Roland-Garros : Leylah Annie Fernandez, la nouvelle promesse du tennis canadien couronnée chez les juniors
"C’est une grande matcheuse." Louis Borfiga, vice-président du développement de l'élite à Tennis Canada, a rapidement pointé du doigt la principale qualité de Leylah Annie Fernandez. Et le parcours de la Canadienne à Paris ne fait que confirmer l'affirmation du technicien: 6 matches, 6 victoires, pas un seul set perdu, 1h34 au maximum sur le terrain (au 1er tour victoire 7-5, 6-3) et au minimum 42 minutes (contre la Française Jacquemod 6-0, 6-0 en quarts de finale), et un premier sacre en Grand Chelem. Pour la jeune fille de 16 ans (elle fêtera ses 17 ans en octobre), Roland-Garros a été une belle consécration.
Même la finale n'a pas semblé lui poser plus de problèmes que cela: l'Américaine Emma Navarro a été balayée en 1h25 6-3, 6-2. "Cette année, mon objectif était de remporter un tournoi du Grand Chelem juniors", reconnaissait-elle après sa victoire. "Je suis passée tout près à l'Open d'Australie. Et j'était très heureuse d'avoir une nouvelle opportunité de pouvoir le faire ici à Roland-Garros. Et de le faire."
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"C’est une joueuse très intéressante", souligne Louis Borfiga. "Elle a un jeu assez complet. Elle manque un peu de puissance car elle n’est pas très grande. Elle est encore jeune, même pas 17 ans. Je suis assez confiant qu’elle peut faire une carrière. Elle progresse régulièrement, ce qui est bien." Née à Montréal d'un père Equatorien arrivé très jeune à Montréal et d'une mère native de Toronto mais dont les parents sont Philipins, elle a une soeur de 15 ans qui joue également au tennis chez les juniors.
Un nouveau nom canadien au palmarès des Majeurs juniors
Ses 17 ans, elle les fêtera en octobre prochain. En s'imposant à Roland-Garros après avoir été finaliste à Melbourne en début d'année, Leylah Annie Fernandez s'est placée sur un chemin doré. Avant elle, des Martina Hingis (double vainqueur), Justine Henin, Simona Halep ou Elina Svitolina ont soulevé ce trophée. Mais surtout, elle poursuit une montée en puissance du tennis canadien dans cette catégorie, premier étage d'une fusée qui amène au plus haut chez les seniors. Jusqu'à 2012, le Canada n'avait jamais remporté le moindre titre du Grand Chelem chez les juniors. Cette année là, Eugénie Bouchard s'était imposée à Wimbledon, en même temps que Filip Peliwo, qui avait ensuite doublé la mise à l'US Open.
Depuis, Denis Shapovalov et Felix Auger-Aliassime ont inscrit leur nom en 2016 respectivement à Wimbledon et l'US Open. Aujourd'hui, sur le circuit masculin senior, ils sont trois dans le Top 30, dont deux de moins de 20 ans: Milos Raonic (18e), Denis Shapovalov (24e) et Felix Auger-Aliassime (22e). Sur le circuit féminin senior, Bianca Andreescu (18 ans) est 23e, alors qu'Eugénie Bouchard (25 ans) est 77e après avoir atteint le dernier carré des trois premiers tournois du Grand Chelem en 2014, et même la finale à Wimbledon.
Pour Louis Borfiga, tous ces joueurs ont un point commun: "L’ambition et l’envie de réussir, et la confiance en eux. Ils ne se fixent pas de limites." Après avoir mené plusieurs générations au plus haut niveau, comme Fabrice Santoro, Gilles Simon, Jo-Wilfried Tsonga et autres Gaël Monfils (celui-ci au petit Chelem avec des victoires en Australie, Roland-Garros et Wimbledon en 2004), le technicien ne donne pas de leçon, et n'affiche pas de certitudes absolues.
"Ceux qui disent 'moi je savais', ils ne sont pas très honnêtes", estime-t-il. "Evidemment, il peut y avoir de gros potentiels, comme Nadal à 16 ans, ou Richard Gasquet, c’est évident. Mais certains sont de bonnes surprises. C’est pour ça qu’il ne faut pas trop restreindre l’élite. Moi, la plus belle surprise, c’est Gilles Simon, qui a été Top 10. Je l’ai entraîné entre 15 et 19 ans, et si j’avais confiance en lui, je n’aurais jamais imaginé qu’il aurait atteint le Top 10."
Quand il découvre Raonic, on lui dit qu'il n'a pas de mental
Installé depuis 2006 au Canada, il a mis ses connaissances et son oeil au service du tennis canadien. C'est ainsi qu'il a découvert Milos Raonic. "Cela faisait un mois que j'étais arrivé", se souvient-il. "Il y avait un championnat national des 18 ans, et lui n'avait que 16 ans. Il jouait la consolation, car il avait un problème à son bras gauche qui l'empêchait de faire un revers à deux mains. Je le trouvais intéressant, mais quand j'en parle autour de moi, on me répond qu'il n'a pas de mental. C’était archi-faux. Quand je l’ai connu, il était simplement comme tous les gamins : parfois il pouvait moins bien jouer et s’énerver. Physiquement, il était plutôt maigrelet. Il avait une bonne technique de service. La balle partait bien de la raquette. Je l’ai gardé dans un coin de ma tête et je l’ai suivi.
Quand il est arrivé au centre, on voyait qu’il devait faire un gros travail physique, il manquait d’expérience parce qu’il avait fait peu de tournois à l’étranger. On l'a fait beaucoup travailler sur terre battue pour consolider son jeu. Pour être honnête, à 17-18 ans, on pensait qu’être déjà parmi les 100 premiers serait bien. Et encore, il lui faudrait beaucoup de temps. Finalement, il a explosé. A 19-20 ans il était dans le Top 20."
L'imprévisibilité, c'est également ce qui a accompagné Denis Shapovalov, aujourd'hui 24e mondial, et vainqueur de Wimbledon juniors en 2016. "Il était basé à Toronto dans notre programme des 12 ans", se souvient Borfiga. "Il a choisi une autre voie en sortant du centre pour s’entraîneur avec quelqu’un à Toronto jusqu’à ses 17 ans. A 18 ans, il a intégré notre programme de transition avec Martin Laurandeau. On ne pouvait pas prévoir ce qui allait se passer. Il ne manquait pas grand-chose. Il avait un jeu offensif, qui était bien, mais qui lui faisait commettre logiquement des fautes, mais c’était normal. C'était bien. A 15-16 ans, sa balle avançait très vite. Ensuite, il a réussi à mettre son jeu en place à 17-18 ans."
Bouchard, Andreescu et Auger-Aliassime, une évolution plus attendues
En revanche, pour les autres, l'évolution a été plus claire. "Eugénie Bouchard jouait déjà bien à 14 ans. Elle faisait partie des meilleures. Elle a progressé régulièrement jusqu’à ses exploits. Sa base de jeu était solide. Coup droit et revers, c’était solide. Elle était sérieuse et motivée", souligne Louis Borfiga. "Felix (Auger-Aliassime), on le connaissait dès les 7-8 ans, à Montréal. Il est rentré à 14 ans au centre national. On a fait une exception pour lui." Pour Bianca Andreescu, "je savais allait être une super joueuse. Elle a beaucoup de facettes, de talent. Mais je n’aurais pu prédire que cela se passerait à 18 ans et demi."
Désormais, le Canada et le monde du tennis va apprendre à connaître une nouvelle perle Leylah Annie Fernandez.
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