Roland-Garros : Nadal, Thiem, Medvedev... le baromètre des prétendants au titre
Ils devraient se disputer le titre
Rafael Nadal ♦♦♦♦♦
Pourquoi il peut le faire :
Parce qu'il l'a déjà fait douze fois ? Parce qu'il est le meilleur joueur de terre battue de tous les temps ? Parce que malgré les Cassandre de mauvais augure, il n'a pas du tout décliné à 26 ans à la manière d'un Bjorn Borg, mais demeure plus que compétitif à 33 ans ? Les arguments ne manquent évidemment pas pour en faire le principal favori à sa propre succession. Contrairement à Novak Djokovic, il n'a pas eu à gérer une difficile transition entre le dur de l'US Open et la terre battue, en l'espace de trois semaines à peine. Il se prépare depuis le mois d'août à performer sur terre. Et n'allez pas croire qu'il soit lassé de gagner, même après tant de succès sur les quinze dernières années. Il l'a prouvé, encore et encore sur les derniers Grands Chelems, sa faim de titres ne tarit pas. Dans l'histoire du tennis, personne n'a joui d'un tel empire sur un seul et même Grand Chelem ; il ne compte pas le voir s'effondrer de sitôt, à rebours du temps qui passe et des générations qui naissent et meurent sous son règne.
Pourquoi le titre peut lui échapper :
Son unique tournoi de préparation ne s'est pas très bien passé. Après un impressionnant premier match contre Pablo Carreno-Busta (gagné 6-1, 6-1), le manque de compétition s'est fait sentir. Face à Dusan Lajovic un peu, contre Diego Schwartman surtout, ses coups ont manqué de longueur. Quoi de plus normal pour un joueur dont le dernier tournoi remontait au mois de mars à Acapulco ? Il reste cette once d'incertitude qui entoure tous les joueurs coupés dans leur élan par une saison plus que rabotée. Rafael Nadal, malgré son palmarès et son expérience, fait indéniablement partie de ceux-là.
Son tirage :
Idéal. Il avait besoin de premiers tours abordables pour lui donner du rythme, c'est exactement ce qu'il aura. Au premier tour, il affrontera Egor Gerasimov (83e), un Bélarus longtemps cantonné au circuit secondaire mais à la progression notable depuis un an. Rien toutefois qui puisse inquiéter, sur le papier, Rafael Nadal. Au 3e tour il pourrait rencontrer Kei Nishikori (en méforme) ou Dan Evans (mal à l'aise sur terre). Ça pourrait se corser en huitièmes de finale, si Fabio Fognini s'y met sérieusement. L'Italien a déjà battu Nadal à deux reprises sur terre. Ce sont ensuite Alexander Zverev puis Dominic Thiem qui l'attendent.
Novak Djokovic ♦♦♦♦
Pourquoi il peut le faire :
Si on enlève sa disqualification à l'US Open face à Pablo Carreno Busta en quarts de finale, Novak Djokovic en est cette année à 31 victoires et...zéro défaite. Même si on a du mal à en prendre la mesure en raison du contexte particulier des dernières semaines, le numéro un mondial est en plein dans une des (nombreuses) périodes fastes de sa carrière. Invaincu à la régulière, alors que l'on a tout de même joué quatre mois de compétition en cumulé. C'est immense. Pourquoi sa série s'arrêterait-elle là où il a gagné par le passé (une fois, en 2016), alors qu'il est le vainqueur de l'unique Masters 1000 de la saison sur terre battue, là où son grand rival s'est arrêté en quarts ? A l'abordage de ce Roland-Garros, le Serbe a une longueur d'avance sur tous ses adversaires. Il sera difficile d'aller le chercher.
