NFL : plaquer le rugby pour le football américain, un pari risqué pour Louis Rees-Zammit ?

L'ailier star du pays de Galles a choisi de mettre sa carrière en pause pour tenter l'aventure au football américain.
Article rédigé par Théo Gicquel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Louis Rees-Zammit face à la Géorgie lors de la Coupe du monde en France, le 7 octobre 2023. (DAMIEN MEYER / AFP)

Une étoile montante du rugby mondial qui plaque son club et sa sélection à moins de trois semaines du début du Tournoi des six nations. En annonçant qu'il mettait sa carrière de rugbyman en pause pour se lancer dans l'aventure du football américain vers la NFL, Louis Rees-Zammit a pris tout le monde de court. L'espoir gallois de 22 ans va rejoindre l'International Pathway Program (IPP), un programme de détection à base de tests pour les joueurs internationaux qui veulent tenter leur chance en NFL.

Pourquoi ce choix, pourquoi maintenant et à quoi peut-il s'attendre ? Sébastien Sejean, passé par les Saint-Louis Rams entre 2008 et 2010 (sans disputer de match officiel) décrypte ce choix. 

Pourquoi ce choix ?

Prévu dans la liste galloise pour le Six nations, qui débute le 3 février face à l'Ecosse, l'ailier a pris un gros risque pour sa carrière, laissant son club de Gloucester et sa sélection brutalement orphelins. Ce choix s'explique d'abord par la longueur du programme. "S'il y a un moment où il veut le faire, c'est maintenant. Car s'il rentre dans le programme IPP, il signe un contrat de trois ans. S'il n'arrive pas à percer, ça lui permet de revenir au rugby, et d'être éligible pour la Coupe du monde 2027", détaille Sébastien Sejean.

Son sélectionneur Warren Gatland a d'ailleurs confirmé que l'aventure ne pourrait être que temporaire. "C'est quelque chose dont il a toujours rêvé. (…) Il pense que, s'il ne saisit pas cette opportunité, elle pourrait ne pas se présenter à nouveau. Je lui ai demandé quelles seraient ses prochaines étapes si ça ne marchait pas, il a dit qu'il reviendrait…", avait-il dévoilé lors de l'annonce de la liste le 16 janvier.

Le choix économique n'est pas non plus déterminant, même s'il est courant d'obtenir des contrats de plusieurs millions de dollars dans cette ligue. "Les contrats IPP sont bloqués, je pense, entre 150 ou 200 000 dollars l'année, il perd de l'argent y allant, corrige Sébastien Sejean. Peut-être que les sponsors vont compenser, mais c'est bizarre qu'un joueur de ce niveau, qui a joué la Coupe du monde et le Six Nations, décide d'y aller", s'interroge l'ancien défenseur.

Son intégration a-t-elle été facilitée par la NFL, qui y verrait un moyen d'avoir de l'écho en Europe ? Sébastien Sejean reste dubitatif sur la réelle portée pour l'internationalisation de la ligue. "Ce programme doit permettre à des talents cachés d'émerger, mais surtout de valoriser le parcours universitaire des joueurs. Ce choix n'est pas vraiment une vitrine, ça ne va pas du tout parler à des Anglais ou Français et les inciter à regarder la NFL."

Pourquoi la transition est-elle difficile ?

Par le passé, ils sont quelques-uns à avoir tenté cette passerelle. Le dernier en date, Christian Wade, n'a pas transformé l'essai en 2019 et joue désormais au Racing 92. "Passer du rugby au foot américain, ça va être très compliqué car les attentes vont être grandes, surtout avec le CV qu'il a. Il y a plein de paramètres : le fait qu'il n'a pas vraiment joué à haut niveau au football américain, qu'il va avoir un retard au niveau tactique, mais également technique", entame Sébastien Sejean.

L'ancien safety (joueur défensif) estime que le Gallois part de très loin, et que son inexpérience va l'obliger à un gros travail d'adaptation. "Si au niveau des techniques de déplacement, il arrive à avoir cette coordination, tout est possible. Pour moi, soit ça a toujours été un rêve de jouer en NFL et il a déjà joué. Soit il n'a jamais joué, et j'espère qu'il est prêt à comprendre que mettre un casque et un équipement, ce n'est pas du tout pareil que mettre un maillot de rugby", prévient le Français.

