L'Australie, parole à la défense
L'Australie est passée par un trou de souris pour se qualifier en demi-finale de la Coupe du monde. Battus par l'Irlande en phase de poule, pas toujours convaincants dans ses matchs supposés faciles face à des adversaires largement inférieurs, les partenaires de Genia ont beaucoup déçu mais ils sont toujours là. Le propre des grandes équipes. Présentée comme une machine à produire du jeu, dans le sillage d'un Quade Cooper inventif en diable, les Australiens ont laissé cette belle réputation aux vestiaires et s'en sont finalement remis à leur défense et à leur fabuleuse troisième ligne (quel match de Pocock !) pour se hisser, à la force du jarret, dans le dernier carré. Mais s'ils veulent viser plus haut, il faudra retrouver leur allant offensif car le courage ne les sauvera pas éternellement. De même, il ne rencontreront pas toujours un adversaire au jeu aussi prévisible et monolithique...
D'emblée, les Sud-Africains proposent ce qui savent le mieux faire : occuper le terrain et tenter l'épreuve de force. La tactique a beau être connue, elle demeure efficace. Les Boks campent dans le camp australien, mais, première surprise, les Wallabies, pourtant pas réputés pour leurs qualités défensives, tiennent bon. Leur mêlée a beau être sérieusement bougée, les hommes de Deans font courageusement face. Et, pour l'une de leur premières incursions dans le camp sud-af', ils grattent même un ballon dans un ruck et envoient leur capitaine Horwill inscrire comme un vieux renard le premier essai du match (5-0, 12e). Mis en confiance par cette entame, les Australiens appuient là où ça fait mal et lâchent les chevaux de leur fabuleuse ligne de trois-quart, Ioane, Beale et O'Connor faisant admirer sur quelques actions leurs qualités de vitesse et de crochets. Logiquement, l'Australie se détache un peu plus grâce à une pénalité transformée par O'Connor (8-0, 16e) avant que les débats ne s'équilibrent. Voire ne deviennent complètement fermés. Entre des Wallabies qui ont laissé leurs ambitions offensives aux vestiaires et des Springboks incapables de concrétiser leurs temps forts, le rythme de la rencontre baisse de plusieurs crans. Les partenaires de Bryan Habana, très discret par ailleurs, parviennent tout de même à ouvrir leur compteur grâce à la botte de Steyn juste avant la pause (8-3, 39e). Il était temps.
Le mauvais test de Cooper
Physionomie identique à la reprise : les Australiens subissent, les Sud-Africains piétinent. Néanmoins, l'emprise des Boks est de plus en plus manifeste. Sans être flamboyants, loin de là, leur puissance physique leur permet d'étouffer de plus en plus des Wallabies asphyxiés. Et ces derniers ne peuvent pas compter sur Quade Cooper pour leur donner de l'air. L'ouvreur star de cette équipe, présenté comme l'un des meilleurs du monde à son poste, passe complètement à côté de son quart de finale. Mauvaises passes, aucune prise d'initiative, jeu au pied déficient, celui qui était supposé emmener l'Australie vers les sommets, la tire immanquablement vers le bas... Les Boks, monstres de réalisme, en profitent : une pénalité et un drop de Morne Steyn, le meilleur réalisateur de cette Coupe du monde jusqu'à présent, permettent aux champions du monde en titre de passer devant (8-9, 69e). C'est plus que mérité mais, on le sait, le sport n'est pas toujours juste. Une faute peu évidente sifflée sur Matfield et voilà O'Connor, sans trembler, qui passe une pénalité cruciale (12-8, 72e). C'est fini, le champion du monde en titre, qui restait sur 11 succès de rang en Coupe du monde, est à terre. Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même car ces Australiens-là étaient plus que prenables...
Déclarations :
James Horwill (capitaine de l'Australie): "Ca a été un effort énorme des gars. On a commencé comme on voulait le faire. On savait que les Springboks, une très bonne équipe, expérimentée, allait revenir. On a eu du mal en deuxième mi-temps à avoir des ballons propres, ils nous ont mis énormément de pression. Mais je suis vraiment, vraiment fier de la façon dont les joueurs se sont battus. On savait qu'il fallait qu'on s'accroche et que notre défense était capable de gagner ce genre de gros matches. Notre discipline a été très bonne pendant la majeure partie du match. Il y a eu des moments où on a donné des ballons trop facilement. On va revoir ça et travailler dessus pour affronter notre prochain adversaire, quel qu'il soit".
