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Emilien Jacquelin, le goût du risque comme leitmotiv

Après la saison de la révélation, voici celle de la confirmation pour Emilien Jacquelin. Auteur de son premier podium en Coupe du monde suivi de son titre de champion du monde de la poursuite acquis en février dernier à Antholz-Anterselva (Italie), le résident de Villard-de-Lans vise désormais le titre de champion olympique en 2022. Avant ça, il tentera avec ses coéquipiers de faire oublier Martin Fourcade, son ancien partenaire d'entraînement sur le plateau du Vercors. Avec son goût du panache issu de son passé de cycliste, Emilien Jacquelin a les armes pour s'imposer durablement parmi les meilleurs biathlètes de la planète. Partez à sa découverte.
Article rédigé par Vincent Daheron
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Emilien Jacquelin, médaille d'or des championnats du Monde de la poursuite 2020 autour du cou. (MARCO BERTORELLO / AFP)

"Qui ose gagne." Trois mots gravés sur son ancienne carabine résument à merveille Emilien Jacquelin, révélation de la saison passée en biathlon ponctuée d’un titre de champion du monde. "C’est mon leitmotiv, ma vision de voir le sport de haut niveau", exprime-t-il posément en ce vendredi de novembre, à quelques jours de s’envoler à Kontiolahti (Finlande) pour le début de saison. Son leitmotiv, donc, c’est ce fameux panache dont nous, observateurs, usons et abusons pour le mettre à toutes les sauces mais qui sied mieux que tout à ce gamin de Villard-de-Lans. L’intéressé confirme, s’en délecte : "Le panache, c’est ne pas avoir froid aux yeux, savoir prendre des risques pour gagner."

Marco Pantani pour idole

Cet état d’esprit n’a jamais quitté Emilien Jacquelin, peu importe l’âge, peu importe la discipline, peu importe l’enjeu. "Il était plus motivé à faire de belles courses plutôt que par la victoire pure, même au judo, il aimait les beaux gestes", raconte son père, Laurent. Cet amour de l’esthétique, du geste juste, le tricolore le tire de son idole de jeunesse Marco Pantani. Avec ses trois grands frères, l'Isérois est tombé sous le charme de l’Italien en visionnant à l’excès une cassette du tour de France 1998 remporté par Pantani. "La cassette de 1998, on l’a regardée mille fois, on connaît les commentaires et les musiques par cœur", rigole son grand frère Augustin, deux ans plus âgé. Dans les repas de famille, les frères Jacquelin se marrent en y repensant, balancent les répliques cultes. "Marco Pantani attaque, c’est là que le Tour de France peut basculer", imite Augustin Jacquelin, hilare, à l’évocation de l’offensive dans les Deux Alpes et sous la pluie de l'Italien.

Si les exploits de Marco Pantani résonnent tant dans l’enfance d’Emilien Jacquelin, c’est que le vélo représente sa première passion. Ski de fond en hiver, cyclisme en été. "L’amour du vélo et plus particulièrement du Tour de France berçaient mes étés, se souvient le Vercorais. Je suis né au mois de juillet (le 11), donc ça a une saveur supplémentaire." "C’est un passionné qui suit le cyclisme de très près, il connait l'histoire de ce sport aussi bien que moi, si ce n’est plus", admet son ami Nans Peters, coureur pour l’équipe Ag2r La Mondiale et Grenoblois lui aussi. Le biathlète rêve alors d’endosser le maillot jaune sur les Champs-Elysées. Après tout, le cyclisme est génétique. Edmond Jacquelin, l’un des ses ancêtres, était champion du Monde sur piste en 1900.

"Ma passion pour le vélo était plus forte que pour le ski de fond"

A 10 ans, en 2005, Emilien Jacquelin remporte le Roc d’Azur de sa catégorie, une épreuve de VTT à la renommée internationale. En classe de 3e, il décide même de délaisser les planches pour se dédier uniquement au vélo. "Je sentais que cette passion était plus forte que pour le ski de fond", précise-t-il des années plus tard. L’enfant de Villard-de-Lans descend alors en sport-études à Grenoble, sa ville de naissance, mais une mononucléose le renvoie sur le plateau du Vercors quand on lui propose d’intégrer le pôle espoirs de ski de fond. "J’ai cru en mon destin, soit le vélo ne voulait pas de moi, soit je ne suis pas fait pour ça", relativise-t-il. Cette expérience en externat, bien qu’avorté, l’a endurci. "Il a développé son caractère là-bas", assure Clément, le deuxième de la fratrie, avant qu’Augustin ne complète : "Je pense que ça l’a construit, il a vu des choses qu’il n’avait jamais vues à Villard-de-Lans. La montagne, c’est une vie idyllique avec des gens de la même classe sociale, qui font tous du sport." Confronté à un autre milieu, confronté à sa méforme aussi, Emilien Jacquelin suit son destin et retrouve le ski de fond. Bien lui en a pris.

