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Spice Girls, œil au beurre noir et tradition : tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le haka néo-zélandais

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le haka des All Blacks lors d'un match contre l'Afrique du Sud, à Auckland (Nouvelle-Zélande), le 14 septembre 2013.  (PHIL WALTER / GETTY IMAGES ASIAPAC)

Parce que le haka, ça n'est pas seulement quinze hommes en noir qui se tapent les cuisses en cadence. 

Quand il affrontait le 28e bataillon maori dans le désert égyptien en 1941, le maréchal nazi Erwin Rommel ne cachait pas son admiration pour ces combattants qui effectuaient le haka avant d'aller au combat. "Donnez-moi un bataillon maori et je conquerrai le monde !" aurait-il déclaré.

Anecdotique pendant la seconde guerre mondiale, l'influence du haka dans le monde du rugby actuel est indéniable. Même ceux qui n'ont jamais vu un match de rugby savent citer les All Blacks et leur fameux haka. Enormément de légendes circulent sur cette tradition. Et si on tordait le cou à quelques idées reçues avant le match Nouvelle-Zélande-Namibie, jeudi 24 septembre, deuxième match des All Blacks en Coupe du monde ?

Le haka au début de chaque match, ça a toujours existé

FAUX. Si les joueurs de rugby néo-zélandais ont adopté la coutume dès la fin du XIXe siècle, ils ne dansaient le haka que pour les matchs à l'extérieur. Et c'est sans doute mieux, car, jusqu'au début des années 1980, les hakas n'étaient pas répétés, des joueurs étaient donc en retard ou se trompaient de mouvement. Et Buck Shelford est arrivé. Ce troisième ligne maori n'en pouvait plus des chorégraphies désarticulées et sans âme, "le haka des Paheka" (les non-Maoris), comme on disait au pays, raconte le livre The New Cultural Economy of the New Zealand All Blacks (en anglais). Il a posé les conditions à ses équipiers : "Soit vous le faites bien, soit vous ne le faites pas du tout." Et lors de la toute première Coupe du monde en 1987, en Nouvelle-Zélande, le haka était maîtrisé et effectué pour la première fois au pays du long nuage blanc. 

Le haka n'a jamais changé depuis le XIXe siècle

FAUX. Jusqu'en 2005, les joueurs effectuaient le Ka-Mate, un chant d'accueil traditionnel composé par une tribu maorie. Lors d'un match en Afrique du Sud, leur haka a été conspué par les supporters adverses. Piquée au vif, la fédération néo-zélandaise a chargé un compositeur de pondre un nouveau haka, plus guerrier. Le Kapa-O-Pango, avec le fameux passage de l'égorgement, était né. Lapsus révélateur du commentateur de la télé néo-zélandaise quand il découvre ce nouveau haka : "C'est une nouvelle tradition."

Les Blacks alternent ainsi Kapa-O-Pango contre les adversaires redoutables et Kamaté contre les plus accueillants. Lors de la Coupe du monde 2011, ça donne : chant guerrier contre la France, l'Australie et l'Argentine, et chant amical contre les Tonga, le Canada et la Namibie. 

Les joueurs ont pensé à l'abandonner

VRAI. Cette année encore, la question est revenue sur le tapis. L'influx nerveux lâché lors du haka entraîne souvent des démarrages diesel de la part des Néo-Zélandais, qui se sont retrouvés menés dans 11 de leurs 20 derniers matchs à la pause (pour 17 victoires au final). Ainsi, le demi de mêlée Thomas "TJ" Perenara reconnaît, sur le site du Super 15, qu'il a du mal à démarrer ses matchs à cause de l'excitation du haka : "Je fais des erreurs. J'essaie de trop en faire, tenter trop de plaquages, alors que, à mon poste, je ne suis pas censé en faire beaucoup."

L'alerte la plus sérieuse remonte à 2004, quand plusieurs membres de l'équipe ne se sentaient plus en phase avec la danse d'avant-match. "Beaucoup de joueurs n'étaient plus très chauds pour perpétuer la tradition. Je crois que les All Blacks avaient perdu leur lien avec le haka", raconte l'entraîneur adjoint Gilbert Enoka au site Scrum.com. Sous l'impulsion du capitaine (maori) Tama Umaga, qui a organisé une rencontre entre joueurs et anciens des tribus maories, la tradition est maintenue.

C'est forcément un joueur maori qui mène le haka

PRESQUE VRAI. La coutume veut que ce soit un joueur maori qui dirige ses partenaires. "Et si possible un joueur maori qui fait peur, comme Piri Weepu", ironise le flanker Liam Messam, cité par le site de la fédération néo-zélandaise. Mais, pour bien effectuer le haka, il faut surtout que ce soit le joueur le plus charismatique qui mène ses équipiers. Comme par exemple le capitaine Richie McCaw, qui n'est pas maori, mais qui est considéré comme le meilleur joueur du monde.  

