Alexis Pinturault : "Je ne peux pas faire abstraction des Jeux Olympiques"
Alexis, comme chaque année depuis quelques temps, avec l’équipe de France, vous avez été en Argentine, à Ushuaïa, pour la préparation estivale. Pourquoi cette destination est-elle aussi appréciée et devenue incontournable ?
Parce que les conditions sur les glaciers deviennent de plus en plus compliquées. Déjà il y a la température qui fait que les glaciers ont du mal à regeler la nuit. Du coup la neige ne durcit plus, et au petit matin, elle est molle. Donc des fois, les glaciers n’ouvrent même pas pour les préserver. Cela complique les choses, nos entraînements, notamment de juin à août. Ce sont les raisons pour lesquelles on va à Ushuaia. Ça s’ancre réellement dans l’habitude. C’est presque devenu indiscutable car c’est le seul endroit où on a les mêmes conditions qui ressemblent à celles que l’on rencontre durant l’hiver.
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Malgré tout, en cette année olympique, votre préparation a-t-elle changé ?
Oui complètement. Déjà, les groupes d’entraînement ont évolué. La Fédération a mis en place de nouvelles choses. L’an dernier il y avait eu des problèmes en plein milieu de l’hiver qui avaient eu des répercussions sur les Mondiaux et la fin de saison. Au final, tout le monde s’est posé, il y a eu de grandes discussions et les choses ont évolué, la Fédé a donc fait des choix. Il y a deux groupes techniques plutôt qu’un : avec les slalomeurs d’un côté et les géantistes polyvalents de l’autre. Donc les groupes sont plus petits, plus modelables et plus autonomes.
Et en ce qui vous concerne, individuellement, qu’est-ce qui a changé ?
Désormais, je m’entraîne seul physiquement. Cela me permet d’avoir mon propre programme "hors-ski". Cela me facilite énormément de choses : que ce soit vis-à-vis des médias, de mes partenaires, ou des entraînements. Cela me permet également d’être beaucoup plus effectif. Car les années précédentes, je pouvais être fatigué en pleine semaine… Mais maintenant je peux couper en semaine et bosser le week-end. Les choses évoluent. Je me sens du coup plus à l’aise car c’est un programme qui me convient parfaitement. Puis avec le groupe sur les skis, nous nous sommes bien éclatés tout l’été. Donc on espère reproduire tout ça l’hiver.
Pendant les Jeux, « l’essentiel, c’est de skier »
Avec les Jeux Olympiques en ligne de mire, la pression est-elle vraiment différente, supérieure à celle d’une saison "normale" ?
Je ne vais pas dire que l’on fait abstraction des Jeux. Non ils sont là, donc automatiquement on ne peut pas dire qu'il s'agit "d'une course comme les autres." La problématique avec les Jeux, c'est qu'il y a beaucoup de choses autour : le village olympique, les médias, il y a beaucoup d’athlètes, et toutes les retombées qui vont avec. Or, tout ça, c’est superflu, et c’est ce qui peut nous poser des problèmes. Il ne faut pas oublier que finalement il faut revenir à l’essentiel, et l’essentiel, c’est de skier. Le défi est d’arriver à faire ça, et de rester certes conscient que beaucoup de choses sont différentes mais pas non plus se faire happer par tout ce qu’il peut y avoir autour. Donc il faudra bien rester concentré sur ce qu’on a à faire durant l’événement.
Vos deux dernières saisons sont diamétralement opposées : en 2016 vous commencez mal mais terminez très fort, et totalement l'inverse l'hiver dernier. Du coup, cette saison c'est enfin la bonne pour rester régulier et performant jusqu'au bout ?
On ne pourra pas savoir avant d’y être. Mais c'est la direction que nous avons voulu prendre bien sûr, et essayer de ne pas oublier que j’ai eu du mal à toujours faire des saisons pleines. Il y a quelques années, c'était en milieu de saison que je connaissais des creux avec des bons débuts, un mois de Janvier mauvais, un février plutôt bon et une fin correcte. Bref, maintenant on a mis le doigt dessus pour progresser. On a essayé de changer les choses, on espère justement qu’en prenant cette nouvelle voie, sans changer drastiquement, notamment avec mes programmes physique et médiatique individuels, cela puisse me libérer du temps de repos pour nous permettre de réaliser de meilleures performances et surtout plus régulièrement.
"Les Mondiaux de Saint-Moritz, c'est oublié"
L’échec aux Mondiaux de Saint-Moritz (NDLR : 7e du Géant et 10e du Combiné) peut-il vous perturber, vous figer lorsque vous serez tout en haut de la piste le jour-J ?
Très clairement : non ! Je ne suis plus du tout dans la même situation. Pas sur le plan sportif mais par rapport à l’environnement qui m'entoure. Là on a justement calmé toutes les choses qui n'avaient pas été, et mis tout à plat pour être le plus serein possible. Donc vraiment, je peux vous le dire, ce ne sera pas le cas. En tout cas s’il y a un souci, et c’est possible, sans doute même, ce ne sera pas à cause des Mondiaux de Saint-Moritz, c'est oublié. Donc si problème il y a, ce sera normalement plus simple à gérer...
Au final, sur quel pied danser cette année ? Comment allez-vous mixer vos objectifs en Coupe du monde et ceux de Pyeongchang ?
Ma priorité cette année n’est pas l’hiver. Ce ne sont pas les Globes, les classements et tout. Il faudra être aux avant-postes pour arriver en forme en Corée et augmenter nos chances, mais mon objectif principal, clairement, ce sont les Jeux Olympiques. Il faudra peut-être faire des impasses en janvier pour arriver avec plus de repos, pour engranger de la fraîcheur. Il y aura donc des choix à faire. Mais le classement général passera forcément au second plan pour éviter les regrets par la suite. En se disant : "j’aurais dû couper à ce moment-là car, résultat des courses, je suis arrivé fatigué et je n’ai pas pu rebondir".
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