Ski alpin : L'ombre de la Covid-19 plane sur la Coupe du monde
"La Covid a changé la physionomie de l’été, il peut changer celle de l’hiver", résume d’entrée Victor Muffat-Jeandet. Du haut de ses 31 ans, le slalomeur a suffisamment d’expérience pour savoir de quoi il parle. Et il n’est pas le seul à s’inquiéter de l’impact de la Covid sur la Coupe du monde 2020-2021 de ski alpin. "J’espère qu’on va arriver à sortir une saison complète. Après il faut rester les pieds sur terre, même si on est axé sur notre projet sportif on doit prendre en considération les difficultés pour gérer cette pandémie", tempère David Chastan, directeur des équipes de France masculine, qui ajoute : "La différence avec beaucoup de sports c’est qu’on véhicule de pays en pays, parfois tous les 4 jours". Et Tessa Worley d’ajouter : "C’est un moment très particulier, une saison qui s’annonce bizarre".
Un calendrier bouleversé
La première conséquence de la Covid sur cette saison est calendaire : aucune étape en Amérique du Nord, pas de combiné au programme et des week-ends dédiés à la vitesse, d’autres à la technique, pour éviter que les athlètes se croisent. Bref, un beau bazar. "Ils ont fait le maximum, il y a des choses qui sont plutôt bonnes. D’autres sont plus énigmatiques, problématiques : comment on va faire pour enchaîner Zagreb et ensuite aller à Adelboden ?", s’interroge Alexis Pinturault, selon qui "C’est plus sur les normes sanitaires à respecter qu’il peut y avoir des problèmes".
Ce que le champion français a dû mal à digérer, c’est surtout la suppression des combinés, sa spécialité, au nom de la volonté d’éviter de réunir les spécialistes du slalom et ceux de la vitesse au même endroit : "Le choix d’enlever le combiné, on peut le comprendre mais dans ce cas il fallait peut-être enlever les parallèles aussi". Victor Muffat-Jeandet est encore plus direct : "C’est une décision hypocrite, soi-disant pour ne pas mélanger les athlètes. Mais ils nous font faire un parallèle avec filles et garçons en novembre en mélangeant… Ce n’est pas très recevable". Mais tout n’est pas noir pour le ski français, qui profite de l’annulation des étapes d’Amérique du Nord pour en récupérer quelques unes.
En dehors de ces problématiques de calendrier, la Covid-19 pourrait surtout avoir un impact sportif décisif sur la course au globe de cristal. "On est tous un peu suspendus à un fil. On vit au jour le jour", résume Muffat-Jeandet. "Il va falloir être présente sportivement et arriver à rester zen face à la situation. On est acteur sur ce qu’on peut, et le reste il faut le laisser de côté", relativise Tessa Worley. Le reste dont la géantiste tricolore parle, c’est le risque d’être mis hors course par la Covid-19 à tout moment de la saison. Un simple cas contact en janvier pourrait ainsi coûter les chances de victoire finale au général à un Alexis Pinturault, ou à un Clément Noël en slalom.
Un championnat tronqué ?
Une situation qui inquiète Pinturault : "C’est difficile de se projeter pour le général. C’est un objectif mais tu peux être mis sur la touche par un week-end. Je peux très vite me retrouver cas contact. Je vais prendre les courses comme elles viennent". Touché par le coronavirus en mars, le skieur de Courchevel craint plus les conséquences sportives que sur sa santé : "Ça ne m’angoisse pas. J’ai eu le Covid, presque toute ma famille l’a eu aussi. Personne n’a été plus affecté que cela". Mais suite à cette contamination, il a plus de chances d’être positif à un test PCR, qui sont ceux demandés par la FIS. "J’ai l’impression que la punition est sévère si jamais c’est un test positif sans symptômes : la saison est en jeu, des carrières sont en jeu. C’est stressant", avance Tessa Worley.
Autre conséquence visible dès la rentrée à Sölden : l’absence du public. "Sölden c’est normalement toujours le chaudron, cette année ça va faire bizarre", s’inquiète déjà Pinturault. "Ça va être très particulier. Les spectateurs à Sölden font partie du décor, de l’ambiance. On a toujours beaucoup de Français. Je vais les regretter. En plus la physionomie de la piste fait qu’on entend vraiment les encouragements, comparé à d’autres pistes où c’est un petit peu moins le cas. Ça peut faire une vraie différence. Malgré tout il va falloir se livrer à 100% ", ajoute Tessa Worley. Pour Victor Muffat-Jeandet : "Le public c’est la cerise sur le gâteau, mais les émotions de la course seront présentes".
Et qui dit pas de public, dit perte de recettes pour les organisateurs. Ce qui nous amène à la dernière conséquence de la Covid sur le ski alpin : l’économie. Comme le reste de la société, la bulle de la Coupe du monde est touchée, même si les sponsors des coureurs répondent encore présents. "J’ai de la chance parce que mes sponsors me suivent à la même hauteur que l’année dernière. Ils ont bien passé la pandémie", se réjouit ainsi Coralie Frasse-Sombet. Du côté d’Alexis Pinturault, quelques contrats ont été revus à la baisse : "Ensuite sur les prize-money des courses je n’ai pas encore regardé, mais ça ne m’étonnerait pas qu’ils descendent", reconnaît le Français. Or, au-delà des athlètes, ces courses sont la vitrine du ski, comme le rappelle David Chastan :"Il y a des enjeux économiques énormes. On veut faire vivre notre sport. Les compétitions sont la vitrine du ski français".
Malgré toutes ces complications, la Coupe du monde de ski alpin s’apprête à reprendre ses droits pour 2020-2021 ce week-end à Sölden en Autriche. Et c’est bien là le principal pour les mordus de poudreuse tricolores, éloignés de la compétition depuis le mois de mars et frustrés par une saison écourtée l’année dernière alors qu’Alexis Pinturault et Clément Noël avaient les globes à porter de main. "Réattaquer l’hiver, ça fait extrêmement plaisir. On a tout pour répondre présent de manière sanitaire et sportive", lance le premier. Il faut l'espérer, car sans cette saison "80% des fédérations vont faire faillite et le sport d'hiver sera mort", a estimé mardi le directeur sportif de la Fédération allemande de ski (DSV), Wolfgang Maier, à l'AFP. En effet, la fédération allemande, comme beaucoup, tire 93% de son budget des droits TV et du sponsoring. L'ombre du Covid qui plane sur la Coupe du monde de ski menace donc bien plus que du sport.
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