Roland-Garros : "Pour l'instant, la relève n'est pas encore à la hauteur" des Monfils, Tsonga, Gasquet et Simon, explique Arnaud Di Pasquale
Depuis 1983, la France cherche un successeur à Yannick Noah, dernier vainqueur français de Roland-Garros, l’histoire est connue de tous. Mais, le tennis français entend avant tout trouver la relève à la génération des Tsonga, dernier vainqueur français d’un Masters 1000 en 2014 à Toronto, Monfils, Gasquet ou encore Simon. Difficile pour les jeunes tricolores de tenir le match des comparaisons face à un quatuor qui a, sans remporter de tournoi du Grand Chelem, victime de la concurrence des 4 fantastiques (Djokovic, Federer, Nadal et Murray), marqué le tennis mondial ces dernières années. "La France a connu une génération très forte avec Gaël Monfils, Jo-Wilfried Tsonga, Richard Gasquet et Gilles Simon", confie Arnaud Di Pasquale, ancien DTN de la fédération française de tennis, "ils ont terminé plusieurs saisons dans les 15 premiers mondiaux ce qui n’est pas rien."
"Seul le futur nous donnera une vraie réponse"
Mais, plutôt que de tirer sur l’ambulance, Arnaud Di Pasquale préconise de laisser le temps aux jeunes joueurs français de progresser et de s’affirmer. "Pour l’instant, la relève n’est pas encore à la hauteur de cette génération, seul le futur nous donnera une vraie réponse. Il y a tout de même quelques jeunes qui jouent à un niveau correct comme Corentin Moutet et Ugo Humbert. Lucas Pouille est, hélas, très souvent blessé, mais il a un potentiel et d’énormes qualités." Les blessures de Lucas Pouille, ancien 10e joueur mondial, constituent un vrai problème dans le jugement que l’on fait de la nouvelle génération française tant le Nordiste a prouvé par le passé, par intermittence, qu’il pouvait plus que rivaliser avec les meilleurs. "Pour le moment, on peut dire qu’il manque de régularité au plus haut niveau, comme les 4 joueurs de la génération précédente ont pu avoir, mais il a montré qu’il était capable d’élever son niveau de jeu."
Si la concurrence étrangère est rude, et de plus en plus jeune à l’image des Canadiens Shapovalov et Auger-Aliassime ou du Russe Rublev, rien n’empêche de se mêler à la lutte pour des titres majeurs dans le futur. "Certains jeunes joueurs sont plus précoces et surtout identifiés très tôt comme ceux qui feront le tennis de demain. Ces joueurs-là traversent les étapes très rapidement, mais c’est loin d’être le cas de tout le monde. C’est possible qu’avec une éclosion plus tardive Ugo Humbert et Corentin Moutet aient un jour le même niveau, poursuit l’ancien médaillé olympique, même si, à l’instant T, on ne voit pas le même potentiel chez les joueurs français, ce n’est pas pour autant qu’ils ne travaillent pas pour refaire leur retard."
Sur le circuit ATP, les exemples de joueurs arrivés à maturité sur le tard ne manquent pas. Ainsi, Roberto Bautista-Agut, 11e joueur mondial, a obtenu ses meilleurs résultats après avoir passé la barre des 30 ans, il avait 31 ans lors de sa demi-finale à Wimbledon 2019. Aussi, l’Espagnol a patienté jusqu’à ses 24 ans pour s’installer durablement dans le top 100 mondial, un classement que possèdent déjà Humbert, 41e, et Moutet, 70e, à respectivement 22 et 21 ans. "En dehors de quelques comètes, comme Shapovalov, Rublev ou encore Sinner, il est très difficile de prédire l’avenir", conclut justement Arnaud Di Pasquale.
"Cette idée que la fédération veuille tout regrouper appartient au passé"
Hors de question pour Arnaud Di Pasquale de mettre les difficultés actuelles du tennis français sur le dos de la fédération. "C’est avant tout une histoire d’homme, bien sûr l’organisation rentre en ligne de compte mais elle est secondaire. Il ne suffit pas d’avoir des moyens pour réussir, ce n’est pas parce qu’une fédération est riche que derrière les garçons vont automatiquement réussir."
Pas question non plus de reprocher à la fédération de vouloir conserver une trop grande affiliation avec ses joueurs. "Pour moi, cette idée que la fédération veuille tout regrouper au sein d’un cadre fédéral appartient au passé. Mais, il est évident que lorsque l’on offre des subventions ou des bourses, on demande un suivi et un accompagnement pour se prémunir des risques qui existent dans le monde du sport." Ainsi, durant son mandat de DTN, l’ancien 8e de finaliste de Roland-Garros avait mis en place le principe des "parcours associés". Une façon de soutenir des projets familiaux, des projets de formation en académie, ou des projets de formation en club et de permettre à chacun de ces projets d’aller le plus loin possible et de mener le joueur à son plein potentiel.
Enfin, pour le natif de Casablanca, les jeunes Français ne passent pas trop de temps sur le circuit junior, contrairement aux idées que le grand public pourrait se faire. "Pour moi, dire que les Français jouent trop longtemps sur le circuit junior est une idée reçue. Ça dépend des profils, ça dépend des styles de jeu et de la maturité des joueurs. On ne peut pas généraliser et dire tout le monde, à 16 ans, doit jouer en adulte." Le tout est donc d’adopter une approche au cas par cas, en fonction du jeu et de la personnalité de chacun. "Souvent vers 17/18 ans, on joue chez les juniors et on commence, déjà, à mettre un pied chez les seniors. C’est le cas depuis toujours et dans tous les pays du monde."
Tout parcours est donc différent et ce qui fonctionnera pour l’un ne fonctionnera pas automatiquement pour un autre joueur. "Lorsque l’on dit qu’il faudrait que les jeunes, en moins de 14 ans ou en moins de 12 ans, soient les champions du monde et qu’ils jouent dans le monde entier car cette approche a fonctionné pour un Russe ou un Tchèque, ça ne veut rien dire", poursuit Arnaud Di Pasquale. "Il ne faut pas se tromper, en France nous avons une culture, qu’il faut également respecter. La précocité, et la maturation, n’est pas la même pour tout le monde." Si la nouvelle génération du tennis français souffre de la, difficile, comparaison avec celle de ses aînés, elle souffre également du comparatif avec les talentueux joueurs étrangers. Heureusement, elle semble avoir les armes pour progresser, à condition d'avoir le temps de le faire.
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