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Roland-Garros : En quoi le choix des balles est-il si important ?

A peine la quinzaine de Roland-Garros commencée, une petite polémique s’est invitée à Roland-Garros. Cette année, le Grand chelem parisien a un nouveau fournisseur de balles. Wilson remplace ainsi Babolat, partenaire depuis 2011. Mais ces nouvelles balles n’ont pas plu à certains joueurs, comme Rafael Nadal, qui a notamment critiqué leur lourdeur. Alors polémique de stars ou réel impact sur le terrain ? Eléments de réponse.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Roland-Garros a noué un nouveau partenariat pour les balles de son Grand Chelem avec Wilson pour cinq ans.  (THOMAS SAMSON / AFP)

Deux jours avant le début de la quinzaine, les nouvelles balles choisies par les organisateurs de Roland-Garros faisaient déjà parler. Sous contrat avec Babolat depuis 2011, ils ont désormais signé pour cinq ans avec Wilson. Et c’est Rafael Nadal qui le premier a exprimé son mécontentement. "Ce ne sont pas les bonnes balles pour jouer sur terre battue", s'inquiétait le 25 septembre le Majorquin en quête de son 13e grand Chelem porte d’Auteuil. D’autres joueurs ont eux aussi donné leur avis sur cet équipement qui n’a jamais autant fait parler de lui que cette année. Elliot Benchetrit indiquait lui aussi que ces balles n’étaient pas “du tout adaptées à la surface", quand Benoît Paire estimait lui que “ce ne sont pas les meilleures balles pour jouer avec ces conditions", comprenez la météo froide et humide. Novak Djokovic, plus tempéré, a déclaré : “Je suis d’accord, les balles sont lourdes. Nous sommes en octobre, il fait très froid et la terre battue est lourde et humide. Il est difficile de dire si la balle est lourde de nature ou si c’est le fait de jouer dans ces conditions particulières."

Mais certains sont au contraire davantage satisfaits de cette nouveauté. "Ce sont des balles Wilson, c'est parfait pour moi, puisque c'est ma marque. Elle ne pose pas de problème", affirmait Petra Kvitova. Stan Wawrinka, a lui aussi évoqué ses bonnes sensations : "Je pense que c'est un changement pour tout le monde. C'est clair que des conditions lentes avec des balles assez lourdes en général c'est quelque chose qui me convient assez bien dans mon jeu parce que je peux rester agressif, je peux jouer lourd quand même." L'ancien N.1 mondial de tennis fauteuil Stéphane Houdet n'a, quant à lui, tout simplement senti aucune différence. “Pour être honnête, quand j'ai joué ici avec la première fois il y a 15 jours, j'étais très surpris car je savais que l'équipementier changeait, et je me suis dit 'tiens, ils ont juste changé le logo cette année, et ils ont réussi à imiter les balles précédentes'”. 

Les organisateurs se défendent 

Face à ces multiples remarques, Guy Forget a tenu à éteindre l’incendie, ce mardi en conférence de presse. D’abord en rappelant que les balles choisies par les organisateurs étaient bien faites pour la terre battue. “En tant que directeur de tournoi, je n’ai aucun doute sur la qualité de cette balle, c’est une très bonne balle.” Il a d’ailleurs précisé que les conditions climatiques n’étaient pas étrangères à cette sensation de lourdeur dénoncées par des joueurs. “Avec les conditions climatiques actuelles, tout le monde fait des modifications, c’est le charme du jeu, il faut s’adapter en permanence. La balle est bonne, les conditions sont particulières, la terre battue est lourde, chargée”, a-t-il précisé.   

"Vous vous doutez de bien que quand Roland-Garros décide de changer de balle, c’est un processus particulièrement complexe car on veut que la balle réponde à tous les critères"

Ensuite, le directeur du tournoi, a expliqué plus largement le processus de ce changement de balle, qui a commencé il y a presque un an. “Wilson, qui est le fournisseur de balles à l’US Open n’a plus ses preuves à faire. Vous vous doutez de bien que quand Roland-Garros décide de changer de balle, c’est un processus particulièrement complexe car on veut que la balle réponde à tous les critères. Wilson nous a préparé cinq types de balles différentes. Elles ont été, au fil des essais, améliorées pour répondre à nos critères. Elles ont joué en coupe Davis, des challengers, à Strasbourg la semaine dernière. L’ensemble des joueurs ont pu l’essayer sur plusieurs semaines en continu", a poursuivi Guy Forget.  