Pourquoi le titre peut lui échapper :
Chez Novak Djokovic, tout (ou presque) se passe dans la tête. Les actes qui vont, à coup sûr, forger sa légende : ces innombrables balles de match sauvées on ne sait comment, ces grands matches qui sont devenus des matches historiques parce que, dans la tête, Djokovic est fait d'un autre bois. Et puis, il y a aussi ses fragilités. Son émotivité : Novak Djokovic ne peut rien cacher, et quand il est frustré, ça se voit à mille lieues. Cela s'est plus que vu à l'US Open, et ça lui a sans doute coûté son tournoi. Cela s'est aussi vu à Rome, où il a certes gagné, mais n'a pas cessé de fulminer dans sa barbe, de pester contre son camp. Pourquoi ? D'abord parce que son niveau de jeu est loin de lui convenir. "Je n'ai pas joué mon meilleur tennis", a-t-il admis après sa victoire romaine. Ça a suffi pour battre Diego Schwartzman en finale d'un Masters 1000. Cela suffira-t-il à surmonter un Nadal en pleine bourre après six matchs gagnés, en finale ?
Son tirage :
Le grand public découvrira un nouveau visage, mais Mikael Ymer, plus encore que son frère Elias, a déjà sa petite réputation sur le circuit. Un talent de 22 ans, qui tarde un peu à éclore. Va-t-il le faire face à Djokovic au 1er tour de ce Roland-Garros ? Très peu probable. Le Serbe a également bénéficié d'un très bon tirage : après Ymer, le premier danger s'appelle Hubert Hurkacz au 3e tour, puis Karen Khachanov en huitièmes. Rien de bien terrien. A moins qu'Ugo Humbert, en pleine bourre en ce moment, ne fasse son trou et défie Djokovic en huitièmes ? Ce sera ensuite Matteo Berrettini, ou Roberto Bautista Agut en quarts. Puis Daniil Medevedev, Stefanos Tsitsipas ou Andrey Rublev en demi-finales.
Dominic Thiem ♦♦♦♦
Pourquoi il peut le faire :
Oui, Dominic Thiem a gagné le droit de figurer aux côtés des deux premiers monstres cités. Après trois finales de Grand Chelem perdues, il est enfin aller chercher cette première couronne qui lui tendait les bras depuis deux saisons. Thiem a réussi là où la génération Dimitrov/Raonic/Nishikori a échoué : sortir de l'ombre du "Big Three". Il semble aussi capable, de par son âge et sa régularité ces derniers mois, d'aller au-delà des coups d'éclats sporadiques des Stan Wawrinka/Andy Murray. Et peut-être d'inaugurer une nouvelle ère de domination ? Cela, les prochains Grands Chelems le diront. A commencer par celui-ci, puisque c'est sur terre, à Roland-Garros, que son jeu tout en puissance s'exprime le mieux.
Pourquoi le titre peut lui échapper :
Son choix de faire l'impasse sur la mini-préparation qui s'offrait aux joueurs avant Roland-Garros était-il le bon ? L'Autrichien l'avait assuré dans la foulée de son titre à New York : "J'ai besoin de souffler après ce titre. Je suis sûr que je serai prêt à 100% pour Roland-Garros". Il n'y a qu'à voir les prestations des quelques cadors qui se sont rendus à Rome dans la foulée de l'US Open. Tsitsipas, Goffin, ou Medvedev (à Hambourg) ont plus que balbutié leur tennis pour leur premier match sur terre après plusieurs semaines de ciment américain. Certes, Thiem est arrivé tôt à Paris pour s'entraîner dur et s'habituer à la surface. Mais cela sera-t-il suffisant ?
Son tirage :
Sur le papier, l'Autrichien a écopé d'un tableau monstrueux puisqu'il n'aura, a priori, aucun répit. Il affronte Marin Cilic au premier tour, plus très en forme mais tout de même ancien vainqueur de Grand Chelem. Avec son service, Reilly Opelka, au 2e tour, n'est jamais facile à manoeuvrer. Puis devrait avoir lieu l'un des chocs du 3e tour, entre lui et Casper Ruud, l'un des meilleurs joueurs des tournois de préparation sur terre. Le Norvégien est un vrai terrien, et pourrait inquiéter un Thiem en manque de repères sur la surface. Son chemin de croix ne s'arrête pas là, puisqu'il pourrait ferrailler avec Stan Wawrinka, Andy Murray ou Félix Auger-Aliassime.
