Plafond salarial: le Top 14 menacé de dérégulation ?
Qu'est-ce que le salary cap et à quoi doit-il servir ?
Le plafond salarial est la masse salariale maximale autorisée pour tous les clubs d'un même championnat: en Top 14, il est actuellement fixé à 11,3 millions d'euros par an, et ce jusqu'en 2021. Inventée par les grandes ligues sportives nord-américaines (NBA, NFL, LNH), la règle doit permettre d'éviter une inflation des salaires périlleuse pour la santé financière des clubs mais surtout in fine de garantir l'équité sportive du championnat. De ce point de vue, le Top 14 se vante de son homogénéité: depuis la mise en place du plafond salarial en 2010, six clubs différents ont remporté le Bouclier de Brennus. Alors qu'en Ligue 1, où cette régulation n'existe pas, le PSG, surpuissant depuis l'arrivée de ses propriétaires qatariens en 2011, a empoché 5 des 6 derniers titres mis en jeu.
Qu'était-il reproché au MHR ?
Le "salary cap manager", prestataire indépendant désigné par la LNR pour contrôler les clubs, avait épinglé Montpellier pour un dépassement du plafond estimé entre 350.000 et 400.000 euros lors de la saison 2016-2017. Le MHR, devenu un poids lourd en recrutant des stars (Goosen, Picamoles, Cruden, Pienaar, les frères du Plessis, etc.), risquait une amende pouvait aller jusqu'à dix fois ce montant. Mais la Direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG) puis la commission d'appel de la FFR ont jugé qu'il n'y avait pas faute majeure, au grand dam de la LNR qui réclamait une sanction. Le club héraultais a cependant écopé d'une amende d'un montant de 50.000 euros, dont 30.000 avec sursis, pour défaut de transmission des documents comptables. Un dernier point sur lequel il pourrait décider d'un recours.
Que reproche Montpellier à la Ligue et que peut-il faire ?
Ce recours devant une juridiction, comme le tribunal administratif, pourrait être accompagné d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). "Les deux articles du Code du sport sur lesquels se fonde la Ligue (L.131-16 et L.132-2) auraient dû passer au contrôle constitutionnel", estime l'avocat du club Christian Chevalier, pour lequel le dispositif "manque de base légale". Et de séparation des pouvoirs: "La Ligue pond la norme, elle l'exécute - c'est elle qui désigne les personnes chargées de faire les contrôles - et elle les tranche", affirme-t-il.
"Argument spécieux", répond la Ligue, qui dénonce un "mélange des genres, entre le fond et les moyens juridiques déployés, destiné à créer un écran de fumée." Pour sa direction, "ce n'est pas le salary cap de la LNR qui serait mis en cause si cette QPC est activée, c'est la loi; le Code du sport. Le fondement légal est imparable: le Code du sport dit que les fédérations et ligues peuvent mettre en place des dispositifs de plafonnement des masses salariales en valeur absolue." Autre argument avancé par le MHR: alors qu'en coulisses, les clubs s'accusent régulièrement entre eux de contourner la règle, aucun n'a été sanctionné pour dépassement depuis 2010 (Toulon avait échappé à une sanction en 2016 et 2018).
"Le système arbitraire de la LNR, aujourd'hui, n'est pas efficace", estime l'avocat du club de Montpellier. Le MHR conteste notamment la réévaluation à la hausse des salaires de ses joueurs par le salary cap manager, dont les outils et pouvoirs ont été depuis renforcés.
Le salary cap est-il réellement menacé à moyen terme ?
"Nous ne sommes pas inquiets", affirme la Ligue, regrettant "l'obstination du club de Montpellier dans cette démarche de dérégulation, contraire à l'intérêt général du rugby et plus largement du sport français". En théorie, les QPC prennent du temps et peu aboutissent dans ce domaine. "Le but de Montpellier n'est pas de faire tomber le salary cap", assure de son côté Me Chevalier, mais "de permettre une amélioration du dispositif".
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