Toulouse, les raisons de la chute
Depuis des années, Guy Novès, l'emblématique entraîneur de Toulouse, le scande: "Un jour, on ne sera plus dans les quatre". Certains s'en sont longtemps amusés, mettant cette phrase sous le sceau des réguliers coups de bluff du technicien. Mais aujourd'hui, les faits sont là: Toulouse n'est pas en demi-finale. Eliminé en quarts de finale de la Coupe d'Europe, sorti en barrage après avoir arraché lors de la dernière journée de la saison régulière ce match à domicile, n'ayant occupé la place de leader du championnat qu'une seule fois cette saison (après la 10e journée en octobre), Toulouse n'a jamais été vraiment à l'aise cette saison. "Il n'y a aucune raison pour que le Stade Toulousain soit en demi-finale tous les ans", rappelle le manageur. "Même les saisons où nous avons gagné des titres ce fut très dur et nous sommes parfois passés de justesse avec un peu de réussite. Cette saison, le gros souci c'est l'absence de beaucoup trop de joueurs pour avoir la sérénité nécessaire pour aborder ce genre de match."
Cascade de blessures
Pour explication, il y a déjà des blessures. Nombreuses. Comme tout le monde. Mais le Stade a accumulé la malchance. Les absences de longue durée de Lamboley, Kakovin, Ralepelle, Dusautoir, Clerc, David, Bregadze, de durée un peu moindres de Picamoles, McAlister, Médard, voilà qui a sérieusement réduit les capacités de l'équipe à assumer son statut. Les doublons et la mise à disposition des internationaux, dont le Stade est historiquement l'un des plus grands pourvoyeurs (ils sont encore 8 sur les 31 de la prochaine tournée de juin), ont également pesé.
Mais il n'y a pas que ça. Depuis la retraite de William Servat, le pack toulousain n'est plus ce qu'il était. Loué pour son jeu à la main, Toulouse a toujours construit ses succès en partant de devant. Or, malmené en mêlée, comme hier contre le Racing, déficitaire en touche (ce qui n'était pas le cas hier soir), les avants de la Ville Rose ont été bien trop souvent mis sur le reculoir pour placer leurs arrières dans de bonnes conditions. La cascade de blessures en première ligne n'a pas aidé. Une conquête déficiente, malgré les bons joueurs de contest que sont Picamoles, Dusautoir, Nyanga ou Fritz, cela ne pardonne pas pour atteindre les sommets. "On a eu trop peu de ballons pour imposer quoi que ce soit", avouait Novès après l'élimination. On ne peut pas prétendre jouer une demi-finale en montrant autant de lacunes. Je trouve que nous avons fait un très bon début de saison en conquête. On est monté en puissance jusqu'à une certaine période, et entre les blessures et les rendez-vous internationaux, nous n'avons pas pu travailler dans la continuité et avoir cette sérénité pour mieux exploiter ces fameux ballons."
Une concurrence toujours plus conquérante
Si le Top 14 est devenu le championnat le plus prisé par les joueurs étrangers, c'est que les concurrents se sont armés économiquement pour attirer des vedettes. Il y a Toulon, certes, mais aussi le Racing-Métro, Clermont, Castres, le Stade Français... Toulouse n'est plus la destination privilégiée. Mais elle fait toujours rêver. Cette saison a été la plus disputée, à tous les étages, de l'Histoire du Top 14. Désormais, le Brennus ne se joue plus entre 2-3 équipes, comme autour des années 2000 (de 1994 à 2008, seuls Toulouse, le Stade Français et Biarritz ont été sacrés). En revanche, certains recrutements n'ont pas été à la hauteur, comme cette année avec l'ancien Biarrot Barraque, au talent indéniable mais qui n'a pas réussi à apporter dès sa première saison, ou encore Lionel Beauxis, éclipsé depuis longtemps par McAlister et désormais par Doussain.
Le problème, c'est que Toulouse n'a plus le même rendement dans sa formation. Depuis le duo Michalak-Poitrenaud, internationaux à 20 ans et moins en 2001, aucun joueur formé en totalité dans la maison Rouge et Noir n'a intégré le XV de France. Les autres clubs ont aussi structuré leur formation, et la concurrence joue jusque dans les petites catégories. Cela ne l'empêche pas de faire éclore une nouvelle génération talentueuse, mais pas encore aboutie comme Tolofua, Camara ou Galan. Et il y a aussi la pépite Gaël Fickou, formé à Toulon comme Yoann Maestri.
Mais attention, le Stade Toulousain, 19 fois champion de France et 4 fois champion d'Europe, n'est pas mort, loin de là. Faisant partie des huit meilleures équipes d'Europe, des six meilleures de France, pouvant nourrir bien des regrets lors des matches décisifs en Coupe d'Europe comme en barrage, les hommes de Guy Novès vont avoir plus de temps à l'inter-saison pour se préparer. "On a juste ciblé les secteurs sur lesquels on se doit de réagir", a reconnu Guy Novès. "On va se remettre à bosser. Quand on gagne il faut se remettre en question et continuer à travailler certains secteurs. Quand on perd, c'est pareil." Les Toulousains ont désormais le temps de ruminer leur revanche.
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