jeu, ni perturber l'adversaire. En revanche, le coaching verbal ou gestuel sera interdit si le joueur venait à quitter le court, quelle qu'en soit la raison. 

"Le coaching non verbal était interdit mais tout le monde l'utilisait. Ça a existé et ça existe encore et n'est pas sanctionné. L'ATP ne fait finalement que normaliser ce qui existait en cachette, sans que l'arbitre ne le voie ou ne le sanctionne", réagit Patrice Hagelauer, ancien entraîneur de Yannick Noah, de l'équipe de France de Coupe Davis et ex-DTN au sein de la Fédération française de tennis (FFT). Le Grec Stefanos Tsitsipas est régulièrement critiqué par ses adversaires, qui lui reprochent de bénéficier de coaching de la part de son camp. 

Pour encadrer cette nouvelle règle, l'ATP précise dans son communiqué que "des pénalités et des amendes seront toujours appliquées en cas d'abus ou de mauvaise utilisation des conditions de coaching". Un encadrement aux limites encore floues menant à de possibles dérives. "C'est une porte ouverte aux abus, qui seront difficiles à arbitrer", ajoute Patrice Hagelauer. 

"Cela peut changer l'issue d'un match"

Ce remaniement du règlement n'est pas forcément bien accepté dans le monde du tennis. "Cela peut changer l'issue d'un match, car ce sont de petits détails qui font que l'on gagne ou non. Cela va créer un déséquilibre lors des matchs", tranche le joueur Enzo Couacaud, "déçu" par l'annonce de l'ATP. 

"On voit des joueurs qui ont des capacités d'analyse aux changements de côté. Elles leur permettent de trouver des solutions si besoin, ce qui est une qualité, alors que d'autres ont beaucoup plus de mal, explique l'ancien joueur Arnaud Clément. Là, on va avoir un regard extérieur qui va aider les joueurs et enlever à certains le petit plus qu'ils ont par rapport aux autres. Je trouve cela un peu dommage", développe l'ex-capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis, "opposé" à cette nouvelle règle. 

Cela pourrait-il dénaturer l'essence même du tennis ? "Oui, répond Enzo Couacaud, 207e joueur mondial. Aujourd'hui, en payant un coach, parfois super cher car il est un ancien top 5 ou top 10 mondial, il va lui donner les clés."

"Moi, je vais donc jouer contre l'adversaire et le coach qui a été top 5 mondial. C'est plus dur et injuste. Nous n'avons pas tous les mêmes moyens. Ça devrait être tel joueur contre tel joueur, et chacun avec ses armes pour gagner."

Enzo Couacaud, 207e joueur mondial

à franceinfo: sport

Pour le joueur de 27 ans, qui participe actuellement aux qualifications de Wimbledon, ce test constitue même un aveu de faiblesse de l'ATP. "J'ai l'impression que l'ATP a mis cette règle pour de grands joueurs qui se faisaient toujours coacher, et qui n'étaient pas sanctionnés. L'ATP change les règles pour ne plus avoir à faire la police derrière", estime Enzo Couacaud. "On essaie de plus en plus de changer les règles du tennis, le coaching, la pause toilette, les 25 secondes au service, poursuit-il. L'ATP n'arrive pas à faire respecter les consignes aux meilleurs, et nous, les autres joueurs, on paye pour cela. C'est ça qui est un peu scandaleux."

L'ATP dans les pas de la WTA

Cette modification du règlement permet à l'ATP de s'aligner sur la WTA, qui avait procédé dès 2020 au même test sur certains tournois. "C'est dans l'air du temps, estime Patrice Hagelauer. Dans de nombreux sports, il y a du coaching, il faut donc peut-être tenter l'expérience, et voir s'il y a des abus ou non." 

L'essai sera soumis à une évaluation collective à la fin de la saison 2022, afin de définir la possibilité d'inclure durablement le coaching hors du terrain lors des saisons suivantes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.