Ils ont enlevé le voile noir
Le pays du long nuage blanc était aussi lcelui de la longue attente. Celle-ci a enfin cessé. Vingt-quatre ans après le sacre de l'équipe emmenée par le capitaine David Kirk, Richie McCaw a enfin pu brandir la coupe William Webb Ellis. Sous un déluge de confettis et de feux d'artifice, les All Blacks ont renoué avec leur prestigieux passé devant leur public de l'Eden Park d'Auckland et libéré un peuple, sevré de victoire depuis 1987 en dépit de formations légendaires. Finalistes en 1995, demi-finalistes en 1991, 1999 et 2003 et quarts de finaliste en 2007, les hommes à la fougère étaient souvent considérés comme les "champions du monde des tests-matchs". Ils le sont désormais pour de vrai et ne peuvent plus seulement être considérés comme les meilleurs joueurs de la planète officieusement. Les Kirwan, Fox, Jones et consorts ont finalement trouvé leurs successeurs. Il était temps.
Même s'ils ont été plus que chahutés par de vaillants Français en finale, ce n'est que justice d'avouer que la Nouvelle-Zélande mérite son trophée. Seule formation invaincue du tournoi, meilleure attaque avec plus de 300 points et 40 essais au bilan, l'équipe de Graham Henry a maîtrisé son sujet de bout en bout. Au moins jusqu'à la finale où les atermoiements de Weepu à la botte ont plongé les siens dans le doute. Incapables de se détacher au score en dépit d'une domination assez nette, les Blacks ont ensuite balbutié leur rugby, victimes de la peur de perdre. Une peur bleue.
Noir désir
Pourtant, ce second sacre des Néo-Zélandais est plus que mérité. D'abord parce ces derniers ont su résisté à la pression populaire qui aurait pu les paralyser. Le peuple kiwi n'aurait en effet jamais pardonné un nouvel échec, qui plus est à domicile. Traumatisée par le tremblement de terre de Christchurch, la Nouvelle-Zélande mettait aussi une pression supplémentaire sur son XV, sommé de gagner pour les victimes. Ensuite, les hommes en noir ont réussi à surmonter les obstacles et les blessures, à commencer par celle, déterminante, de Daniel Carter. Sans leur ouvreur et buteur, les Blacks ont su trouver des solutions de remplacement, certes moins brillantes, mais qui ont su tenir la baraque à l'image du jeune Aaron Cruden, épatant de sang-froid du haut de ses 23 ans.
Au final, les All Blacks rejoignent l'Australie et l'Afrique du Sud au palmarès des doubles vainqueurs de la Coupe du monde et réparent ainsi une certaine forme d'hérésie. Sans avoir la brillance de ses devancières, l'équipe de Graham Henry a su composer avec ses forces pour s'imposer lors de cette septième édition. Certes, elle ne possédait pas des joueurs extra-terrestres comme Jonah Lomu mais sa cohésion et sa solidité ont été ses meilleures armes. Avec des piliers enfin au niveau des meilleurs et une troisième ligne exceptionnelle, emmenée par le charismatique McCaw et le surpuissant Kaino, les All Blacks ont posé les pierres de leur victoire sur les bases avant. Et si la charnière n'était pas la plus performante, les lignes arrières ont fait le boulot, à l'image de la paire de centre Nonu-Smith et de l'une des révélations du tournoi, le n°15 Israël Dagg. Un homme peut souffler : Graham Henry, l'entraîneur des Blacks et l'homme le plus exposé de Nouvelle-Zélande, a réussi son pari : ramener la Coupe du monde au pays. Le pays du Rugby.
Déclarations :
Ma'a Nonu : "C'est un sentiment incroyable! Cela faisait longtemps qu'on attendait ça. Quoi qu'il arrive désormais, je suis heureux".
Keven Mealamu : "C'est un grand soulagement! Je n'avais pas bien dormi ces deux derniers mois, mais je vais bien dormir cette nuit. C'étaient les 20 dernières minutes les plus difficiles que j'ai eu à voir. Je suis très fier des garçons!"
Israel Dagg : "C'était la Troisième Guerre mondiale ici. La France a tout donné pendant 80 minutes. Je suis sûr qu'ils (sa famille) étaient debout dans les tribunes en train de verser quelques larmes. Je suis impatient de les retrouver à l'hôtel pour les embrasser."
Graham Henry: "La première chose, c'est que je me sens en paix. Et c'est un sentiment fabuleux. Ensuite, l'important, c'était de gagner. Et les gars qui ont gagné cette Coupe du monde ont été grands! Nombre d'entre eux avaient vécu la dernière Coupe du monde (en 2007) où nous avions été éliminés en quart de finale. Et ils ont su en tirer les leçons. Ils ont mis une énorme implication dans tout ce qu'ils ont fait depuis longtemps. Ce qui a fait la différence, c'est le poids des joueurs d'expérience. On a su défendre sous une forte pression adverse sans commettre de faute. Je suis vraiment très content que nous ayons développé ces qualités-là aussi en tant qu'entraîneurs."
Richie McCaw: "Chacun des joueurs a montré ce que ça veut dire être un All Black. On voulait montrer qu'on avait retenu les leçons du passé, je crois qu'on l'a fait. La semaine dernière (en demi-finale contre l'Australie), nous avons joué le rugby que nous savons jouer et aujourd'hui (dimanche) il s'agissait de s'accrocher. Chapeau bas à tous les mecs!"
Conrad Smith: "On savait qu'il fallait rester sur ce qu'on savait faire, ce à quoi on s'est entraînés depuis six semaines. Quand on commence à se dire qu'il va falloir un miracle, c'est là que les problèmes commencent. Depuis le début de l'année, on se répète que si les choses se passent mal, il faut faire avec, c'est comme ça qu'on gagne une compétition."
Brad Thorn: "Je fais partie d'une grande équipe. Ce titre, j'en parlerai encore même quand je n'aurai plus de dents !".
Tony Woodcock: "Je ne réalise pas encore. C'est incroyable. Surtout après 2007 (échec en quart de finale contre la France), je suis tellement ravi d'avoir gagné. On a dû se battre énormément pour y arriver. Cela me semble irréel, pour être honnête, d'avoir eu cette occasion (de marquer l'essai). La porte s'est ouverte et je n'ai eu qu'à franchir la ligne. C'est vraiment spécial pour moi. On avait gardé celle-là (cette combinaison) dans notre manche en vue de la finale, donc je suis assez content qu'elle ait fonctionné."
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