L’impact notable de la météo 

Alors, au-delà des commentaires des joueurs, l’impact de la balle est-il si important dans le jeu ? Il faut rappeler que oui, les balles de tennis s’usent rapidement et qu’il est nécessaire de les changer régulièrement. “A un moment donné, elles n’ont plus le même rendement, c’est pour ça qu’on les change régulièrement après X jeux. Et servir avec des balles neuves a un impact car elles vont mieux répondre que quand elles sont usées, qu'elles ont pris l'eau, l’humidité et la terre battue collante”, explique Justine Hénin, vainqueur de sept Grand chelem. “Dans la réalité, je pense que la variation possible est de 1 ou 2 gramme(s), ajoute notre consultant Stéphane Houdet. Et on le sent aussi dans la pluche de la balle. Des balles qui pluchent un peu plus vont nous donner la sensation qu'elles sont un peu plus lourdes”. 

Mais quel impact a réellement ces nouvelles balles sur le jeu ? Sont-elles véritablement plus lourdes ? Pour Inès Lagdiri, journaliste et commentatrice pour France tv sport, il est vrai que les balles utilisées cette année son plus lourdes que d’habitude. Mais ce qui importe davantage que la marque, est bien la météo. "Avec la pluie, les balles se gorgent d’eau rapidement et deviennent encore plus lourdes. C’est peut-être plus les conditions météo, le froid et l’humidité, qui font que les balles sont plus lourdes plutôt que la marque", estime-t-elle.   

Un avis partagé par Justine Hénin, consultante de France Télévisions pour Roland-Garros. “Il y a apparemment un changement avec ces nouvelles balles, qui pourraient être moins vives. Je reste persuadée que ces balles sont de très bonne qualité. On voit du beau tennis, des joueurs qui font avancer la balle, je n’ai pas vu de problématique. Maintenant est-ce que ce type de balle est moins vif et qu'elle rebondit moins ? Ça peut être la balle oui, mais les conditions météo ont aussi un impact, elles sont très compliquées cette année, détaille-t-elle. On le voit sur terre battue, la balle va devenir parfois un peu plus lourde car la terre va venir s'imprégner sur la balle. Et avec la terre battue collante, l'humidité, tout ça change la donne c'est sûr. Ce sont des paramètres importants.”

Plus que la balle seule, d’autres facteurs interviennent aussi dans les ressentis. “C’est aussi une combinaison de facteur. La raquette, le cordage, la tension du cordage, la balle, tous ces paramètres peuvent avoir impact”, nuance encore Justine Hénin

Des conséquences sur les articulations ?

Plus que leur poids, Rafael Nadal a aussi dénoncé le fait qu'elles seraient "dangereuses pour les épaules et les coudes". "Avec des balles plus lourdes, les joueurs ont plus de mal à les faire avancer. Donc c’est plus dur pour les articulations car quand les joueurs enchaînent plusieurs matchs de 3 ou 4 heures, cela peut provoquer à termes, des tendinites", confirme Inès Lagdiri. Mais pour Justine Hénin, cet effet est à nuancer.  “On parle beaucoup des poignets sur ce sujet-là. A une certaine époque, je pense que cela pouvait arriver mais aujourd’hui les balles ont beaucoup évolué. Nos corps sont habitués, entraînés, donc il faudrait un grand problème au niveau de la balle pour que cela joue”, analyse Justine Hénin.  

“On aurait eu une très belle météo avec des terrains secs, je pense qu'on n’en ferait pas la même histoire”

Si les critiques de Rafael Nadal peuvent se justifier, il faut toutefois noter que le numéro 2 mondial et multiple champion à Roland-Garros est sous contrat avec Babolat, concurrent de Wilson. "Il y a une polémique sur ce sujet car c'est Rafa qui en a parlé. Sinon cette histoire serait un peu passée inaperçue. Je trouve que lundi, sa balle sortait plutôt pas mal de la raquette et c'est la même chose pour tout le monde”, constate Justine Hénin, quadruple vainqueur de Roland-Garros. “On aurait eu une très belle météo avec des terrains secs, je pense qu'on n’en ferait pas la même histoire”, ajoute-t-elle. Pour Stéphane Houdet, il s’agit aussi d’une histoire d'équipementier. “Ca me parait difficile d’avoir un discours dans la presse des joueurs qui serait 'cette nouvelle balle est fantastique', alors qu'ils jouent pour d'autres équipementiers". Bien sûr, ce sujet à fait couler de l’encre tant les avis de chacun sont divergents, et il parait difficile que l’ensemble des joueurs, avec leurs habitudes et leurs références, s’accordent sur un tel équipement. Mais Guy Forget veut passer à autre chose, après plusieurs jours sur ce sujet. “Je pense que la balle a peut-être le moins d’importance dans tout ce qu’on va assister à Roland-Garros", conclut-il. Nous verrons à la fin de la quinzaine si les joueurs s'en accommodent ou non. 

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