Emilien Jacquelin en ski de fond pendant son adolescence.

Dans ces plus beaux succès sur les skis, difficile de ne pas y voir un lien avec son passé de puncheur dans sa façon de courir. "On a vu un cycliste sur le dernier tour et pas un biathlète à Anterselva", s’enthousiasme Clément. Ce 16 février dernier, Emilien Jacquelin est sacré champion du Monde de la poursuite à Antholz-Anterselva en réglant Johannes Boe au sprint. Il rejoint au firmament les trois précédents Français champions du monde en individuel : Patrice Bailly-Salins, Raphaël Poirée et Martin Fourcade. Deux mois plus tôt, à Hochfilzen, en Autriche, le Français décrochait son premier podium en Coupe du monde au prix d’une attaque qui ne ferait pas tâche sur les pentes de l’Alpe d’Huez. Un de ses frères, Augustin, présent au bord de la piste ce jour-là, raconte : "Je vois à l’écran géant quelqu’un qui ressemble à Emilien placer une grosse attaque dans la montée. D’un coup, je fais le lien entre Emilien et le vélo et je comprends que c’est lui qui vient d’attaquer. Il l’avait fait à sa manière, sans la selle ni les roues mais avec les skis."

Emilien Jacquelin lors de son sacre mondial sur la poursuite à Antholz-Anterselva devant Johannes Boe. (MARCO BERTORELLO / AFP)

Sur son premier podium, l’émotion est palpable. La présence de son frère Augustin n’y est pas étrangère. "Il est très famille Emilien, très proche de ses frères", ajoute Corinne Jacquelin, sa maman. "Sur le podium, la seule personne que je regardais c’était mon frère, se remémore le biathlète de 25 ans. J’avais l’impression de me voir avec mes rêves d’enfant."

Un grand frère coéquipier de Martin Fourcade

Enfant, le Grenoblois est particulièrement précoce. Il skie à 18 mois, enfourche son vélo à moins de deux ans. Rapidement, Emilien Jacquelin découvre le biathlon devant la télévision à 5 ans. Au même âge, il "enchaîne les allers-retours devant la maison et tire avec une carabine en plastique", revoit son papa Laurent. Le benjamin de la fratrie suit ses trois frères sur les courses et notamment son aîné, Grégoire, membre des équipes de France jeunes avec Martin Fourcade. Pas assez âgé, il ne peut concourir mais l’envie le démange. "Sur une course où Emilien était encore trop petit pour participer, il avait demandé à notre père de la chronométrer", retrace Clément.

C’est seulement à 14 ans qu'Emilien Jacquelin pratique le biathlon pour la première fois, au tir à 10 mètres, puis court quelques temps après sa première course en biathlon. "C’était dans les Vosges, il pleuvait et j’avais dû tirer à 5/10, glisse-t-il. Je n’étais pas un super tireur, j’avais plus de capacités sur les skis." En 2011, ses résultats viendront confirmer ses propos. Il est sacré champion de France cadets de ski de fond mais ne termine que 7e en biathlon. "J’aurais pu continuer le ski de fond, mais j’avais envie de me prouver que j’étais capable de réussir dans un domaine qui me réussissait moins, simplement par esprit de contradiction", sourit Emilien Jacquelin.

"C'est un peu un show-man"

La suite, c’est une progression linéaire vers le meilleur niveau mondial. Il empoche le bronze sur les Mondiaux juniors 2014 et 2015 respectivement sur l’individuel et le relais. A 22 ans, il intègre l’équipe de France A sur la Coupe du monde. "Il était capable de faire les meilleurs temps de ski sur les premiers tours mais il explosait sur la fin", analyse Stéphane Bouthiaux, le directeur des équipes de France. Depuis, la gamin de Villard-de-Lans a bien grandi : huit podiums individuels en Coupe du monde dont le titre de champion du Monde sur la poursuite.

Surtout, le Villardien gagne en restant fidèle à lui-même, à ses convictions. "C’est un peu un show-man, observe Stéphane Bouthiaux. C’est dans sa nature de faire le spectacle et ça lui va très bien." A l’aube de cette saison 2020/2021 qui est celle de la confirmation, Emilien Jacquelin va tout faire pour continuer à réaliser ses rêves. Ça tombe bien, le prochain arrive déjà très vite. "J’aimerais devenir champion olympique, c’est mon rêve le plus fou maintenant."

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