Le haka se fait uniquement sur le terrain, après les hymnes

VRAI, SAUF CAS DE FORCE MAJEURE. En 2006, au Millenium Stadium de Cardiff (pays de Galles, Royaume-Uni), les organisateurs du match voulaient répondre au haka par l'hymne gallois et l'impressionnant chœur des supporters. Mais les Blacks ont refusé de déroger à la tradition qui veut que le haka s'effectue après les hymnes. Ils l'ont donc effectué... dans les vestiaires. Richie McCaw – qui était déjà capitaine à l'époque – s'est expliqué sur ESPN : "La tradition doit être respectée en entier." Le public gallois sera privé du haka, pas de la démonstration des Néo-Zélandais très remontés, qui écraseront les locaux 45-10.

Il n'y a pas de réponse à apporter au haka

FAUX. Les officiels gallois ne sont pas les premiers à s'être posés la question de la réponse à apporter au haka. Mais faut-il apporter une réponse, déjà ? Pour Buck Shelford, non : "Les adversaires peuvent aller courir à l'autre bout du terrain, je m'en fiche", estime-t-il dans le livre The New Cultural Economy of the New Zealand All Blacks (en anglais).

Certains ont tenté la carte du respect. Lors d'une tournée des Lions britanniques (composée des stars des îles britanniques), le capitaine Brian O'Driscoll avait demandé à des anciens Maoris quoi faire. "Jetez quelques brins d'herbe vers le ciel", lui a-t-on répondu, raconte le Daily Telegraph (en anglais). Cela ne lui a pas porté bonheur. Au bout d'un quart d'heure de jeu, il sortait du terrain, l'épaule démise. 

D'autres ont cherché à déstabiliser les All Blacks. On se rappelle la célèbre "flèche" (formation en V) des Français, épaules contre épaules, sur le terrain d'Auckland en finale du Mondial 2011 – théoriquement, la fédération internationale punit d'une amende tout joueur qui s'approche à un mètre du haka, soit 2 800 euros pour les Bleus. L'Ecossais John Jeffrey a ri au nez des Blacks lors du match pour la 3e place du Mondial, en 1991. Le talonneur anglais Richard Cockerill osa toucher le meneur du haka lors d'un test match en 1997. Non seulement il écopa d'une amende, mais aussi d'un œil au beurre noir pendant la rencontre. "Je crois que j'ai fait ce qu'il fallait ce jour-là", insiste-t-il, sur le site RugbyDump (en anglais)

Seuls les rugbymen néo-zélandais ont le droit de le faire

FAUX. D'autres équipes de rugby, comme celles des Fidji, des Tonga ou des Samoa, ont leur propre haka. Les basketteurs néo-zélandais, surnommés les "Tall Blacks" ("les grands Blacks") par un habile jeu de mots, s'y sont essayés contre la Turquie et les Etats-Unis au dernier Mondial. Sans grand succès. Le bruit des chaussures qui crissent sur le parquet brise un peu de la magie du moment. 

A noter que l'équipe de football américain universitaire du Trinity High School, à Euless (Texas, Etats-Unis), a aussi sa version du haka. 

La communauté maorie vit bien la popularité mondiale de cette coutume

NON. La popularité mondiale du haka a entraîné des reprises malheureuses. Le premier incident diplomatique répertorié remonte à 1997, quand les Spice Girls ont repris le Ka-Maté dans une discothèque de Bali (Indonésie), entourées de rugbymen amateurs. Il n'existe pas de vidéo, mais quelques photos de l'incident. Le Ka-Maté est une danse réservée exclusivement aux hommes dans la culture maorie – il existe des hakas mixtes et d'autres exclusivement féminins. "C'est totalement inapproprié, s'insurgeait à l'époque Joe Harawira, dirigeant de la communauté maorie. Ce n'est pas acceptable dans notre culture, surtout de la part de pop stars girly occidentales !"

Malheureusement pour les autorités maories, ce n'était que le début d'une longue série de détournements et de pastiches. Une publicité pour Fiat en 2006 se transforme en crise diplomatique : le constructeur a cherché à border l'utilisation du haka sur le plan légal – les ayants droit, etc. – mais pas du tout sur le plan culturel. Le gouvernement néo-zélandais monte au créneau. En vain.

Un autre spot, pour Coca-Cola au Japon, réalisé en 2010, met encore en scène des femmes dansant le haka – et en tenue légère, en plus. "On en a assez des gens qui abâtardissent notre culture", regrette un autre dignitaire maori, cité par Stuff.co.nz (en anglais)

Il y a au moins une tribu maorie qui surfe sur le succès du haka. La Ngati Toa, celle dont est originaire le compositeur original du Ka-Mate. Elle en a revendiqué les droits de propriété intellectuelle en 2009, note le Daily Telegraph (en anglais). Et a obtenu un chèque de 68 millions d'euros du gouvernement néo-zélandais au titre du "détournement et usage culturel inapproprié" de l'œuvre. 

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