Sur la route du Grand Chelem, les Anglais
Pas forcement facile de trouver les origines de cette intense rivalité franco-anglaise. Pour l'historien Jean Guiffan, qui a consacré un livre à cette question (L'histoire de l'Anglophobie en France), "l'anglophobie a débuté durant la deuxième guerre de cent ans. Une période qui va de Louis XIV à Napoléon durant laquelle les deux pays ont été constamment en guerre".
Anglophobie d'un côté et francophilie de l'autre, par moments. L'ancien Premier ministre Winston Churchill aimait beaucoup la France. Il en avait une vision assez particulière, explique l'historien François Kersaudy qui enseigne à Oxford et à la Sorbonne : "Churchill avait sa France qui s'est opposé à la France de de Gaulle. Un pays où il faisait bon vivre avec un excellent cognac et des villas très confortables de la Côte d'Azur ".
Pour le politologue londonien Philippe Marlière, ces différences sont cultivées par les deux pays. Elles viendraient aussi d'un passé colonial déchu qu'ils n'ont pas digéré. C'est ce que pense l'ancien ministre conservateur du Logement David Curry. Selon lui, un match de rugby leur permet de rêver du passé : " Pendant 80 minutes le monde n'a pas changé (...) ce sont les grands conflits du passé, Azincourt, Fachoda, qui reviennent"
Au cœur de ces rapports tumultueux il y a la question de la langue. Des différences de langage, d'éducation, de culture... sources de beaucoup d'incompréhension. "Les Français et les Anglais ont peut être l'impression de bien se comprendre parce qu'ils sont voisins, or au quotidien il y a de multiples petits ratages dans la communication ", explique Christine Geoffroy, maître de conférence à l'université Paris-Dauphine et auteur de La mésentente cordiale.
Entre les deux pays les échanges sont importants. Près de 40.000 Français habitent et travaillent dans la capitale britannique. "Les Français adorent les Anglais (...) et ils détestent l'Angleterre" souligne Jon Henley, journaliste au Guardian. Aude et Anne-Séverine vivent et travaillent à Londres et reconnaissent le côté "râleur" des Français.
Le regard porté par les Anglais qui habitent en France n'est pas toujours très tendre. " Le métro c'est le bordel " explique cette étudiante qui vit à Paris et qui trouve le "Français pas assez amical".
"Il faut toujours blâmer les Français" c'est un dicton anglais que rappelle Christian Roudault. Preuve, selon notre correspondant à Londres depuis 10 ans, des clichés, des préjugés, voire de la xénophobie qui règnent entre les deux pays. Et s'ils se détestent autant par moment, c'est peut-être qu'ils se ressemblent beaucoup.
Deux sites internet à voir pour renforcer les clichés : 30 raisons de détester les Français (ici) et 30 raisons de détester les Anglais (ici).
_ Et un autre pour les aplanir, ou en tous cas s'en accommoder. Sur la page des expatriés français (ici)
Parmi les domaines dans lesquels les différences sont bien tranchées : l'éducation. D'un côté de la Manche, il y a l'égalitarisme de l'école de la République, sur l'autre rive du Channel, l'élitisme monarchique des "Public Schools". Des univers qui se sont souvent ignorés. " Les Français cassent les enfants beaucoup plus qu'en Angleterre" explique Peter Campbell, correspondant du Times à Paris.
S'il y a un domaine où Français et Anglais ne se comprendront sans doute jamais, c'est celui de l'humour. Antoine de Caunes a longtemps travaillé en Angleterre en animant pendant dix ans une émission de télévision déjantée avec Jean-Paul Gautier, Eurotrash sur Channel Four.
Selon lui, " pour les Français, l'Angleterre est un pays aussi exotique que le Japon. Les Anglais sont dans un autre monde, ils vivent sur une autre planète".
L'humour français est "très cartésien avec un début, un milieu, une fin." pour les Anglais, plus c'est absurde plus ça fonctionne. " Chez les Anglais c'est la manière de raconter qui est drôle ."
Un sketch des Monty Pythons, le ministère des marches stupides à voir ici
Deux sauces, trois cents religions et encore plus de groupes et de mouvements musicaux en Angleterre. La musique a longtemps eu une portée sociale dans le pays, à la différence de la France. "En Angleterre la musique est partout, on n'y échappe pas", explique le journaliste Jean-Daniel Beauvallet, l'un des fondateurs du magazine Les Inrockuptibles. "Londres a toujours été complètement excitée, tout ce qui est nouveau est forcement bien. En France c'est l'excès inverse. On est un peu plus cynique vis-à-vis de ce qui est neuf et de ce qui émerge."
France-Angleterre, c'est donc l'affiche du jour dans le Tournoi des six nations. Une nouvelle confrontation entre les deux pays. Car dans le sport aussi, la rivalité est importante.
En rugby, l'Angleterre reste largement devant au nombre de victoires, de titres et de trophées. L'arrière Clément Poitrenaud s'apprête à affronter les Anglais demain au stade de France. Un peuple qu'il "aime bien" sauf que sur le terrain " ce ne sont pas des rigolos et ils ont un humour un peu bizarre".
Étranges, aussi, les sports particuliers des uns et des autres. En cricket, en fléchettes ou en polo les Français ne battront jamais les sujets de Sa Gracieuse Majesté. Peu de chance en revanche pour les Britanniques de s'imposer en pétanque, en pelote basque ou en boxe française.
Reste le sport roi, le football, avec l'équipe de France, cocorico, supérieure ces dernières années à l'équipe d'Angleterre.
_ Pour les clubs, en revanche, c'est une autre histoire. Les anglais, cock-a-doodle-do, (là aussi une belle différence culturelle entre les cris des animaux) sont largement meilleurs... et largement plus riches. Rémi Garde, ancien footballeur de Lyon et de Strasbourg, a rejoint Arsenal en 1996. Il a tout de suite vu la différence de jeu et l'engouement dans les stades." Le jeu déclenche la ferveur quelle que soit l'équipe".
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