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La métamorphose de Tomas Berdych, l'ancien bad boy du tennis

Tout ça grâce à un petit oiseau bleu et à un top model blond.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Le tennisman tchèque Tomas Berdych lors d'un match contre Gaël Monfils, à Dubai (Emirats arabes unis), le 11 décembre 2014.  (MARWAN NAAMANI / AFP)

C'est l'histoire d'un joueur de tennis que ses pairs détestaient, qu'on comparait au personnage (haïssable) d'Iceman, joué par Val Kilmer dans Top Gun, qui s'est fâché avec Nadal, chamaillé avec Federer, avant de s'amender en trouvant l'amour dans les bras d'une top model et l'humour sur les réseaux sociaux. Voici l'histoire de Tomas Berdych, ex-salaud du tennis mondial, qui défie en demi-finale de l'Open d'Australie Andy Murray, jeudi 29 janvier. 

"Tu es vraiment un sale type"

Berdych a patiemment bâti sa réputation de grand méchant du circuit ATP. Pas un mot dans les vestiaires, le service minimum devant les médias, et un regard bleu acier hautain. "Il est froid quand il perd", dit de lui le journaliste tchèque Michal Horejsi, du quotidien Livodky, cité par Weraretennis.com (en anglais). Quand il gagne aussi. Tombeur de Roger Federer à Wimbledon, en 2010, il traite le Suisse de "mauvais perdant" quand ce dernier explique avoir ressenti une douleur au dos pendant la rencontre. Un comble ! Car s'il y avait un panthéon des mauvais perdants, Berdych y figurerait à coup sûr. En 2006, alors que Fabrice Santoro sert pour le match contre lui à Wimbledon, il fait appel au kiné, juste avant le dernier point. "Il a interrompu le match un quart d'heure ! ", peste le Français. Devant les médias, Berdych ne se démonte pas : "Quand j'ai fait appel au kiné, je n'avais absolument rien au genou. C'était juste pour embêter Fabrice." 

Tomas Berdych grimace lors de son match contre Fabrice Santoro, à Wimbledon (Royaume-Uni), le 29 juin 2006. (CARL DE SOUZA / AFP)

Sa relation avec Rafael Nadal, un des joueurs les plus sympathiques du circuit, en dit long sur le personnage. En 2006, il bat l'Espagnol à Madrid, après avoir intimé l'ordre au public de se taire. "Tu es vraiment un sale type", lui dit Nadal à la fin du match. Lors du Masters 2010, Nadal conteste un point avec l'arbitre. La discussion dure un peu plus que de coutume. Berdych se répand dans les médias : "L'arbitre avait probablement peur de Rafa, et l'a laissé parler plus que ne le veut le règlement." Le gentil Nadal laisse poindre son agacement quand on lui demande son opinion sur le géant tchèque : "Je n'ai pas de relation avec lui, explique "Rafa", cité par Tennis.com (en anglais). Mais je lui dis bonjour quand je le croise, ce qu'il ne fait pas souvent."

"Je ne suis pas un bad boy"

Le point de non-retour est atteint quand Berdych refuse de serrer la main de l'Espagnol Nicolas Almagro, après un match à l'Open d'Australie 2012, sous prétexte que son adversaire l'a visé délibérément (et atteint à l'épaule) alors qu'il était au filet. Un fait rarissime au tennis. "Les courts font neuf mètres de large", grogne Berdych. Almagro s'est excusé sur le coup. "Donc, pour vous, on s'excuse et ça suffit ?" fulmine Berdych devant la presse après la rencontre. 

Avec les joueurs français, ce n'est pas l'amour fou. Le magazine tchèque Tennis Arena l'interroge pour savoir avec quel joueur il partirait en vacances sur une île déserte. "Certainement pas Michaël Llodra", lâche-t-il tout de go. Les tennismen tricolores le lui rendent bien : sondés par Le Parisien en 2008, ils l'élisent "joueur le plus antipathique du circuit". A Roland-Garros, un journaliste tchèque va voir ses collègues du Parisien, raconte Libération : "Franchement, je comprends, Berdych est un sale type, mais bon… moi, je ne peux pas l'écrire."

