Semaine spéciale Paris 1924, épisode 3 : Abrahams-Liddell, la fierté de la Grande-Bretagne
Harold Abrahams et Eric Lidell sont deux athlètes qui vont remporter chacun un titre olympique à Paris pour la Grande-Bretagne et dont l’amitié et le destin sont uniques. Leur histoire sera portée au cinéma par le splendide film de Hugh Hudson en 1981, “Les chariots de feu” avec Ben Cros (Abrahams) et Ian Charleson (Liddell) comme interprètes, sur une musique magnifique de Vangelis. Ce film obtiendra plusieurs Oscars aux Etats-Unis.
A une époque où l’amateurisme sportif a valeur de religion en Angleterre, Harold Abrahams va réussir grâce à sa vision professionnelle de la discipline qu’il affectionne : le sprint. Déçu par sa sixième place au relais 4x100m aux Jeux d’Anvers en 1920, il décide de gagner à Paris. Pour cela, il se consacre à l'amélioration de chacun de ses gestes avec Sam Mussabini, son entraîneur. Par tous les temps, sur tous les terrains, collines, champs, plages, il travaille comme un forcené son départ, sa foulée, sa vitesse, son maintien en course, son port de tête, sa position de casser sur la ligne d'arrivée... Tout y passe ! Derrière une moto ou une voiture, il est harcelé par les conseils de son coach. Harold Abrahams (1,83m pour 75 kg), étudiant au Caius College de Cambridge, est né à Bedford en 1899 d’un père juif lituanien. Il fait aussi de sa lutte contre l'antisémitisme une force de vie. Un mois avant les Jeux de Paris, il bat le record de Grande-Bretagne en longueur avec un bond a 7,37 m, record qui tiendra 32 ans ! Mais lorsqu’il découvre que les organisateurs des JO de Paris ont inscrit le même jour le 100m, le 200m et la longueur, il écrit son courroux. Le CIO accepte de décaler la longueur. Tout se présente bien pour lui.
Abrahams, premier athlète européen à remporter un titre olympique en sprint
C’est alors que son ami Eric Liddell entre en scène. Car ce fils de missionnaire écossais, né en Chine où son père travaillait pour la London Missionary Society, ne veut pas courir le 100m, sa spécialité, un dimanche ! Pour ne pas déroger à sa foi, il préfère renoncer au sacre qui l’attendait le dimanche 7 juillet 1924. Ce jour-là, Harold Abrahams défend donc les couleurs du Royaume-Uni face aux favoris, les Américains Jackson Scholz et surtout le champion olympique en titre, Charlie Paddock, qui détient aussi le record du monde. Mais, miracle de l’amitié et sens de l’honneur très britannique, Harold Abrahams s’impose en 10’’6 ! Devenant ainsi le premier athlète européen à remporter un titre olympique en sprint, devant l’américain Jackson Scholz et le néo-zélandais Arthur Porritt... Beaucoup, dans la société et la presse britanniques, virent dans l’exploit d’Abrahams, un triomphe contre les forces de antisémitisme.
Blessé en compétition en 1925, il abandonne sa carrière de champion à 26 ans. Harold Abrahams devient avocat, commentateur de radio puis président de la Fédération d'athlétisme amateur britannique et développera à ce titre, de 1968 a 1975, des activités sportives pour la communauté juive de Grande-Bretagne. A Paris, Abrahams termine aussi deuxième du relais 4x100m et sixième sur 200m, aux cotés de son ami Liddell qui lui, récoltera le bronze.
Eric Liddell, "L’Ecossais volant"
Mais l’histoire aux Jeux d’Eric Liddell ne fait que commencer. Privé de son 100m, troisième sur 200m, il va triompher sur le 400m qu’il a tout particulièrement préparé à l’Université d’Edimbourg, en héros de la foi comme Abrahams. Mais pour une autre religion.
Rentré de Chine à l’âge de 5 ans avec son frère Rob, Eric Liddell intègre l’Eltham College dont il devient le meilleur athlète. Liddell est surtout un excellent trois quart aile de rugby à XV. Capitaine de son école, il devient même international écossais à 7 reprises et disputera le Tournoi des Cinq Nations en 1922 et 1923. Mais en finale du 400m des Jeux de Paris, Liddell qui court en 49 secondes n’est pas favori. Comme Abrahams, Liddell fait exploser la course. La légende raconte qu’il a fait le tour de la piste de Colombes avec un petit papier dans la main, remis par un masseur américain, qui reprenait cette phrase d’un verset biblique : "Car j’honorerai celui qui m’honore."
Un départ canon, un virage bien négocié sur la piste très particulière de Colombes qui mesure 500m en réalité et Liddell coupe la ligne d’arrivée dans son style reconnaissable, tête brune en arrière et buste en avant, maillot blanc numéro 451... "L’écossais volant" a subjugué toute l’assistance. 47"6 ! L’Or et le record du monde en prime ! L’américain Horatio Fitch est en argent, le bronze revient à Guy Butler, un autre britannique.
Dans le film "Les chariots de feu", Lidell a cette réplique après sa victoire : "Dieu m’a fait pour aller vite. Quand je cours, je ressens son plaisir !" Devenu héros des Highlands, il met un terme à sa carrière en 1925, après un dernier triple aux championnats écossais. En bon fidèle de son Dieu, Eric Lidell retournera en Chine avec son père jusqu’en 1943 pour y prêcher la bonne parole. Devenu pasteur en 1932 à Tianjin, sa ville natale, il se mariera en 1934. Hélas, la mort va l’emporter trop tôt à 43 ans, le 21 février 1945, victime d’une tumeur du cerveau, en captivité dans un camp japonais pendant le conflit Chine-Japon. Sur sa pierre tombale, on peut lire cet autre verset biblique : "Ils prennent le vol comme les aigles ; ils courront et ne se fatigueront pas". Sa disparition soulèvera une immense émotion en Ecosse qui le considère, aujourd’hui encore comme athlète le plus populaire de toute l’histoire de son pays.
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