Ils pourraient avoir leur mot à dire
Stefanos Tsitsipas ♦♦
Pourquoi il peut le faire :
Le Grec n'a pas forcément l'attirail classique du joueur de terre, ce n'en est pas moins un redoutable prétendant dès que la balle se pare d'ocre. Pour preuve : l'an dernier, saison de son accession au plus haut niveau, il avait réalisé des tournois de rêve au printemps. Titre à Estoril, finale à Madrid avec victoire sur Nadal en prime, demi-finale à Rome. Son jeu, habituellement basé sur l'attaque, s'adapte très bien aux filières longues de la terre battue. Et puis, il y a ce match, peut-être le plus beau de sa jeune carrière, sans doute le meilleur de l'édition 2019, face à Stan Wawrinka, perdu au bout du 5ème set. Un jeune de 21 ans capable d'un tel chef-d'oeuvre sur le Chatrier, ne peut que faire partie des trouble-fête potentiels.
Pourquoi il n'est pas favori :
Malheureusement, depuis sa demi-finale surprise à l'Open d'Australie en 2019, le Grec n'arrive plus à passer le pallier en Grand Chelem. Pire, ce huitième de finale à Roland-Garros est son meilleur résultat depuis. Il a ensuite fait 1er tour à Wimbledon, 1er tour à l'US Open, 3e tour à l'Open d'Australie et 3e tour lors du dernier US Open. Souvent, il s'incline après des matchs âprement disputés. Et, sachant que dans le même temps, il s'est confortablement installé parmi les meilleurs mondiaux (6e) et s'est même permis d'aller glaner son premier Masters fin 2019, la théorie du blocage en Grand Chelem n'est pas si farfelue.
Son tirage :
Pablo Cuevas, qui revient en bonne forme, et Filip Krajinovic, de plus en plus solide depuis deux ans, ne sont pas des cadeaux pour le Grec jusqu'au 3e tour. Il faudra ensuite qu'il se débarrasse de Denis Shapovalov ou de Grigor Dimitrov, puis de Rublev, Lajovic (attention au Serbe) ou de Medvedev. En un mot, tout comme Thiem, Tsitsipas n'a pas hérité d'un quart de tableau de tout repos.
Alexander Zverev ♦♦
Pourquoi il peut le faire :
Mine de rien, Alexander Zverev sur terre battue, c'est cinq titres ATP en trois ans. Depuis 2017, derrière Nadal, Djokovic et Thiem, c'est le quatrième homme. Rappelez-vous, en 2018, il avait enchaîné victoire à Munich, victoire à Madrid, et finale à Rome. Avec, au passage, une défaite face au roi Rafael Nadal, mais non sans lui avoir chipé un set. Avec ses grands segments, l'Allemand apprécie le temps que lui donne la terre battue pour préparer ses coups de fond de court. Et mis à part son service, toute sa palette technique se base sur un jeu de contre. Il aime se tenir loin de sa ligne, et distribuer. Compte tenu de ses capacités de déplacement hors-normes pour un joueur de sa taille, Roland-Garros pourrait même représenter la meilleure opportunité de Zverev pour ouvrir son compteur en Grand Chelem. Et sa première finale, à New York il y a trois semaines, pourrait bien en être le tremplin.
Pourquoi il n'est pas favori :
D'abord, justement, à cause de cette finale à l'US Open, et de ce calendrier ATP réduit. L'Allemand a fait le choix, comme Thiem, de faire l'impasse sur Rome et Hambourg. Sauf que ce dernier a de bien meilleures références que Zverev sur ocre. Sera-t-il capable de se mettre tout de suite dans le bain ? Alexander Zverev pourrait également voir le spectre des dernières éditions ressurgir, particulièrement celui de la saison 2018, où tout le monde l'annonçait comme le véritable danger pour Nadal et Djokovic...et où il a littéralement explosé contre Dominic Thiem en quarts (6-4, 6-2, 6-1). Malgré ses deux quarts de finale (2018, 2019), il n'a d'ailleurs aucun match référence à Roland-Garros. A chaque fois qu'il a eu face à lui l'un des meilleurs (Thiem en 2018, Djokovic en 2019), il s'est écroulé.
