JO 2018 : Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, les perfectionnistes
Sur la glace et ses alentours, l’apesanteur n’est plus. Le temps s’est arrêté. Pendant près de quatre minutes, la partition semble si parfaite aux yeux de tous qu’il est inutile de chercher l’erreur. Il n’y en a pas. Ou alors, elle est si rare, si pointilleuse, qu’à l’œil nu, impossible de la détecter. Cette recherche de la perfection, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron la cultivent. Les doubles champions du monde 2015 et 2016 de danse sur glace n’ont que 22 et 23 ans. Seulement. Mais ils voient plus loin. La remise en question ? Elle est permanente. Par le travail, par la recherche du détail qui fera la différence, les Auvergnats ne sont avares d’aucun effort. Au contraire, c’est tout simplement la clef de leur réussite exceptionnelle. Une réussite qui leur permet d’aborder ce rendez-vous olympique en position de favoris (NB : La nuit prochaine, danse courte à partir de 2h00 sur France 2 et Francetvsport).
« Les spectateurs reçoivent notre émotion, et on ne peut pas dire qu’une émotion puisse être imparfaite. Au contraire. »
Cette saison, rien ne semble pouvoir les atteindre. Leur propre record du monde en score cumulé ? Ils l’ont déjà battu à trois reprises. Mieux, ils sont les premiers danseurs sur glace à avoir franchi la barre symbolique des 200 points. A cinq reprises en autant de sorties cette saison : Trophée de Chine, GP de Grenoble, Finale du Grand Prix, Championnats de France et Championnats d’Europe. Papadakis et Cizeron ont envoyé un message très fort à leurs grands rivaux canadiens, Tessa Virtue et Scott Moir : pour les battre, il faudra se sublimer. Car les quadruples champions d’Europe ne cessent de repousser leurs limites. « C’est vrai que nous sommes très pointilleux, très perfectionnistes, nous confiait Guillaume Cizeron fin décembre, mais c’est parce que nous ne sommes jamais satisfaits même si on sait qu’on progresse. Il y a toujours des choses à améliorer. La performance parfaite n’existe pas […] En fait, c’est l’émotion qu’on peut dégager qui donne l’impression aux gens que c’est parfait. Ils reçoivent notre émotion, et on ne peut pas dire qu’une émotion puisse être imparfaite. Au contraire. »
A la recherche de « l’infime détail »
Le retour aux affaires, la saison dernière, du couple canadien, champion olympique en 2010 et médaillé d’argent en 2014, a finalement peut-être incité les patineurs tricolores à puiser dans de nouvelles ressources. Ce qui est sûr, c’est que les Clermontois sont de véritables travailleurs. Quand certains auraient lâché face à l’adversité, eux se sont encore plus remis au boulot. Ils n’auront rien sans rien et ils le savent, comme nous l’explique la jeune patineuse : « Il faut toujours se remettre en question. On regarde ce que l’on fait en se demandant toujours ce que l’on peut encore améliorer, en écoutant attentivement les retours des juges et de notre staff. »
Il y a aussi tout le travail de l’ombre. Ce qui en fait aujourd’hui les références mondiales sur le plan technique. Comme en matière d’interprétation : « On travaille beaucoup au niveau des émotions. On a d’ailleurs fait appel à Catherine Pinard, une ancienne actrice qui a aussi travaillé dans des écoles de théâtre. Elle nous apporte énormément le fait d’étudier la musique, de regarder ce qui vient nous chercher et comment le retranscrire au public. Tout est dans les infimes détails. Mais ce travail-là, sans la technique, ne nous amènerait nulle part. Donc si on l’ajoute une technique quasi parfaite, c’est ça qui au final peut nous démarquer des autres. » Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça fonctionne…
Un champion olympique comme chorégraphe
Incapables de battre Virtue et Moir la saison dernière, le duo tricolore a largement remporté son duel à distance sur la route qui le menait à PyeongChang. En alignant les quatre meilleurs scores cumulés de la saison. Et en les devançant aisément lors de leur unique face à face pré-olympique, en Finale du Grand Prix (202.16 pts contre 199.86 pts, ndlr). Pour y parvenir, Guillaume Cizeron nous dévoile ce qui a pu vraiment changer en quelques mois : « Nous avons toujours su que nous avions encore une grande marge de progression. On a donc essayé de faire des choix stratégiques qui nous permettraient d’être plus performants. On a notamment fait appel à Christopher Dean, ancien champion olympique, pour chorégraphier notre programme court. »
« Nous mettons plus de peps »
Auparavant, les Français s’inclinaient toujours face aux Canadiens sur la « short dance ». Mais cette année, le travail a payé, puisque l’écart s’est considérablement réduit. Mieux, pour la première fois, ils les ont battus à Nagoya (82,07 pts contre 81,53 pts, ndlr) : « Cela a porté ses fruits, nous avoue-t-il avec fierté. Nous mettons plus de peps. Et surtout, cela s’est fait rapidement car nous avons été confiants dans nos choix. On se l’est bien approprié ce programme court et le style latin nous convient bien […] Donc on prend beaucoup de plaisir à le faire et je pense que ça se transmet. »
C’est même une certitude. Il s’agit maintenant de répéter cette performance cette nuit pour aborder leur point fort, la danse libre, en toute sérénité. Car au final, tout se jouera ici, en Corée du Sud, dans l'antre de la magnifique Ice Arena de Gangneung. Et Gabriella Papadakis n’entend pas se défiler : « Nous sommes fiers d’être Français et rêvons d’apporter un titre olympique à notre pays. » Après, seulement, on pourra alors affirmer qu’ils ont bel et bien atteint la perfection.
De notre envoyé spécial à PyeongChang.
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