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Coupe Davis, UTS, Laver Cup, le tennis mondial en pleine mutation

Le tennis vit une période très particulière. Entre l'arrêt des compétitions officielles jusqu'à fin juillet (au mieux) et les initiatives privées pour tenter d'en tirer le plus de fruits, la petite balle jaune est en pleine révolution. Sans vraiment savoir où aller, et qui dirige...
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
  (ADRIAN DENNIS / AFP)

“Les jeunes ne regardent pas le tennis. C’est un fait. L'âge moyen des fans de tennis se situe à 61 ans, et prend un an de plus par an. Donc, ce n'est pas le signe que le sport se porte bien." Patrick Mouratoglou, l'emblématique coach de Serena Williams et créateur de l'Ultimate Tennis Showdown (UTS), fait un constat simple et plaide aussi pour sa paroisse. En mettant sur pied cette première compétition post-confinement en France, il tente, comme d'autres, de faire passer son sport dans le 21e siècle. L'objectif : attirer davantage de spectateurs, de téléspectateurs, de sponsors.

La Coupe Davis, 119 ans sacrifiés

Depuis plusieurs années, le tennis mondial se cherche, et fait sa mue. La centenaire Coupe Davis a été revisitée l'année passée. Terminée la saison à rallonge, le tour du monde au gré du tirage au sort, les matches dans une ambiance partisane voire hostile, les quatre simples et le double disputés en trois jours. Désormais, tout se joue sur une semaine à Madrid, lieu désigné par Kosmos, l'entreprise du footballeur Gérard Piqué. Deux simples, un double, au meilleur des trois manches, des phases de poules (18 équipes réparties en 6 poules) puis quarts de finale... A l'arrivée, la victoire espagnole n'a pas fait oublier les tribunes vides et le manque d'ambiance lorsque les troupes de Rafael Nadal ne jouaient pas. Le symbole de remodeler l'une des plus anciennes compétitions du sport mondial était très fort.

La Fed Cup, son pendant féminin, devait lui emboîter le pas cette année, avec 12 nations réunies une semaine à Budapest dans quatre groupes. Le Covid-19 a appuyé sur le bouton pause. Et comme chaque organisateur tente de tirer son épingle du jeu, l'ATP avait décidé également de lancer sa propre compétition par équipes, l'ATP Cup, sorte de Coupe Davis bis, mais avec des points ATP à la clé, en remplacement de la Hopman Cup, épreuve par équipes mixte créée en 1988 par la Fédération internationale (ITF).

Avant même de lifter ce monument qu'est la Coupe Davis, le tennis avait déjà subi une cure de jouvence avec la création de la Laver Cup, en 2017. A l'initiative, le maître du tennis mondial depuis près de 20 ans : Roger Federer. Le Suisse adapte la Ryder Cup de golf en mode tennis. L'Europe contre le reste du monde, cela a de quoi attiser les regards, surtout lorsque sur le banc prennent place deux légendes du sport, anciens grands rivaux sur le terrain : Björn Borg et John McEnroe. Le tout avec le nom et l'adoubement d'une autre légende : Rod Laver. Deux manches, un tie-break de 10 points en cas d'égalité à un set partout, l'épreuve se fait une place au soleil en réunissant à chaque fois les meilleurs de la planète, pour une exhibition haut de gamme et itinérante (Prague en 2017, Chicago en 2018, Genève en 2019, Boston en 2020 reportée en 2021).

La course au concept novateur 

L'initiative n'était pas nouvelle. On peut presque dire qu'elle est née sur les cendres de l'IPTL. L'International premier tennis league, créée en 2013 et "décédée" après 2016, était également une épreuve par équipes mais sans lien de nationalité, disputée en Inde, avec d'anciens joueurs (Ivanisevic, Agassi, Safin, Santoro...) et des stars du circuit d'alors. Trois éditions et c'en était fini de cette exhibition bien dotée financièrement, qui avait elle-aussi aménagé les règles (pas d'avantage dans les jeux, pas plus de 20 secondes entre les points, un temps-mort par set...).

Revisiter, repenser le tennis, c'est presque aussi vieux que ce sport. Dans les années 70, le "no add" (pas d'avantage dans les jeux, un point sec pour départager) avait été initiée, avant d'être repris dans certaines compétitions inférieures en 2016. C'est en 1970 que le tie-break apparaît, et en 1979 qu'il est uniformisé dans les règles du jeu. Dans les années 90, les surfaces ont été ralenties comme les balles pour redonner ses lettres de noblesse aux échanges malmenés par les machines à aces qu'étaient les Goran Ivanisevic et consorts. Plus récemment encore, le Masters NextGen, sensé mettre en lumière les stars de demain, avait installé le "no let" (le point se joue même si la balle du serveur a touché le filet) pour éviter les temps morts et offrir un peu plus de spectacle. Désormais, les 5 sets seraient trop longs pour diffuseurs et téléspectateurs, les joueurs trop aseptisés (contrairement aux volcaniques et parfois insultants McEnroe, Connors, Nastase...) après qu'on leur a imposé un code de conduite strict... 

Le crépuscule des monstres

Si la Fédération internationale annonce 87 millions de pratiquants dans le monde, elle sait que son avenir n'est pas écrit, et que la crise du Covid-19 n'a fait qu'accélérer les initiatives. A très court terme, l'arrêt des compétitions a mis à mal toute une économie, que ce soit au niveau des joueurs (un fonds d'aides envers les moins bien classés du circuit mondial a été créé), ou des organisateurs.

A moyen terme, la fin de carrière de la génération dorée Roger Federer-Rafael Nadal-Novak Djokovic-Serena Williams, véritables locomotives de la petite balle jaune, ressemble à un gouffre devant lequel le tennis ne veut pas tomber. A plus long terme, le tennis fait face, comme tous les sports ou activités, à la concurrence et à des modes de consommation différents, où le temps disponible est devenu rare. Au cœur de toutes les craintes : la baisse de fréquentation, le manque d'intérêt. En France par exemple, le nombre de licenciés est passé en 2018 sous la barre du million, après avoir dépassé les 1 300 000 au début des années 90.

Qui gouverne ?

Dans le Sud de la France, Patrick Mouratoglou a donc joué les sorciers avec le règlement : 4 quarts-temps de 10 minutes chacun pour un total de 1h de match maximum, 15 secondes entre chaque point, coaching en direct, des cartes "UTS" utilisées comme des jokers... "Avec les quinze secondes entre les points, il y a une grosse intensité, ça enchaîne sans arrêt", remarquait Lucas Pouille, l'un des participants du week-end passé. "C'est très ludique. J'ai pris beaucoup de plaisir." De son côté, Novak Djokovic a lancé l'Adria Tour, épreuve caritative jusqu'au 13 juillet disputée en Serbie, Croatie, et Bosnie (le Monténégro ne peut pas être visité car interdit aux Serbes en raison du coronavirus), pour des matches en deux sets gagnants de 4 jeux. La première avec du public.

Dans ce concours Lépine de la bonne idée, celle promue par Roger Federer d'unifier l'ATP (qui gère le circuit masculin) de la WTA (qui gère le circuit féminin) apparaît comme une nouvelle tentative de faire bouger les lignes. Car les décideurs sont nombreux, donnant au cap suivi un air de bateau ivre.

Le tennis mondial est lancé dans un vaste tourbillon. ITF, ATP, WTA, tournois du Grand Chelem, Laver Cup et tous les autres organisateurs privés se font concurrence et cherchent à sortir du lot. Est-ce que le tennis en sortira plus fort ?

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