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Tennis : Roland-Garros, terre hostile pour les joueurs français

La France a voulu croire à une génération dorée (Tsonga, Simon, Gasquet, Monfils), mais le palmarès est famélique, en particulier sur terre battue.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jo-Wilfried Tsonga après sa victoire contre le Slovène Aljaz Bedene, au premier tour de Roland-Garros, le 27 mai 2013. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Vous n'avez pas pu passer à côté de l'anniversaire de la victoire de Yannick Noah, un après-midi de juin 1983. Trente ans que le tennis français attend un successeur, vingt-cinq qu'on patiente depuis la dernière finale de Roland-Garros disputée par un Français. Malgré la belle victoire de Gaël Monfils face au Tchèque Tomas Berdych (6e mondial) lundi, qu'un joueur français se hisse en finale du tournoi, commencé dimanche 26 mai, relèverait du malentendu ou d'un très heureux concours de circonstances. Explications.

La France n'est pas une grande nation de tennis

On oublie un peu vite que quand Yannick Noah soulève le trophée en 1983, il met fin à une disette de 37 ans. L'année 1946 avait été particulièrement faste, avec deux joueurs tricolores vainqueurs de Roland-Garros puis Wimbledon. Le seul moment où la France a écrasé le tennis mondial remonte aux années 1920. Et les "nouveaux mousquetaires" sont arrivés. Quatre joueurs dans le top 20 mondial en 2008 (Monfils, Gasquet, Simon et Tsonga), du jamais-vu depuis des décennies. La presse leur trouve ce surnom, Canal + tourne un documentaire à leur gloire, le public français rêve titre du Grand Chelem et Coupe Davis. En vain. 

"On est simplement à notre place. On les a montés trop tôt en épingle avec cette histoire de mousquetaires", regrettait en octobre 2012 Loïc Courteau, ancien entraîneur d'Amélie Mauresmo, dans le Journal du Dimanche. Jo-Wilfried Tsonga, le plus régulier d'entre eux, avait expliqué avant le tournoi de l'an dernier qu'il n'avait "aucune chance de le gagner". Et après sa défaite de justesse contre Novak Djokovic en quart de finale, il avait surenchéri : "L'année prochaine, nous aurons la même question, et la même réponse. Tant qu'aucun d'entre nous ne gagnera un Grand Chelem, nous ne pourrons pas dire que nous pouvons en gagner. C'est tout."

Encore plus déprimant, Guy Forget, n°4 mondial au pic de sa carrière, estime la domination du Big Four Djokovic-Nadal-Federer-Murray trop écrasante pour laisser une chance aux tricolores. Le tout, avec une comparaison cycliste, dans Grantland (en anglais) : "Avant le début du Tour de France, vous savez qui va l'emporter. Ça se joue entre trois ou quatre coureurs, et si vous n'êtes pas dans ce groupe, vous n'avez aucune chance. C'est ce que le tennis est devenu."

La terre battue portée disparue en France

On compte environ 30 000 courts de tennis en France, dont seulement 15% de terre battue (et cinq malheureux courts en gazon). Soit six fois moins qu'en Allemagne ou en Belgique, pays aux conditions climatiques proches de l'Hexagone. "Dans les années 70-80, quand le tennis est devenu à la mode, un constructeur de courts en béton a proposé des tarifs intéressants aux communes, associés à des aides d'Etat et des aides fédérales", explique Fabien Boudet, responsable de l'équipement à la Fédération française de tennis, contacté par francetv info. "Et pour inverser la tendance, ça ne se fait pas d'un claquement de doigts. Construire un court en terre battue coûte environ 50 000 euros, [contre 40 000 pour un court en béton]. On ne peut faire que de l'incitatif, ce sont les communes qui sont propriétaires des installations." 

Les courts en terre battue sur lesquels la génération Noah-Leconte-Forget a usé ses premiers shorts ont pratiquement disparu. "Les jeunes, comme Adrian Mannarino ou Benoît Paire, n'ont pratiquement pas évolué sur des courts en terre battue, explique à francetv info Bruno Renoult, président de l'Association pour le développement de la terre battue. Certains coups propres à la terre battue ne leur sont pas naturels."

Le plafond de verre des joueurs français

Le système français a fait des envieux par la quantité de bons joueurs produits - plus de 70 dans le top 100 en quarante ans. Dans le camp français, on regrette que les meilleurs se heurtent à un plafond de verre pour accéder au top 4. Jo-Wilfried Tsonga a perdu 13 de ses 14 matchs contre un joueur du top 10 en 2012. Richard Gasquet a été justement analysé par John McEnroe dans le JDD : "Gasquet est sans doute le plus talentueux, mais on dirait que ça provoque chez lui une sorte de frustration quand il ne joue pas comme il veut." Gaël Monfils vient tout juste de revenir dans le top 100 et est victime de soucis physiques récurrents. Et le dernier quart de finale de Gilles Simon dans les tournois vedettes remonte à 2009.

Gilles Simon souffle lors de son match de premier tour de Roland-Garros contre l'Australien Lleyton Hewitt, le 26 mai 2013.  (VINCENT KESSLER / REUTERS)

Fabrice Santoro, qui a écumé le circuit pendant vingt ans, résumait dans le quotidien australien The Age (en anglais) : "Les Suisses n'ont que deux joueurs dans le top 100, mais parmi eux, l'un a gagné 17 tournois du Grand Chelem. Quand cette génération prendra sa retraite, dans trois ou quatre ans, il y a de fortes chances qu'aucun d'entre eux n'ait gagné un tournoi du Grand Chelem." Et la relève tarde à venir : seuls deux des douze Français classés dans le top 100 ont moins de 25 ans. 

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