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Quand la Covid-19 plonge les stations de sports d'hiver dans l'inconnu

Elus, commerçants, hôteliers, saisonniers : la pandémie de Covid-19 inquiète à tous les niveaux dans les stations de ski alors que l'hiver pointe le bout de son nez. Depuis le début du reconfinement, les stations travaillent d'arrache-pied pour préparer l'ouverture à une date qui demeure inconnue. Une inquiétude d'autant plus forte que la région Auvergne - Rhône-Alpes est particulièrement touchée par le virus dans cette deuxième vague. Dans ces circonstances, le gouvernement doit trancher d'ici une dizaine de jours sur l'ouverture des stations à Noël. Le cas contraire serait préoccupant pour le secteur.
Article rédigé par Vincent Daheron
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
  (JEFF PACHOUD / AFP)

Le 28 octobre dernier, le président de la République Emmanuel Macron renvoyait le pays tout entier en confinement et remisait par la même occasion les skis au placard. A l’approche de l’ouverture des stations, ce reconfinement a touché de plein fouet un secteur qui pèse quelques 34 milliards d'euros en Europe annuellement, et 68 milliards sur le plan mondial, selon une évaluation pour l'AFP de Laurent Vanat, expert suisse. Les acteurs de la montagne assurent unanimement qu’ils s’y attendaient alors que la région Auvergne - Rhône-Alpes, dans laquelle figure le massif alpestre, est en tête du triste classement national des hospitalisations. Le glacier de Tignes a dû fermer seulement douze jours après son ouverture à la mi-août. "On a été obligé d’accepter à contrecœur, on a ressenti ça comme un choc, nous confie attristé le maire de Tignes Serge Revial. J’en ai eu mal au cœur et la larme à l’œil de fermer le domaine puisque tous les efforts mis pour relancer la machine ont été anéantis."

Le mauvais souvenir de Contamines-Montjoie

Avec son glacier, Tignes fait figure d’exception. La plupart des stations de sports d’hiver devaient ouvrir au plus tôt le 28 novembre. Une deadline désormais intenable puisque le confinement est de rigueur a minima jusqu’au 1er décembre. Les stations naviguent alors à vue devant un horizon vague. "On est dans l’obligation de reporter l’ouverture à une date qu’on ne connaît pas, c’est l’inconnu", admet Cecile Ferrando, responsable marketing et communication de la station de Val d’Isère. "On ne sait pas du tout quand est-ce que ça va ouvrir, c’est l’incertitude la plus totale", complète Jean-Luc Boch, président de France Montagnes, une structure créée en 2010 pour promouvoir et communiquer sur la montagne française.

Malgré l’incertitude, de rigueur dans l’univers de la montagne, les stations doivent tout faire pour être en ordre de marche une fois le confinement levé. "Il y a une chose qu’on ne veut pas, c’est ouvrir trop prématurément et mettre en difficulté les services hospitaliers, insiste Jean-Luc Boch. Nous, les montagnards, ne sommes pas irresponsables." Peu importe la date d’ouverture, les stations travaillent comme jamais pour permettre d’accueillir les touristes dans un environnement sans risque de contamination. Le souvenir de la petite station familiale de Contamines-Montjoie (Haute-Savoie), nichée au cœur du massif du Mont-Blanc, qui avait été l’un des premiers foyers de contamination en février dernier est encore dans toutes les têtes. "On est confiants parce qu’on sait qu’on a mis en place un protocole qui nous permet de travailler en sécurité, affirme Jean-Luc Boch. On sera capable d’éviter la propagation." Ce protocole commun à toute la montagne française impose le masque dans toute la station dès 11 ans, sauf sur les pistes. Les stations voisines de Tignes et Val d’Isère envisagent même la possibilité de réaliser des tests PCR sur le domaine. "On travaille main dans la main avec les services de la préfecture pour organiser la station avec les locaux de tests que nous sommes en train de mettre en place", détaille le maire de Tignes Serge Revial.

