Editorial: Et si on se réjouissait un peu pour le XV de France...
L'équipe de France est en quarts de finale de la Coupe du monde. Faut-il sabrer le champagne d'avoir battu de deux points les Tonga, 16e nation mondiale ? Faut-il s'extasier de la victoire sur les USA après n'avoir compté que trois points d'avance à 15 minutes de la fin du match ? Faut-il se pavaner d'un drop victorieux de Camille Lopez et d'une pénalité ratée à la dernière seconde par un Argentin pour une victoire de deux points face aux Pumas ? Eh bien, oui.
Equipe la plus pénalisée, et qui compte le plus de forfaits de joueurs
Pourtant, en tant que latin, on aurait tant à dire et à redire de cette équipe de France, équipe la plus pénalisée de cette phase de poules: manque de constance, en-avants à la pelle, fébrilité à tous les étages, incapacité chronique et ancienne à "tuer" les matches, sans oublier tous ces blessés (plus qu'aucune autre équipe de ce Mondial) et leur gestion (Fofana et Bamba conservés coûte que coûte avant d'être renvoyés chez eux)... Alors, pourquoi se satisfaire d'un collectif qui semble si éloigné des meilleures nations de la planète ? Pourquoi rêver avec ce XV de France, trois fois finaliste de la Coupe du monde, toujours en quête de sa première couronne et qui n'a plus battu l'une des trois nations majeures de l'hémisphère Sud depuis 2014 ?
Parce qu'il y 8 mois, ces Bleus avaient été battus (24-19) à domicile par le pays de Galles après avoir mené (16-0) à la pause. Et neuf jours après, ils avaient encaissé un terrible (44-8) à Twickenham. Parce qu'il y a moins d'un an, elle perdait en France contre les Fidji (21-14) pour la première fois de son histoire. Et qu'il y a un peu moins de deux ans, elle concédait son premier match nul contre le Japon (23-23) à domicile, dernière désillusion d'une longue série (0 victoire lors des tournées de juin et de novembre). Cette série noire avait conduit à l'inéluctable limogeage du plus beau palmarès du rugby français, Guy Novès, dont le sort était déjà quasiment scellé à l'arrivée de Bernard Laporte à la tête de la présidence de la FFR. Comme l'a dit Baptiste Serin après la victoire sur les Tonga: "On est en quarts, alors qu'on arrive de très loin." De très très loin même.
Du néant à l'espoir
Tout cela avait donné à ce rugby français des airs de famille décomposée. Parce que depuis longtemps, l'équipe nationale accumule les déceptions. Depuis 2012, ni Philippe Saint-André, arrivé avec tout son savoir glané en Angleterre, ni Guy Novès, et ses 10 Boucliers de Brennus et 4 Coupes d'Europe avec Toulouse, ni même Jacques Brunel, ancien adjoint de Laporte, n'ont réussi à ramener la France sur l'une des deux premières marches du podium du Tournoi des 6 Nations. L'appel au secours des Galthié, Labit et Giroud (le préparateur physique) comme pompiers de service pour intégrer un staff en mal de solutions avant cette Coupe du monde a fini d'achever le tableau d'un projet à la dérive.
La France n'était plus invitée à la table des meilleures d'Europe. Mais elle fait aujourd'hui partie des 8 meilleures du monde, en étant sortie d'une "poule de la mort". C'est pas mal pour une formation moribonde qui, depuis sa finale en Coupe du monde en 2011, a perdu 55% de ses matches (49 défaites pour 37 victoires dont les 3 de ce Mondial 2019). Bien sûr, on ne va pas clamer que le French Flair est de retour, que cette équipe sera championne du monde le 2 novembre prochain. Non, mais au moins elle a travaillé pour maintenir l'espoir d'une fin heureuse. Elle ne sera pas favorite face à l'Angleterre, samedi prochain dans la finale de la poule C, ni contre l'Australie ou le pays de Galles, probables futurs adversaires des Bleus en quarts. Mais le rôle d'outsider a souvent réussi aux Français, surtout en rugby. Décrocher ce statut en quarts, ce n'était pas gagné d'avance il y a peu.
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