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XV de France: le poids d'un naufrage

En encaissant la plus lourde défaite de l'histoire contre l'Australie (59-16), l'équipe de France est en crise. A moins d'un an de la Coupe du monde, et malgré le Grand Chelem 2010, elle se trouve obligée de changer bien des choses. Et si Marc Lièvremont, le sélectionneur, estime que le choix des hommes n'est pas à remettre en cause et qu'il ne pense pas à la démission, il faut trouver explications et solutions pour éviter une telle humiliation en Nouvelle-Zélande.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

"Une équipe moins talentueuse que la nôtre comme l'Italie n'aurait certainement pas pris 60 points." Au lendemain de la raclée reçue au Stade de France, Marc Lièvremont lance cette phrase très singulière. Et c'est vrai que l'Italie, battue avec les honneurs, ou l'Angleterre, victorieuse de façon éclatante, ont donné une bien meilleure image contre les Wallabies. Pourquoi pas la France ? Après avoir revu le match et tenté de l'analyser, le sélectionneur ne parvient toujours pas à avoir une cohérence dans son interprétation des raisons de cette faillite collective. "Sincèrement je ne crois pas que ce soit un choix d'hommes", déclare-t-il lorsqu'on lui soumet quelques noms de joueurs (Harinordoquy, Clerc, Poitrenaud) laissés de côté volontairement mais qui, selon lui, n'auraient pas "pu changer la donne". "Ce n'est pas l'heure de se mettre en colère, de punir les joueurs, de faire une séance de vidéo à l'ancienne de trois heures", ajoute-t-il.

Si les joueurs ne sont pas coupables, peut-être faut-il regarder du côté de l'encadrement... "Je ne suis pas sûr qu'il y ait un homme providentiel, je ne suis pas sûr que Pierre, Paul ou Jacques ferait mieux. Il ferait peut-être différemment mais je reste convaincu qu'on travaille comme il faut en termes de management, en termes de gestion du groupe, en termes d'état d'esprit, d'application de préparation des séances, de stratégie", assène Marc Lièvremont. Une posture qui n'est pas sans rappeler celle d'un autre sélectionneur français récemment à la tête d'une équipe de France elle-aussi naufragée... Car en écartant toutes responsabilités des joueurs comme du staff, il clôt simplement le débat. Certes, ce n'est que purement formel, car il cherche surtout à trouver des explications: "J'ai revu le match, notamment la deuxième mi-temps pour essayer de trouver des explications à ce naufrage de la dernière demi-heure. Ce qu'on a du mal à expliquer c'est comment, dès le moment où les Australiens ont pris le score autour de la 50e minute, on a pu sombrer individuellement et collectivement, notre conquête s'est liquéfiée, notre défense aussi (...) et les Australiens nous ont punis au-delà de l'imaginable. Ils pratiquent un rugby fabuleux et quand on pense qu'ils ont 23, 24 ans de moyenne d'âge..." Marc Lièvremont ne pense "absolument pas" à la démission au lendemain de ce désastre: "Ce n'est pas dans mon comportement, dans mon état d'esprit. La seule chose qui pourrait me faire renoncer, c'est de sentir que les joueurs me lâchent, qu'ils n'adhèrent pas, qu'ils ne me respectent plus, qu'ils pensent le contraire de ce qu'ils me disent en face. Je n'ai vraiment pas le sentiment que ce soit le cas, j'ai envie de me battre avec eux et j'espère qu'ils ont envie de se battre avec moi". En revanche, son adjoint Emile Ntamack veut prendre du recul et ne répond pas aussi rapidement à la question de son maintien: "Après une telle désillusion, moi le premier, je me pose des questions. Il faut prendre quelques jours pour réflechir, tout simplement. Je ne sais pas encore pour l'instant. Je dis simplement que j'ai besoin de prendre un peu de recul avec tout ça, de voir les joueurs, de discuter".

Pour tenter de conserver un petit espoir de ne pas prendre la marée noire des All Blacks en poule lors de la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande en septembre prochain, Marc Lièvremont compte, comme tous ses prédécesseurs, sur une préparation longue d'avant-Mondial. Mais si la France est allée deux fois en finale de la Coupe du monde (1987, 1999), elle n'a jamais été couronnée. "Il va falloir adapter la réalité du rugby français avec ses lacunes à la réalité du top mondial, essayer de repousser l'échéance", glisse-t-il, faisant de nouveau apparaitre ses réserves quant au niveau du Top 14. "On a tenu 50 minutes, il faut se faire violence plus longtemps, miser sur la préparation à la Coupe du monde où, physiquement, on sera certainement plus prêts." Un doux rêve qu'ont fait avant lui les Bernard Laporte, Jean-Claude Skrela, Pierre Berbizier et autres Daniel Dubroca. En vain.

Le problème, c'est que pour affronter l'Australie, le staff tricolore avait d'abord misé sur la puissance, en titularisant Traille à l'ouverture, Jauzion et Rougerie au centre, Chabal en N.8, Thion et Pierre en 2e ligne. Et c'est en vitesse que les Wallabies ont tout fait exploser, n'étant que trop rarement mis en difficulté lors des impacts français. "Attrape-moi si tu peux", semblent-ils avoir lancé aux Français, qui en ont été incapables. Certes, ils ont été dominés en mêlée, mais c'est bien tout et c'est bien trop peu. Arrivé avec l'ambition de remettre du jeu dans tous les coins du terrain, le trio Marc Lièvremont, Emile Ntamack et Didier Retière se trouve, depuis, bloqué par le manque d'alternance du jeu français. Sur la durée, la France peine à discerner les bons moments pour jouer à la main et mettre le feu, et les temps faibles où il faut calmer le jeu. Trop de jeu à la main, trop de jeu au pied, trop de jeu au ras, trop de tout et pas assez d'équilibre, voilà les maux anciens des Français. Parfois incapable de revoir sa tactique en cours de jeu, le XV de France a du retard sur ses concurrents, beaucoup de travail pour envisager d'être champion du monde en 2011. Faut-il changer des joueurs ? Faut-il revoir les tactiques employées ? Ce retard peut-il être rattrapé en dix mois, alors qu'il n'a pas été comblé en trois ans ? Les questions doivent trouver des réponses claires lors du prochain Tournoi des VI Nations, qui ne sera qu'une répétition en plus faible du niveau exigé pour devenir roi du monde.

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