La renaissance de l'Angleterre en Europe
Saracens, Wasps et Leicester: ils sont trois clubs anglais, face aux Français du Racing 92, à briguer le titre suprême européen, pour la deuxième fois seulement de l'histoire de la Coupe d'Europe après 2006-2007, date du dernier sacre d'un club de Premiership, les Wasps. L'Angleterre a même envoyé cinq de ses membres en quarts de finale, une première. Un spectaculaire renouveau pour un pays qui a remporté cinq des dix premières éditions de la Coupe d'Europe mais seulement une des dix suivantes!
Même si ses clubs ont pu profiter du déclin cette saison des provinces irlandaises, qui ne peuvent plus se permettre, depuis la réforme des compétitions européennes à l'aube de la saison 2014-2015, de mettre de côté la Ligue celtique pour se concentrer sur la Coupe d'Europe, la raison de ce renouveau est avant tout économique.
Manne financière
Confronté à la force de frappe financière du Championnat de France, la Premiership a réagi en mettant en place "un système économique qui nous rapproche du Top 14", comme l'explique à l'AFP le président de Bath, Bruce Craig. Le plafond du "salary cap" a été élevé pour atteindre cette saison 6,5 millions d'euros, avec la possibilité de voir le salaire de deux joueurs échapper au calcul. Et il sera porté à 9,2 M EUR lors du prochain exercice puis à 9,9 M EUR en 2017-2018, soit à peu près le même montant que pour les clubs français (10 M EUR), qui n'ont cependant eux pas la possibilité de recruter de joueurs hors "salary cap". "Le taux de change par rapport à l'euro est redevenu beaucoup plus favorable: on a gagné presque 30% de pouvoir d'achat ces deux-trois dernières années", note Bruce Craig.
L'Angleterre a aussi profité de la manne financière des droits télé. Si le montant déboursé par BT pour la période 2017-2021 n'a pas été dévoilé, celui-ci serait en effet d'après la BBC 80% plus élevé que les 53 M EUR annuels que la chaîne paie jusqu'en 2017. A titre de comparaison, Canal+ a acquis les droits télé du Top 14 jusqu'en juin 2019 pour 74 M EUR par saison en moyenne.
Plus de jeu et de densité
Les clubs anglais ont également bénéficié, comme les Français, d'une redistribution plus favorable des revenus des coupes d'Europe depuis la réforme, et sont enfin abondamment dédommagés par la Fédération (RFU) pour la mise à disposition de leurs internationaux selon les termes de la convention RFU/Ligue. En cours de renégociation, elle fera d'ailleurs l'objet d'une "revalorisation importante", dixit Bruce Craig.
Résultat: l'Angleterre peut désormais attirer des pointures comme Louis Picamoles, à Northampton l'été prochain, Taulupe Faletau, futur joueur de Bath, ou encore l'ancien ailier All Black Charles Piutau, arrivé à l'intersaison chez les Wasps, qui ont eux changé de braquet économique depuis leur rachat en 2013 par un homme d'affaires irlandais. Mais cette renaissance a aussi des racines sportives: la plupart des clubs de Premiership se sont tournés depuis quelques saisons vers "un jeu plus attractif", souligne Bruce Craig, ce qui permet certes d'attirer plus de spectateurs, mais surtout d'être plus compétitif sur la scène européenne.
Et le format du championnat, réduit à douze clubs, oblige toutes les équipes "à batailler chaque week-end, à l'extérieur ou à domicile, à haut niveau", ce qui les prépare parfaitement aux joutes européennes, relève Aaron Mauger, entraîneur en chef de Leicester. Qui espère définitivement confirmer le 14 mai prochain, en finale de la Coupe d'Europe, que l'Angleterre est bien de retour.
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