Quels seront ses avantages ?

Louis Rees-Zammit aura trois avantages au moment de tenter son aventure outre-Atlantique. L'expérience internationale, face à des joueurs qui n'ont pas connu l'atmosphère d'un Millenium Stadium avec la pression d'un enjeu souvent décisif. Mais également une exigence physique et une rudesse des coups moins importants qu'avant en NFL.

Le Gallois Louis Rees-Zammit lors d'un match face à la Géorgie au Millenium Stadium, le 19 novembre 2022. (AFP)

"Le foot américain n'est plus du tout le même qu'il y a 10 ou 15 ans. Au niveau des chocs, c'est moins demandant aujourd'hui", constate l'ancien joueur, qui a connu les camps d'entraînements ultra-concurrentiels pour intégrer les 53 joueurs de l'effectif final. "Il y a 10-15 ans, pendant les camps d'entraînement, c'était plus ou moins une sélection naturelle. Au moindre pépin physique, tu avais le joueur derrière toi qui pouvait prendre ta place. Aujourd'hui c'est moins comme ça et c'est bien car ça protège l'intégrité physique des joueurs", se souvient-il.

Dernier avantage : le timing et sa popularité mondiale, qui indiquent que les chances de son aventure en NFL sont réelles. "S'ils lui disent de venir, je serai très surpris qu'il ne soit pas pris par une équipe NFL. Sinon, même lui n'aurait pas pris la décision de résilier son contrat pro et de dire non au Six nations et à l'équipe galloise", estime Sébastien Sejean.

Quelles seront ses lacunes ?

Pour l'ancien safety, le principal défi pour le Gallois reposera dans la compréhension de ce jeu d'exécution collective millimétrée, avec de nombreuses variations d'une même action à assimiler. "En NFL, la tactique est poussée à outrance. C'est à la rapidité à laquelle tu es capable de comprendre ce qu'on te demande, de le mettre en application et de l'adapter en une fraction de seconde. C'est un énorme challenge", poursuit celui qui a terminé sa carrière en 2018.

"Au rugby, tu as les mises en situation, on te laisse le temps de monter en rythme. Au football américain, ils n'ont pas le temps."

Sébastien Sejean, ancien joueur NFL

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Si "LRZ" rejoint une équipe NFL, il lui faudra ensuite appréhender un vestiaire où se côtoient plus de 50 joueurs et trois équipes (offensives, défensives, spéciales). "Un vestiaire de football américain, ce n'est pas du tout un vestiaire de rugby. C'est un lieu où il y a des ego et des personnes qui ne sont pas là pour faire des cadeaux. La pression elle y est vraiment, tu ne peux pas te permettre d'avoir deux ou trois entraînements en dessous de ton niveau", souligne l'ancien joueur de second rideau défensif. 

À quel poste peut-il jouer ?

Présenté par la NFL dans le programme comme un receveur (wide receiver) ou coureur (running back), à quel poste Louis Rees-Zammit va-t-il jouer dans un sport où chaque position est extrêmement codifiée ? "Je ne le vois pas jouer receveur. Ils vont lui demander de prendre du poids et de jouer tight end, une position ou il faut savoir être multitâches. Au rugby, un ailier peut jouer arrière. Mais prendre du poids et garder la même vitesse et coordination, c'est autre chose", s'avance l'ancien des Rams.

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Le Français voit le Gallois jouer en équipe d'attaque, mais il reste circonspect sur ses chances de réussite en NFL, puisqu'il fera face à des joueurs aguerris et des jeunes formatés depuis des années pour atterrir en NFL. "C'est culotté, je trouve ça intéressant et je lui tire mon chapeau. Ça peut être un choix judicieux et une très bonne opportunité pour lui, même si je reste mitigé au vu des éléments actuels sur les opportunités qu'il va avoir et les résultats qu'il va produire."

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