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"Nettoyer les haltères, c'est nouveau" : Un jour dans les salles de fitness déconfinées

Après plus de deux mois de confinement, les salles de sport ont pu rouvrir leurs portes ce mardi. Si l’excitation de reprendre prime chez les usagers, beaucoup estiment que les règles d’hygiène plus strictes pourraient s’ancrer durablement dans leur pratique.
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
 

"Attendez, deux mois à faire du sport devant une chaîne Youtube ? Au bout d’un moment, ça devient lourd, j’avais hâte de retrouver les machines et l’ambiance de la salle !"  Céline a le sourire jusqu’aux oreilles. Serviette rouge sur les épaules, visage rougi par l’effort, elle savoure son retour en salle de sport. Ce week-end, le Fitness Park de Laon, dans l'Aisne, a prévenu tous ses usagers sur ses réseaux sociaux : "J-1 avant la réouverture !" Parmi les premières structures à avoir dû fermer leurs portes en début de confinement, les salles de sport ont pu rouvrir ce mardi, au grand bonheur des sportifs assidus.  

Il est 14h. C’est l’heure des fantômes de la salle. Ceux qui sont toujours là, qu’il pleuve ou qu’il vente, ceux qui détiennent les secrets de la maison. "En temps normal, je passe 2,3 heures par jour ici". Sela ne parle pas beaucoup. Il est grand, et surtout, plus large qu’une armoire. "J’en faisais aussi chez moi. Mais ce n’est pas pareil. Les machines ici, j’ai l’impression de les connaître" dit-il, les coudes sur son "pec-deck".  Sela dit n’avoir pas peur "du tout" de faire du sport à plusieurs dans une pièce fermée. Comme beaucoup ici, il s'estime "plutôt à l’abri, par rapport au reste de la population" car il est "en forme". Pourtant, certains gestes se sont insinués dans sa routine. "La seule différence, c’est qu’il faut choisir ses machines. J’essaie d’aller là où les autres n’ont pas été, pour diminuer les risques".

Des gestes nouveaux 

Un peu plus loin, Didier rigole. Son pote Brandon, qu’il n’avait pas vu depuis "des lustres", vient de se moquer de ses pompes "faiblardes". "La reprise est dure. Le rythme n'est plus là". Didier aime venir "à la salle" après le déjeuner car cela lui convient mieux par rapport au travail. Il porte un bandana noir, qu’il fait glisser sur le côté à chaque fois qu’il s’apprête à parler. "La grande différence, c’est qu’on nettoie des choses qu’on ne nettoie pas avant. Les haltères par exemple, c'est nouveau ! Personne ne voyait l'intérêt de passer un chiffon dessus après utilisation...Là, ça va changer. J’ai l’impression que ça va rendre les gens beaucoup plus consciencieux avec tout ça".

 

De son côté, Michelle vient de terminer son heure de cardio sur tapis. Elle s'empresse de prendre une lingette pour nettoyer les bras de sa machine. Pour elle, c'était déjà une habitude avant le confinement. "Par contre, je ne le faisais pas en arrivant. Je faisais confiance aux autres...Là, je préfère le faire, vu le contexte, j'assure mes arrières", rit-elle. 

"Moins des coaches que des vigiles"

Le responsable du club d’Orange Bleue de Laon en est également persuadé. "Le fitness va changer, et en bien. Avant, quand on rappelait les règles d'hygiène, les gens nous ignoraient un peu, ils étaient laxistes. Maintenant, je pense que tout le monde va prendre ça au sérieux. Et ça ne va pas s'arrêter de sitôt". Plus petit que son concurrent en taille, "plus familial" assure Arthur, des ajustements ont aussi dû se faire dans cette autre salle de Laon. Ici, les vestiaires sont fermés. Les adhérents ont seulement droit à des casiers qui se trouvent dans le couloir, où ils peuvent ranger leurs chaussures. Entre six et huit machines ont été enlevées, les autres espacées de deux mètres ; le salle de "biking" (une très petite pièce où des dizaines de vélos d'appartement sont côté à côté, à moins d'un mètre) est complètement fermée. Les cours collectifs se font seulement sur réservation. 

 

Au-delà de ces simples mesures, c'est son travail au quotidien qui va changer, explique Arthur. "Pendant trois semaines, on sera moins des coaches que des vigiles. On sera moins présents auprès des clients pour le sport, beaucoup plus à l'entrée, pour voir si tout est respecté". 

Tâter le terrain

A l'entrée du Fitness Park, Céline a du travail. Mais il ne ressemble pas forcément à ce qu'elle fait d'habitude. Face à elle, derrière la plaque de plexiglas qui la sépare désormais des clients, un homme s'enquiert de la situation. "Expliquez-moi, comment ça se passe ?" "Ça", c'est la reprise, le déconfinement, les gestes barrières. "Ça", c'est avant tout un moyen de tâter le terrain, voir si la salle est bien préparée et équipée pour "le fitness d'après". Un rapide coup d'oeil à l'intérieur et l'homme semble rassuré. Des machines barrées par des rubans noirs et jaunes. Des marquages au sol. Beaucoup de marquages au sol. Et puis, quelques pots de gels hydroalooliques entreposés à chaque coin de la salle. Céline lui détaille, point par point, la charte de Fitness Park, les gestes qu'il devra adopter. Le client, chaussé de tongs et d'un bermuda de plage, n'était de toute façon pas ici pour polir ses biceps. Il était en repérage. 

Leila aussi l'est aujourd'hui. "Je suis passée ce matin voir comment c'était, et là je suis venue à 16h, un peu plus tôt que d'habitude, au cas où il y a foule après". Leila est en vacances les deux prochaines semaines. Et elle veut en profiter. "A partir d'aujourd'hui, je viendrai matin et soir. Je sais c'est beaucoup, mais le mois de juin, c'est la période maillot de bain. Il faut être prêt pour l'été, même si on n'est pas sûrs de pouvoir aller à la plage".

 

Il est 17h30. La salle est plus bruyante. Moins de machines vides, l'odeur de transpiration se renforce. Pas de doute : nous sommes en heure de pointe. "Il n'y a pas photo, estime Leila. D'habitude, il y a beaucoup, beaucoup plus de gens. A cette heure, on devrait avoir du mal à changer de machine. Les gens hésitent encore à venir". Baptiste, le manager de Fitness Park, confirme : "En temps normal, à cette heure-ci, il y a deux fois plus de gens". 

Heure de pointe et affluences à gérer 

Pour autant, ce relatif calme pourrait ne pas durer, avec l'arrivée de l'été et le ralentissement de la propagation du virus. Et l'affluence pourrait mettre à mal le dispositif de gestes barrières. "Nous ne devrions pas avoir de problème, assure Baptiste. Notre salle fait à peu près 1000m2. On a fait le calcul d'après les préconisations de distance sociale : on peut accueillir un maximum de 160 personnes en même temps. Même dans nos périodes de grande affluence, on n'a jamais atteint ce total". En revanche, la question des vestiaires se posera forcément. Ouverts, ils ne peuvent accueillir que neuf personnes.  "Oui, il faudra réfléchir à ce qu'on va faire à ce niveau-là". Du côté de l'Orange Bleue, on prévoit plutôt de filtrer les entrées. "La règle, c'est que personne ne peut passer plus d'une heure trente à la salle, énonce Arthur.  Et pas plus de 50 personnes à la fois. C'est pour ça aussi qu'on a décidé de garder le fonctionnement en réservation." Dans les deux cas, si l'heure est à la gestion tranquille, on appréhende le retour des grandes foules. 

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