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Quand les stades se vendent aux marques

La Kindarena à Rouen, le Matmut Stadium à Lyon. Autant d'exemples de "naming", le fait de nommer un stade d'après le nom d'une société, qui se développe en France.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Vue aérienne du MMArena, le 29 janvier 2011, lors de son inauguration, au Mans (Sarthe). (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

On a appris mercredi 16 novembre que le futur palais des sports de Rouen s'appellerait la Kindarena. Le nouveau stade de l'équipe de rugby de Lyon inauguré samedi 19 répond au doux nom de Matmut Stadium. Le président du club de foot anglais de Newcastle a rebaptisé il y a quinze jours le mythique Saint James' Park du nom de sa société, SportsDirect.com. C'est peu dire que le naming, qui consiste à donner à une enceinte sportive le nom d'une marque, est devenu une composante incontournable du sport. Une pratique qui s'implante doucement mais sûrement en France... et pas que par le foot.

Difficile de débaptiser un lieu mythique

Il a été beaucoup plus facile pour les supporters d'Arsenal de s'adapter à l'Emirates Stadium (du nom de la compagnie aérienne qui verse 10 millions d'euros par an sur quinze ans) qu'à ceux de Newcastle de digérer le changement de nom de leur stade mythique.

L'ancien stade Saint James' Park de Newcastle (Royaume-Uni), rebaptisé SportsDirect.com Stadium, en septembre 2011. (MICHAEL MAYHEW / MAXPPP)

Le naming est beaucoup plus ancré dans la culture américaine (page 6 du PDF). David Beckham joue à domicile avec les Los Angeles Galaxy au Home Depot Center, et se déplaçait au Pizza Hut Park, au Gillette Stadium ou au Toyota Park. Ce qui était inconcevable en France jusqu'à récemment. "Plus qu'une question de culture, cela s'explique par le fait que les enceintes sportives demeurent la plupart du temps la propriété des collectivités territoriales", peut-on lire dans le livre Contrats de sponsoring sportif.

Ça va changer. La construction de nombreux stades par le biais de partenariats public-privé à l'occasion de l'Euro 2016 en France va être l'occasion pour plusieurs clubs (Lille [voir le PDF page 7], Lyon, Bordeaux) de pratiquer le naming sur un stade vierge de nom. L'OM envisage aussi de vendre le nom du Stade-Vélodrome, et ça pose beaucoup plus de problèmes : 55 % des supporters y seraient opposés, d'après le site spécialisé Le Phocéen. Et ce même si la marque était accolée au nom historique du stade. 

"Il faut que le naming raconte une histoire, explique Olivier Monna, responsable de la formation de "stadium manager" pour le Centre de droit et d'économie du sport (CDES). C'est d'autant plus vrai en France où on a beaucoup de retard en ce domaine, alors que dans d'autres pays c'est juste du business. Le 'Vélodrome + un nom de marque', les gens peuvent se l'approprier. Les Etats-Unis ont trente ans d'avance sur nous dans ce domaine, l'Allemagne et l'Angleterre vingt. En Suède, ils en sont même à faire du naming sur des petites salles de hockey de 4 000 places."

 

Le Home Depot Center, le centre d'entraînement des Los Angeles Galaxy, le 16 juillet 2007. On voit le footballeur anglais David Beckham sur l'écran géant. (TOBY MELVILLE / REUTERS)

Valenciennes n'a pas réussi à trouver un annonceur pour son nouveau stade, qui a tout simplement été baptisé Stade du Hainaut après avoir été surnommé "Nungesser II", en référence à la précédente enceinte. Le même problème attend d'autres clubs. Pour l'instant, on appelle le futur stade de Lyon "OL Land" et celui de Lille "le Grand Stade" car le naming tarde. Et il tardera d'autant plus à entrer dans les mœurs.

Tout bénéfice pour la marque

Contrairement à d'autres sports comme le cyclisme ou la voile, où les marques incarnent une équipe (le bateau Banque Populaire, l'équipe Europcar...), dans le foot, elles n'ont guère d'autre choix que le naming pour être exposées dans les médias. "Pour atteindre un tel niveau de présence médiatique par le biais de la publicité classique, l'investissement serait de loin plus élevé", explique le site OL Business Team.

Mais attention à ne pas nommer les stades n'importe comment. Ainsi, les supporters de Derby County se sont opposés à un Disney Stadium (lien en anglais). Il faut que la marque apparaisse "légitime" auprès des supporters (PDF page 11). Ce qui a été le cas des pionniers du naming en France, les assurances MMA pour le stade du Mans, le MMArena.

Un mode de sponsoring de plus en plus cher

Le stade de Manchester City a été rebaptisé du nom d'Etihad Airways, la compagnie aérienne qui sponsorise aussi l'infrastructure et qui appartient au propriétaire du club. Un changement de nom vendu à prix d'or (lien en anglais), 46 millions d'euros annuels. Un prix qui surpasse ceux du marché américain (lien en anglais), loin devant les deals de ce genre en Europe.

Les clubs français, notamment Lyon, n'espèrent pas rivaliser avec le contrat obtenu par Manchester City. Un chèque annuel du montant de celui d'Arsenal, environ dix millions d'euros, serait déjà considéré comme une réussite. Des sommes envisageables uniquement par le foot en France, même si le futur stade du club de rugby du Racing 92, a un objectif similaire.

L'installation du nouveau nom sur le stade de Hambourg, le 24 septembre 2010. (CHRISTIAN CHARISIUS / REUTERS)

En Allemagne, on est déjà passé à l'étape supérieure. Le stade du Hambourg SV, un temps AOL Stadion, a été rebaptisé en 2007 HSH Nordbank, du nom d'une banque du nord du pays. Avant qu'HSH Nordbank, refroidie par la crise, laisse sa place en 2010 à Imtech. Outre-Rhin, ils en sont au re-re-re-naming.

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