"Il faut avoir les reins et une trésorerie solides"

Lors du premier confinement, les grandes stations ouvertes habituellement jusqu'à début mai ont dû fermer sept semaines plus tôt. "On a perdu 20% de notre chiffre d’affaires, précise Cecile Ferrando concernant Val d’Isère. On a accusé le coup plus que certaines stations comme Courchevel qui ferment tôt." A Tignes, les chiffres étaient relativement proches selon l’édile Serge Revial : "Tout le monde a fait moins 30% en moyenne, c’est très compliqué, il faut avoir les reins et une trésorerie solides." Alors une deuxième saison raccourcie de suite inquiète au plus haut niveau les stations françaises. S’ils n’ont aucune inquiétude sur l’envie des Français de vouloir retrouver l’air pur qu’offre la montagne lors du déconfinement, l’incertitude n’aide pas les réservations à se remplir. "On a un retard dans les réservations acquises, avoue Cecile Ferrando, responsable marketing et communication de Val d’Isère. Le taux d’occupation est de 38% sur tout l’hiver, en général on est presque à 60% à cette date-là."

Les télécabines de la station de Tignes. (PHILIPPE ROY / PHILIPPE ROY)

Les grandes stations doivent surtout faire une croix sur la clientèle internationale. A Val d’Isère, les étrangers représentent pourtant plus de 60% des clients. "Notre population hivernale vient habituellement du Royaume-Uni, de la Scandinavie, de la Russie et de la Belgique. On a tiré un trait dessus, se résout Cecile Ferrando. On a lancé des campagnes pour aller chercher notre clientèle en Auvergne - Rhône-Alpes, sur Paris. La typologie de nos clients va obligatoirement changer."

"Des personnes, des petites entreprises ne passeront pas l'hiver"

Cet hiver, la crise pandémique fait vaciller tout le secteur économique de la montagne. Les emplois liés au secteur vont au-delà du seul fonctionnement de la station. En 2020, Domaines skiables de France (DSF) recense ainsi 18 000 salariés mais estime que ce sont "plus de 120 000 emplois qui dépendent de l'ouverture" des pistes (commerces, hébergements, écoles de ski…). "Des personnes, des petites entreprises ne passeront pas l’hiver, alerte Cecile Ferrando. Beaucoup de métiers dépendent de cette économie blanche."

Parmi ceux-là, les magasins de location de matériel, les hôtels et les saisonniers en tout genre sont les premiers concernés, menacés. "Bien sur que je suis inquiet, c’est l’incertitude qui nous préoccupe, nous glisse Erik Ten Hoven, gérant d’un magasin Sport 2000 à Tignes 1800 - Les Boisses. On a aucune réservation actuellement contre 90% habituellement à cette période. Je me demande même si ça vaut la peine d’ouvrir si on n’a pas d’étrangers." Un peu plus haut, à Val d’Isère, Magali Bellier est inquiète pour l’hôtel familial depuis les années 50 et qu’elle a repris en 1994. Elle est propriétaire des murs depuis trois ans mais les charges fixes restent élevées. "On n’a quasiment pas de réservation, seulement 40% d’occupation sur la deuxième semaine du nouvel an, alors que d’habitude on est à 95%, s’inquiète-t-elle. On se pose la question de savoir si ça sera viable." Luc Walch, lui, fait partie des 120 000 saisonniers employés chaque hiver dans les stations françaises. Artisan-menuiser l’été, il donne des cours privés lorsque la neige se dépose sur les sommets de Val d’Isère. "La perte de chiffre d’affaires va être comprise entre 50% et 90%, nous détaille-t-il. C’est une grosse inquiétude, parce qu’il faut quand même payer le reste." Après une fin de saison déjà pénalisante pour lui - "les pertes représentaient près de 10 000 euros", Luc Walch attend rapidement une aide de l’Etat, et il visite le site du gouvernement plusieurs fois par semaine pour vérifier.

"Notre période clé, c'est février-mars"

En France, la fréquentation à Noël représente près de 13% du total de la saison contre plus de la moitié pour février et mars. "Notre période clé, c’est vraiment février-mars, confirme Erik Ten Hoven. Si on doit ouvrir à Noël mais être reconfiné en février, ce serait dramatique." Pour autant, une fermeture pour les fêtes de fin d’année, le président de France Montagnes Jean-Luc Boch "ne l’envisage pas". "La question n’est à ce jour pas tranchée, une décision sera prise dans les dix prochains jours", a précisé ce lundi Matignon, à l’issue d’une réunion avec les acteurs du secteur. Les incertitudes devraient rapidement se dissiper pour les stations de sports d’hiver à l'aube d'une saison sans pareille.

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