6 Nations : Jefferson Poirot, plus qu'un simple soldat en équipe de France
Il a été deux fois capitaine de l'équipe de France en 2019, durant la Coupe du monde, et en était le vice-capitaine. Pour un garçon "réservé (qui) ne parlait pas beaucoup" selon Martine Poyrault, responsable de l'équipe de rugby de Lalinde en Dordogne où il a débuté, cela serait presque étonnant.
L'un des plus âgés, l'un des plus exprimentés
Pourtant, Jefferson Poirot avait bien des arguments pour prendre cette charge en mains après la Coupe du monde, où des trentenaires ont pris leur retraite et d'autres n'ont pas été appelés par le nouvel encadrement.
A 27 ans, seuls Bernard Le Roux (30 ans) et Romain Taofifenua (29 ans) sont plus âgés que lui dans ce groupe France. Avec 33 sélections au compteur, seuls Gaël Fickou (51) et le même Le Roux (37) ont plus d'expérience que lui en Bleu. Il faut dire que, quatre ans après ses débuts internationaux comme remplaçant contre l'Italie, le joueur s'est taillé une solide réputation: fort en mêlée, présent au soutien grâce à sa capacité à répéter les courses rapides, incontestable titulaire (il n'a été remplaçant qu'à deux reprises dans sa carrière internationale), capitaine de l'UBB, et il est aussi très à l'aise avec les médias.
C'est pour toutes ces raisons et plus encore qu'il faisait partie des candidats possibles à prendre le capitanat dans la nouvelle ère Galthié. Car il a eu également un parcours de vie singulier. Une naissance dans le Val-d'Oise, un départ pour la Dordogne à 8 ans sans son père parti faire sa vie ailleurs, des préjugés autour de sa couleur de peau et de son origine de banlieue qui le cataloguent comme "petit délinquant", puis le rugby qui le transforme, le transcende. "Le rugby était le seul moment où il pouvait se mettre en valeur", se souvient William Boulanger, coprésident du club de Lalinde. Ces douleurs, il les transforme en force, pour gravir les échelons rugbystiques, et décrocher une licence en commerce et marketing international. Il part à Brive, puis à Bordeaux-Bègles. International à 23 ans, il connaît aussi les blessures (épaule, genou). Lorsque, durant le Tournoi 2019, certains à la FFR désiraient détrôner Guilhem Guirado à son profit, il refuse. Droit, honnête.
"On ne va pas se cacher, tout le monde est très vexé de notre niveau"
Ces deux expériences de capitaine, il les a savourées: "J'ai beaucoup appris aussi oui. J'ai dû prendre mes responsabilités et assumer. Quand on parle, il faut grandir. J'ai été au contact de joueurs qui sont de très grands leaders", reconnaissait-il en octobre dernier dans Le Figaro. Il fait désormais figure d'ancien, d'expérimenté. Mais à l'heure du choix, Fabien Galthié et son staff ont confié le capitanat à Charles Ollivon, 26 ans, 11 sélections, aux parcours rugbystique et de vie également bien fournis. "J'ai dit que j'aurais aimé avoir un rôle parce que j'espère pouvoir faire profiter de l'expérience acquise ses quatre dernières années", a confié Poirot en conférence de presse ce lundi. "Mais aujourd'hui, le but pour cette équipe, c'est d'essayer d'être performant, de gagner des matches. Et j'espère avoir un rôle là dedans. C'était difficile, ces quatre dernières années donc je n'ai pas envie de le revivre."
Car le pilier gauche a beaucoup plus souvent perdu que gagné en équipe de France. Affirmant que le collectif "a pris conscience de tout ce qu'on a mal fait par le passé", il fait encore partie d'un groupe de leaders autour du nouveau capitaine, désigné pour ce Tournoi: "Il veut des joueurs autour de lui qui sont ses relais dans le groupe. Il veut également s'entourer pour prendre les bonnes décisions, ce qui se fait partout aujourd'hui. On est huit mais ça dépend des allées et venues, des joueurs impliqués sur le match, de ceux qui sont pas là dans le groupe."
Pour débuter cette nouvelle aventure, les mots ont été mis sur les maux français: "On a cette idée de redevenir une conquête forte, ce qui nous a manqué sur la Coupe du monde", assène-t-il. "On ne va pas se cacher, tout le monde est très vexé de notre niveau... Il y a une remise en question, c'est sûr: sur la mêlée, on n'a pas travaillé assez collectivement. Sur la Coupe du monde, on a été trop désunis. On poussait pas dans le même axe, il n'y avait pas de bonnes liaisons... Beaucoup de trucs collectifs à reprendre. Et là, depuis le début du stage, on est dans l'hyper détail. On travaille sur des choses infimes qui, au final, vont faire, j'espère, beaucoup de différences."
L'optimisme est donc de mise après avoir tiré les enseignements des quatre années passées: "C'était difficile de pouvoir s'en sortir en étant aussi mauvais collectivement. On est un bloc et si on travaille collectivement, on peut s'en sortir contre n'importe qui." Cela commence dès dimanche, face à l'Angleterre au Stade de France.
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