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Philippe Saint-André: les raisons de quatre années d'échec avec le XV de France

En assistant à la défaite humiliante de son équipe de France contre la Nouvelle-Zélande en quarts de finale de la Coupe du monde (62-13), Philippe Saint-André a vécu son dernier match en tant que sélectionneur. Arrivé au poste auréolé de son passage au RCT mais surtout à Sale, il finit ses quatre années sur un constat d'échec, marqué par moins d'un match gagné sur deux. Sous ses ordres, le XV de France n'est jamais monté sur le podium du Tournoi des 6 Nations (une première depuis l'après-guerre), n'a pas connu le moindre match-référence, et finit par égaler son moins bon résultat en Coupe du monde. Voilà les raisons d'un règne infructueux.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Philippe Saint-André (FRANCK FIFE / AFP)

Le constat

Philippe Saint-André a dirigé 45 matches en tant que sélectionneur. Il n'en a gagnés que 20. Depuis le début des années 90, et donc depuis le début du professionnalisme, aucun sélectionneur français n'avait eu un aussi faible rendement. Une belle Coupe du monde aurait pu tout changer, comme cela avait été en partie le cas pour Marc Lièvremont avec la finale perdue en 2011. Cette élimination en quarts de finale, certes face à la meilleure formation de la planète, n'efface donc pas les quatre années passées. Au contraire, la déculottée reçue s'y ajoute. Pour la première fois depuis l'après-guerre, le XV de France n'est jamais monté durant quatre ans sur le podium du Tournoi des 6 Nations (4e en 2012, 2014, 2015 et dernier en 2013). A chaque fois, les Bleus se sont inclinés au moins deux fois. En remportant cinq victoires consécutives (matches de préparation contre l'Angleterre et l'Ecosse puis les trois premiers de la phase de poules de la Coupe du monde contre l'Italie, la Roumanie et le Canada), le sélectionneur a réalisé sa meilleure série en Bleu. C'est peu. La seule positive en tests-matches remonte à 2012, avec des succès sur l'Australie (33-6), l'Argentine (39-2) et les Samoa (22-14) à l'automne. Tout cela ne pèse pas grand-chose face aux humiliations en Nouvelle-Zélande (30-0 en 2013), en Australie (50-23 en 2014), en Angleterre (55-35 en 2015) ou contre l'Irlande (24-9) dans cette Coupe du monde. Et cette ultime défaite record en Coupe du monde (62-13).

La genèse de sa nomination

Le 23 août 2011, Philippe Saint-André est nommé prochain sélectionneur du XV de France, en pleine préparation de la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande sous la houlette de Marc Lièvremont. Après le refus de Guy Novès, la Fédération s'est tournée vers lui. Une sorte de deuxième choix. L'homme qui vient de passer deux saisons à Toulon, raflant une place de demi-finaliste du Top 14 et de finaliste du Challenge européen la première année, mais raté la "qualif" en championnat et échoué en 1/4 en Coupe d'Europe la deuxième. L'ancien capitaine du XV de France jouit surtout d'un réputation de technicien confirmé, à la rigueur toute britannique née de son passage à Gloucester et Sale, où il a glâné un titre de champion d'Angleterre (2006) et un Challenge européen (2005). Il est donc à l'opposé de Marc Lièvremont et de son staff, qui n'avaient jamais entraîné au plus haut niveau lors de leur arrivée en sélection. En nommant un peu plus tard Patrice Lagisquet et Yannick Bru, il s'est adjoint deux références du championnat de France. Mais pour lui comme pour l'ancien entraîneur de Biarritz, leurs belles heures de gloire remontent à cinq-six ans.