Son tirage :
Comme lors des deux dernières éditions, Alexander Zverev a été plutôt verni pour sa première semaine. Avec Alex de Minaur comme danger majeur jusqu'au 3e tour, voire David Goffin ou Jannik Sinner jusqu'en huitièmes, il peut voir venir. C'est après que cela se corse (beaucoup) : un certain Rafael Nadal devrait l'attendre de pied ferme en quart de finale. Le grand écart est immense. Comme en 2018 et 2019...
Daniil Medvedev ♦
Pourquoi il peut le faire :
Daniil Medvedev a véritablement changé de catégorie l'été dernier, avec sa tournée américaine monumentale, ponctuée par une finale non moins impressionnante, pendant laquelle il a tancé Rafael Nadal comme aucun jeune ne l'avait fait jusqu'ici en Grand Chelem. Ce jour-là, il a montré qu'il avait la victoire en Grand Chelem dans sa raquette, et dans la tête, peut-être même un poil plus que tous ses compères de la "NextGen". Depuis, il ne peut que faire partie des prétendants à la victoire. En plus il avait prouvé l'an dernier qu'il pouvait aussi bien jouer sur terre battue, avec une demi-finale à Monte-Carlo, et une finale à Barcelone.
Pourquoi il n'est pas favori :
C'est assez simple : un joueur qui n'a jamais gagné un match à Roland-Garros ne peut être considéré comme favori, tout numéro 4 mondial qu'il soit. Daniil Medvedev manque d'expérience sur cette surface, c'est indéniable, et s'il est parvenu à adapter son jeu aux conditions, son déplacement reste un poil moins précis que sur dur. Il pourra toujours compter sur son remarquable sens de l'anticipation et sur sa lecture de jeu pour exceller dans son domaine, le contre. Mais il reste, à ce jour, largement moins dangereux à Paris qu'à New York par exemple.
Son tirage :
Il aura le temps de voir venir jusqu'en huitièmes de finale. Marton Fucsovics, au 1er tour, est un joueur très solide, mais beaucoup plus dangereux sur dur que sur terre. Tout comme Nikoloz Basilashvili, qu'il pourrait rencontrer au 3e tour si celui-ci passe l'obstacle Thiago Monteiro lors de son premier match. En huitièmes en revanche, Medvedev devra remontrer le visage qui lui avait permis d'atteindre la finale à Barcelone l'an dernier : il pourrait y affronter son compatriote, Andrey Rublev, ou Dusan Lajovic, un autre Serbe en forme. Ce sera un palier supplémentaire en quart, face à Tsitsipas, Shapovalov ou Krajinovic.
Et pour une surprise...
Diego Schwartzman
L'Argentin reste sur la victoire et le tournoi de sa carrière, à Rome il y a une semaine, où il a battu Rafael Nadal en deux sets avant de rallier la finale. Sa première en Masters 1000. Diego Schwartzman sera donc porté par sa confiance. Le tirage au sort a fait le reste : à part un premier tour très piégeux face à Miomir Kecmanovic, la principale tête de série jusqu'en huitièmes de finale sera...Gaël Monfils, apparu hors de forme à Rome et à Hambourg. Il pourrait arriver en boulet de canon en quarts, où l'attendra Dominic Thiem. Pour un nouvel exploit ?
Denis Shapovalov
Cela pourrait en surprendre plus d'un, sachant que le Canadien n'a jamais fait mieux qu'un 2e tour Porte d'Auteuil, et qu'il n'a pas franchement le jeu d'un terrien. Mais Shapovalov est sur une très bonne dynamique. Il a atteint ses premiers quarts de finale en Grand Chelem, à New York. Surtout, il a réalisé un très beau Masters 1000 à Rome, en atteignant les demi-finales. Il a perdu face Diego Schwartzman ce qui restera comme l'un des plus beaux matchs en trois sets de la saison (3h20 d'une magnifique opposition de style). Son statut de tête de série numéro 9 lui permettra de monter en puissance dans le tableau. Son jeu, tout en panache et en fulgurances, peut donner du fil à retordre à n'importe quel spécialiste, surtout lorsque le Canadien jouit d'une telle confiance. Gare à Shapo !
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