Robbie Deans (entraîneur de l'Australie): "Les gars ont su relever le défi. O'Connor a montré du courage au plaquage et dans les airs, quant à sa dernière pénalité, c'est le genre d'occasion qu'il cherche, qu'il attend et il l'a passée. Le match de Pocock a été remarquable et il a clairement une énorme influence sur tous les matches auxquels il participe. Je ne suis pas d'accord sur le fait que ce match était pauvre en spectacle, les équipes ont joué le jeu qui leur convenait le mieux, le rugby c'est aussi ça, un très beau match entre deux équipes tournées vers la contre-attaque".
Berrick Barnes (centre de l'Australie): "C'est vraiment une belle performance. Ce n'était pas beau mais il fallait des tripes, je peux vous le dire. Dans les dernières vingt minutes, on a pensé plusieurs fois qu'on allait perdre mais on a réussi dans les dix dernières à revenir dans leur moitié de terrain. On était confiant avant d'aborder ce match, on savait que ça n'allait pas être facile. On a joué les Boks à de nombreuses reprises, on savait à quoi s'attendre. On avait un plan de jeu que l'on n'a pas vraiment réussi à mettre en place mais on a le résultat que l'on voulait."
David Pocock (troisième ligne de l'Australie): "Leur jeu au pied a été très bon. Ils nous ont mis beaucoup de pression. C'est ce à quoi ils sont bons, ils construisent leur dynamique et prennent les points ou inscrivent des essais. Il y a eu un gros effort de toute l'équipe en défense et quand on joue les Sud-Africains, on peut bien défendre mais il faut surtout être très disciplinés. Il y a eu un grand combat entre les deux équipes dans les zones de ruck. L'Afrique du Sud est une si belle équipe, avec tellement d'expérience, et ils savent comment gagner les matches. On a vu ce soir (dimanche) combien ils sont capables de nous mettre la pression. Sortir de ce match avec une victoire, en tant qu'équipe, et étant donné la maîtrise territoriale qu'ils ont eue, c'est une grande performance".
Peter de Villiers (entraîneur de l'Afrique du Sud): "Il y a un moment pour arriver et un moment pour s'en aller. Je pense que le voyage est terminé pour moi. C'était incroyable et je suis privilégié d'avoir pu rendre service à mon pays. En quart de finale, en demi-finale et en finale, il faut saisir sa chance. Nous ne l'avons pas fait ce soir (samedi), même si nous avons correctement joué tactiquement, en occupant leur moitié de terrain. Ils ont bien joué et concrétisé les rares occasions qu'ils ont eu."
John Smit (capitaine de l'Afrique du Sud): "En première période, nous n'avons pas eu de libérations rapides de ballons. Il (Pocock, 3e ligne australien) a été peut-être brillant, c'est en tout cas l'interprétation qu'en a fait Bryce (Lawrence, l'arbitre). Nous avons eu la majorité de la possession du ballon, donc il a eu plein d'occasions de ralentir le jeu. Nous avons dominé le jeu d'occupation, la possession, mais nous n'avons pas gagné. C'est la première fois que je perds un match en l'ayant emporté dans tous les secteurs statistiques. Cela rend les choses encore plus difficiles à accepter. C'est triste. Ce serait stupide de ma part de juger ces sept années (comme capitaine) sur ce qui s'est passé aujourd'hui. J'ai été honoré d'être en charge de ces gars et de jouer avec eux. C'est la fin d'un chapitre."
Victor Matfield (deuxième ligne et vice-capitaine de l'Afrique du Sud): "Nous avons fait tout ce qu'on pouvait, sauf gagner le match. Nous avons eu beaucoup d'occasions mais nous n'avons pas su en profiter. J'ai toujours eu le sentiment que nous allions gagner ce match, que c'était une question de temps. Je suis fier des garçons, mais ça ne compte pas. Nous avons perdu. Ca a été un grand voyage pour la plupart des gars. Beaucoup vont continuer. Pour quelques-uns d'entre nous, c'est la fin. C'est un sacré groupe de mecs. Nous sommes tous de grands amis. Ca a été huit-neuf années incroyables ensemble. C'est fantastique tout ce que nous avons fait: une Coupe du monde, battre les Lions Britanniques (en 2009), gagner le Tri-Nations (en 2004 et 2009). Plus de 100 matches. Ca a été bien. Mais ce soir c'était encore bien de voler des ballons en touche."
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