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Stéphane Houdet : "On ne peut pas gagner notre vie en ne comptant que sur les dotations"

A bientôt 50 ans, Stéphane Houdet poursuit son énorme carrière sur les courts en tennis fauteuil, et son combat. Le Français, qui lutte pour faire connaître et apprécier son sport, ne peut pas rester insensible aux différences de dotations (prize money) entre valides et non valides. Ainsi, à Roland-Garros, les vainqueurs du simple hommes et dames empochent chacun 1,6 millions d'euros quand celui qui remporte le tournoi de tennis fauteuil ne gagne que 53 000 euros. Un gouffre que Stéphane Houdet ne désespère pas réduire.
Article rédigé par Julien Lamotte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
Stéphane Houdet au service (MATTEO CIAMBELLI / NURPHOTO)

Stéphane, que vous inspirent les différences de dotations entre les valides et les non valides sur un tournoi comme Roland-Garros ?
Stéphane Houdet
: "On ne peut pas gagner notre vie en ne comptant que sur les dotations. Et encore, Wimbledon et Roland-Garros sont les tournois qui paient le plus ! Il faut savoir que, hors Grand Chelem, le vainqueur du Masters en tennis fauteuil ne touche que 6000 euros. Et le gagnant d'un Masters 1000 empoche seulement 2500, 3000 euros." 

Comment remédier à un tel écart ?
SH :
 "Je pense que la solution viendra d'une meilleure exposition de notre sport. Comment le "marketer" davantage ? Comment attirer plus de partenaires, plus de sponsors ? Il y a un vrai travail de médiatisation à faire en amont, assurer davantage de conférences de presse, mieux relayer les diffusions de matchs. Là par exemple je galère pour retrouver un replay de mon double. Je suis lucide évidement, je sais bien que je ne suis pas Nadal et que je n'aurai jamais un contrat équipementier avec Nike ou Lacoste ou Uniclo. Mais une meilleure communication autour de notre sport nous aiderait tous, c'est certain. Il suffit de voir la finale du simple messieurs hier (Ndlr jeudi) entre Gerard et Kunieda pour se rendre compte que les matchs sont spectaculaires et que le niveau de jeu est vraiment bon !"

Concrètement, sur quels critères s'appuyer pour mettre en avant votre sport ?
SH :
 "Mon souhait serait que l'on nous donne sur tous les tournois l'équivalent d'un perdant au premier tour d'un Grand Chelem et que l'on arrête de créer autant de catégories non valides pour souligner notre différence. Il y a un équilibre à trouver mais il n'est pas simple : il faut vendre notre sport mais sans appuyer sur la compassion."

Dans ce cas, quelle solution préconisez-vous ?
SH :
 "Il faut sortir le tennis fauteuil de l'univers paralympique et créer un sport à part entière, ouvert à tous, valides comme non valides. C'est, à mon sens, le meilleur moyen de se servir du sport comme vecteur d'inclusion dans la société. Aujourd'hui un enfant dans un fauteuil roulant rêve-t-il d'une médaille d'or aux Jeux Paralympiques ? Non, il veut avoir une chance de se battre avec les valides."

"C'est comme si on interdisait à Nadal de jouer contre Djokovic car il est gaucher"

N'est-ce pas utopique ?
SH :
 "Pas du tout. Aux JO, pour le 100m, il y a une course et une médaille d'or, point. En paralympique, il y en a 16 ! Comment espérer faire rêver ? J'irai même plus loin en disant que cela va à l'encontre des valeurs du sport. En créant des multitudes de catégories, en enfermant les personnes "qui ont un truc qui déconne" dans des cases, on va à contre-courant de l'évolution de la société. Au début le sport était réservé aux Athéniens, aux blancs, aux riches mais il a su s'affranchir de tous ces clivages. Pour prendre un exemple par l'absurde, c'est comme si aujourd'hui on interdisait à Nadal de jouer contre Djokovic car il est gaucher." 

Quels obstacles pourriez-vous rencontrer dans cette lutte pour faire reconnaître le tennis fauteuil comme un sport à part entière ?
SH :
 "Déjà, il ne faut pas tomber dans la compassion du handicap. La beauté du sport c'est justement de pouvoir transcender son handicap pour se dépasser. La plupart des joueurs du top 10 mondial en tennis fauteuil pensent comme moi, ils ne veulent plus être stigmatisés. L'IPC (Comité paralympique International) freine car les jeux paralympiques représentent une manne d'argent tout de même très conséquente. De même, certains joueurs se satisfont très largement d'être casés dans une certaine catégorie de handicap et de tout gagner dans cette catégorie. Mais c'est absurde car on arrive à des situations où ils n'ont pas de rivaux, pas d'adversité. Ce n'est pas ma définition du sport..."

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