Roland-Garros : La valse virevoltante des numéros 1 mondiales
Reine du tennis féminin pendant plus de quinze ans, Serena Williams est la dernière des championnes en date à s'être durablement imposée en tant que numéro 1 mondiale, en dominant à la fois le classement WTA ainsi que les tournois du Grand Chelem. Si elle a écarté la concurrence autour d'elle pendant plus d'une décennie, personne depuis deux ans environ - elle a accouché d'une petite fille en septembre 2017 - n'a vraiment repris le flambeau de l'Américaine.
“Même si la numéro 1 mondiale change régulièrement, on observe malgré tout que le top 10 reste, lui, plutôt stable. Celles qui le composent (Osaka, Halep, Kerber, Kvitova, Pliskova, Svitolina etc.) sont toutes proches les unes des autres, et c'est pour ça que la place de numéro 1 mondiale bouge autant”, nous détaille Caroline Martin, maître de conférences à l'Université de Rennes 2 et spécialiste de l'analyse biomécanique du mouvement sportif au laboratoire “Mouvement, Sport, Santé” (M2S) de l'École normale supérieure (ENS) de Rennes. Une analyse qui se confirme au regard du classement de la numéro 1 et de la numéro 2 mondiale : Simona Halep talonne Naomi Osaka, qui ne possède que 200 points d'avance sur sa dauphine.
Les prétendantes à la couronne de numéro 1 sont nombreuses et la concurrence est internationale. Cette augmentation du nombre de potentielles championnes a été favorisée par un niveau de jeu plus homogène, ce qui permet alors une ouverture plus large à chaque début de tournoi. “Il y a une vraie qualité de jeu chez les femmes aujourd'hui. Le niveau s'est amélioré, s'est élevé et est devenu plus homogène, relève pour francetvsport Caroline Martin. D'ailleurs, il est possible que ce soit une inconnue qui remporte Roland-Garros cette année, comme on a pu le voir en 2017, avec Jeļena Ostapenko. Un phénomène en revanche impossible chez les hommes.”
Un turn over dans les tournois du Grand Chelem
D'ailleurs, le turn over n'est pas visible que dans le classement WTA. En effet, l'irrégularité s'observe aussi dans les Masters 1000 et tournois du Grand Chelem, dont les gagnantes de ces tournois majeurs sont rarement deux fois identiques. En ne prenant que les trois dernières années, une seule championne s'offre deux titres du Grand Chelem la même année : il s'agit d'Angélique Kerber à l'US Open et l'Open d'Australie en 2016. Naomi Osaka, elle, rafle les deux derniers tournois du Grand Chelem, l'US Open 2018 et l'Open d'Australie 2019.
“Depuis trente ou quarante ans, il y a toujours eu un joueur ou une joueuse, ou même un duel, qui dominait la discipline”, ajoute encore la chercheuse Caroline Martin. En effet, depuis les prémices du classement WTA, l'accession au trône a bien évolué. Entre 1970 et 2000, cinq joueuses, tout au plus, dominaient le classement. Et à chacune sa décennie : Chris Evert et Martina Navrátilová se sont partagé cette place entre la fin des années 1970 et les années 1980, puis les années 1990 ont succombé à la domination Steffi Graf. Les dix ans qui suivent ne font pas éclore une nouvelle championne et elles sont une dizaine à monter sur la première marche du podium à tour de rôle.
Il faut attendre l'aube des années 2010 pour retrouver une stabilité avec Serena Williams, qui devient pour la première fois numéro 1 mondiale en 2002, avant de le redevenir en 2009, puis de 2013 à 2015. Elle restera d'ailleurs 186 semaines consécutives à la place de numéro 1.
Phase de transition avant la naissance d'un champion
“La valse des numéros 1 mondiales correspond à un temps d'attente jusqu'au moment où une championne va naître”, observe Patrick Clastres, historien du sport et professeur à l'Université de Lausanne. En d'autres termes, entre chaque grand(e) champion(ne) une période de transition s'installe afin de faire émerger un nouveau talent. “Chez les hommes aussi, il y a eu une période de transition avant l'arrivée de Rafael Nadal, Roger Federer et Novak Djokovic. Et depuis, cela fait plus de dix ans qu'ils imposent leur domination sur le circuit”, développe Caroline Martin.
Une autre cause à ce jeu de chaise musicale ? Caroline Martin avance une dernière explication. “De plus en plus de femmes ont des enfants pendant leur carrière. Les hommes aussi mais les contraintes ne sont pas les mêmes.”
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