Le jeu mis en place

Chantres d'un rugby d'engagement, basé sur la puissance des avants et des trois-quarts de poids, Philippe Saint-André et Patrice Lagisquet ont appliqué le jeu de leur club en Bleu. Un homme illustre ce parti pris: Mathieu Bastareaud. Le Toulonnais est une pépite très attendue depuis ses débuts internationaux en 2009. Son gabarit et ses qualités physiques en font un joueur unique en France. Après ses neuf premières capes entre 2009 et 2010, le trois-quart centre a connu une éclipse qui a pris fin lors du Tournoi des 6 Nations 2013, pour enchaîner depuis 30 sélections. Il n'est pas le seul à avoir eu sa chance: Vahaamahina, Taofifenua, Spedding, Thomas, Kockott, Tillous-Borde.... Alors même que le Pays de Galles, l'Angleterre et l'Irlande (pour se limiter aux nations majeures de l'hémisphère Nord) prônaient un jeu déployé, des attaques de trois-quarts à tout va souvent avec une jeune génération talentueuse, la France a d'abord voulu assurer les basiques, autour des avants. Cela aurait pu fonctionner si les trois-quarts étaient parvenus à réduire le nombre de fautes de mains (un mal également connu par les avants) pour assurer de la continuité dans le jeu tricolore. Cela n'a jamais été le cas, et le french flair s'est transformé peu à peu en légende urbaine. Pire encore, bien malin qui peut expliquer le style de l'équipe de France. Les joueurs eux-mêmes n'ont pas toujours semblé, sur le terrain, savoir ce qu'ils devaient faire.

Vidéo: Saint-André dresse son bilan après le Tournoi des 6 Nations 2015

La recherche au l​arge

Lorsqu'il prend en mains la sélection, Philippe Saint-André préside les destinés de vice-champions du monde en titre, passés tout près de soulever pour la première fois le trophée Webb-Ellis. Pour son premier match contre l'Italie dans le Tournoi des 6 Nations 2015, il s'appuie donc sur des cadres (Nallet, Bonnaire, Rougerie, Clerc, Servat, Poux, Harinordoquy) dont l'avenir international semblait limité en raison de leur âge. Peut-être est-ce sa première erreur: n'avoir pas fait table rase immédiatement du passé pour mieux préparer l'avenir. Et durant quatre années, Philippe Saint-André et son staff ont énormément essayé de joueurs: près de 90 en quatre années. C'est beaucoup. Cela prouve qu'ils n'ont pas trouvé ce qu'ils cherchaient. Là aussi, le cas Bastareaud est symptomatique. Sorti de son rôle habituel d'"impact-player" depuis le début de la préparation à la Coupe du monde pour être titulaire, l'ancien Parisien a retrouvé son statut de remplaçant pour le quart de finale contre la Nouvelle-Zélande. Sans avoir pu ou su se mettre en valeur.

Le choix des hommes

Comme dans tout sport, dans toute sélection, et à toute époque, le choix des hommes, volontaire ou contraint (par les blessures ou les méformes), prête le flanc à la critique. Dans cette Coupe du monde, son objectif avoué durant quatre années, Philippe Saint-André a semblé en manque de solutions de repli, notamment dans ses lignes arrières. Un peu comme l'avait fait Marc Lièvremont à son arrivée avec François Trinh-Duc, Philippe Saint-André a rapidement installé Frédéric Michalak comme son N.10. Les blessures et les contre-performances l'ont parfois fait vaciller, mais il a été au bout avec le Toulonnais. Et c'est le Montpellierain qui en a payé les pots cassés, ne cumulant "que" 15 sélections alors qu'il en avait connues 35 sous Lièvremont. Son absence de la liste des 31 a beaucoup fait parler. Sa présence aurait-elle pu changer le destin de cette équipe de France ? Même question pour Maxime Mermoz, Maxime Médard ou Florian Fritz, dont les profils différents pouvaient peut-être amener de nouvelles solutions dans une ligne de trois-quarts qui a trop souvent semblé sans imagination.

Vidéo: Philippe Saint-André, derrière le sélectionneur, l'homme

La face cachée de Philippe Saint-André

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