Tomas Berdych pose avec des kangourous, le 24 janvier 2011, à Melbourne (Australie). (ROBERT PREZIOSO / GETTY IMAGES ASIAPAC)

Longtemps, Berdych refuse de voir le problème. "Je ne suis pas un bad boy. On me ressort toujours les deux mêmes histoires, Nadal et Santoro", se défendait-il en 2010. "Des joueurs sont plus populaires et plus respectés que moi, c'est comme ça, disait-il au Daily Telegraph (en anglais) en 2012. Ça ne me tracasse pas plus que ça." A l'époque, la "Berdych Army" se résume à un étudiant australien éméché, hirsute et torse nu, qui hurle dans les tribunes du court central "si tu aimes Tomas, embrasse ton pote", raconte ESPN (en anglais).

"Tout ce que les gens voient de moi est ennuyeux"

Tout change le 27 mai 2013. Ce jour-là, Berdych est éliminé d'entrée par Gaël Monfils au terme d'un match marathon, dès le premier tour de Roland-Garros. Le joueur tchèque rentre chez lui, à Monaco, avec la perspective de passer deux semaines à regarder ses petits camarades transpirer à la télé. "Je cherchais juste quelque chose à faire", se souvient-il sur le site de l'ATP (en anglais). Il ouvre un compte sur Twitter. C'est la révélation. "Je voulais essayer de montrer aux gens quelque chose d'autre, au-delà du tennis. Tout ce qu'ils peuvent voir, c'est moi, sur le court, en train de taper dans la balle, et j'ai conscience que c'est plutôt ennuyeux."

Il se fait éliminer par Marin Cilic au terme d'un match qui s'est terminé au soleil couchant à Wimbledon ? Il tweete avec humour :

Quand il faut se dévouer pour prendre un selfie juste avant le Masters de Londres, c'est lui qui dégaine son téléphone.

Et il n'hésite pas à se moquer de son jeu : "Mon ombre sert bien mieux que moi !"

"Mes parents m'ont appris à aborder le tennis avec recul, et à ne pas trop laisser mes émotions m'emporter après une victoire ou après une défaite", confiait-il au magazine Tennis View (en anglais). Un peu dommage qu'on s'en rende compte si tard, non ? "Aujourd'hui, on peut s'exprimer plus librement que par le passé", explique-t-il, sous-entendant qu'il se sentait corseté par les consignes de l'ATP sur les déclarations des joueurs.

Pauses pipi, chemises hawaïennes et lingerie fine

Le Berdych d'avant n'aurait jamais confié au Guardian (en anglais) cette anecdote incroyable sur le double à rallonge (7 heures de match) contre la Suisse, au premier tour de la Coupe Davis 2013. "En Coupe Davis, on a le droit d'aller aux toilettes deux fois par match. Mais quand le match dure aussi longtemps, ce n'est pas assez. Donc, pendant le changement de côté, on courait comme des dératés sur le parking de la salle pour… désolé de le dire, mais il fallait vraiment qu'on y aille. Il y avait des spectateurs en pause clope et ils nous regardaient bizarrement. On l'a fait deux fois. Et on a gagné."

Tomas Berdych félicité par sa compagne Ester Satorova après la victoire de la République tchèque en Coupe Davis, le 16 novembre 2013 à Belgrade (Serbie). (ANDREJ ISAKOVIC / AFP)

Le Berdych nouveau a trouvé son équilibre côté cœur. Exit la tenniswoman Lucie Safarova, son amour de jeunesse avec qui il est resté plus de huit ans, place à Ester Satorova, un mannequin lingerie tchèque. "Avec elle, je peux me déconnecter complètement du tennis, confie-t-il à Tennis.com (en anglais). C'est la meilleure façon de se détendre." Au point qu'il trouve le tennis bien moins difficile que le monde des podiums et des shootings photo : "Le mannequinat est un peu semblable au tennis, dans le sens où vous êtes souvent loin de chez vous, et que la carrière est courte. Mais en tennis, on peut plus la contrôler. Alors que dans le mannequinat, si vous êtes beau, mais que personne ne vous pousse, c'est impossible."

Berdych serait-il en train de devenir cool ? Il a signé avec la marque de vêtements suédoise H&M, qui lui concocte des tenues bariolées à rendre Magnum jaloux. Il raconte qu'il prend le métro pendant Wimbledon pour visiter Londres, entre deux matchs. Et il a même posé nu dans le Body Issue d'ESPN Magazine (en anglais). Qu'attendent nos sommets de coolitude Gaël Monfils ou Novak Djokovic pour l'imiter ?

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