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Rugby : vis ma vie de supporter du Stade français, qui a survécu au maillot rose et au stade Charléty

On n'avait plus vu les Parisiens en finale du Top 14 depuis des lustres. La finale contre Clermont devrait donc réconforter les fans après des années pas toujours faciles...

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un supporter du Stade français lors d'un match contre le Leinster, le 17 mai 2013, à Dublin (Irlande).  (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Les Dieux du stade étaient redevenus de simples mortels. Depuis 2007, le Stade français n'avait plus fréquenté les cîmes du rugby français. Il a fallu attendre huit ans pour que le club parisien se hisse à nouveau en finale du Top 14, contre Clermont, samedi 13 juin, au Stade de France. Huit longues années de purgatoire racontées par ceux qui se sont gelés dans les tribunes devant un jeu insipide : les supporters.

La pluie, le froid, le vent et les défaites

Demandez à un fan du Stade français son pire souvenir de match, et il vous répondra immanquablement : "les Portugais". Une triste rencontre de Challenge européen (la petite coupe d'Europe), malgré une victoire, contre l'improbable club des Lusitanos XV de Lisbonne (61-3), un jeudi soir. 6 000 spectateurs dans le compte rendu officiel, beaucoup moins en réalité. "On était 1 000", affirme l'un. "400", avance un autre. 

C'était cela, le quotidien du Stade français de 2010 à 2013 : les tribunes désertées du stade Charléty, dans le 13e arrondissement de la capitale, qui a servi d'enceinte de remplacement pendant les travaux au stade Jean-Bouin (16e arrondissement). "Un stade froid, où on est très loin du terrain à cause de la piste d'athlétisme", résume Sylvain, qui était "un des seuls idiots à s'être abonné". "Et dès qu'il y a un peu de vent ou de la pluie - ce qui arrive mine de rien assez souvent en région parisienne - on est trempés. Je me rappelle notamment d'un match contre Agen où personne n'était à l'abri dans le stade... malgré deux tribunes couvertes." Les supporters ne se bousculaient pas.

Le club, qui attirait 11 000 personnes dans son stade Jean-Bouin, a perdu un tiers de ses fidèles lors de son exil. "Il y a quatre ans, je me battais pour que mes adhérents viennent au stade, se souvient Nathalie Lemann, secrétaire de l'association de supporters le Virage des Dieux. Maintenant, ce sont eux qui m'appellent pour venir." Mais malgré le retour au bercail en 2013, le fantôme de Charléty n'est pas tout à fait vaincu : Jean-Bouin refait à neuf n'est pas encore un chaudron. "Surtout pour les petites affiches, reconnaît Pascal Charles, qui dirige l'association des Titis de l'Ovalie. Comme contre Brive, cette année. Ils étaient 100 à avoir fait le déplacement [depuis la Corrèze], et ils nous avaient bouffés. On n'entendait qu'eux dans le stade."

Maillot rose moulant ? Même pas peur

Pendant les années noires, le club perd petit à petit son identité. Le jeu se délite, les meilleurs joueurs partent, l'emblématique président Max Guazzini tire sa révérence. En 2012, le club, un des plus gros budgets du championnat, lutte pour le maintien. Ne lui reste  pour exister dans le paysage rugbystique français que son maillot rose, instauré en 2006. "Je me rappelle de la réaction du capitaine de Perpignan, la première fois qu'on a arboré nos nouvelles couleurs. Il a dit : 'il est temps que je parte à la retraite, je me retrouve à jouer contre des mecs en rose'", se souvient Pascal Charles. A l'époque, Max Guazzini voulait changer des couleurs traditionnelles du club, rouge et bleu, pour trancher avec les maillots des clubs traditionnels. Une réussite. Les supporters les plus ardents s'habillent en rose de la tête aux pieds pour les matchs. "L'hiver, pour les hommes, c'est plus difficile, sourit Nathalie Lemann. Parce qu'un blouson rose, c'est compliqué à porter et à assumer..."

Une supportrice du Stade français lors d'un match à Dublin (Irlande) contre le Leinster, le 17 mai 2013.  (STU FORSTER / GETTY IMAGES EUROPE)

Dans les rues de la capitale, on croise assez peu de maillots rose vif, contrairement à Toulouse, où le rouge et noir du Stade toulousain est l'uniforme officieux des habitants de la ville. "Ce n'est pas vraiment un maillot que tu peux mettre dans la vie de tous les jours, confie Quentin, supporter du Stade depuis le début des années 2000. Ce sont des maillots moulants, et on n'a pas tous le physique pour." D'autres rusent pour afficher leurs couleurs (mais heureusement, le rose est revenu à la mode chez les hommes récemment) : "J'ai une chemise rose aux couleurs du Stade français pour aller au travail, sourit Pascal Charles. De temps en temps, il faut bien la laver..." 

Une identité retrouvée (merci le Racing Metro !)

Depuis deux saisons, le Stade français a retrouvé son jeu sous l'impulsion du nouvel entraîneur Gonzalo Quesada. Les joueurs n'ont pas trop changé, l'état d'esprit si. "Quand ça ne fonctionne pas, on le voit lors de l'après-match, quand ils partent chacun de leur côté, commente Nathalie Lemann. Cette saison, on les voit plus souvent ensemble. Sous l'ère Guazzini, c'était déjà comme ça." Le cocktail entre anciens du club (Parisse, Burban, Fillol) et petits jeunes du centre de formation (Plisson, Danty, Slimani) séduit les supporters. "Nous sommes ravis qu'il y ait une école parisienne. Peut-être qu'un jour, on parlera de jeu à la parisienne comme on parle de jeu à la toulousaine", veut croire Pascal Charles.

Hors de question, pour ces supporters, de trahir l'identité du club en recrutant des vedettes. Comme l'a fait le Racing Metro, le voisin et ennemi des Hauts-de-Seine, qui a cassé sa tirelire pour s'offrir Dan Carter, le meilleur joueur du monde. "Carter au Stade français, ça m'aurait fait bizarre", dit l'un. "Ça n'entre pas dans l'ADN du club", poursuit un autre. 

Se retrouver en finale contre Clermont constitue un progrès inespéré. Sauf pour Nathalie Lemann, dont la réputation d'oracle n'est plus à prouver : "Ça fait six mois que je dis qu'on ira en finale. Il y a deux ans, j'avais prédit que ce serait Castres, et l'an passé Toulon, alors..." La malédiction qui pèse sur l'adversaire clermontois, champion du monde de la défaite en finale, toutes catégories confondues, incite à l'optimisme. Lors des phases finales de 2013, un tee-shirt avait fait un carton. Y était inscrit : "Le rugby est un sport qui se joue à quinze contre quinze, et à la fin, c'est toujours Clermont qui perd." Il y en aura sûrement dans les tribunes du Stade de France, samedi 13 juin, sous les maillots roses moulants. 

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