Robert, l'exploit au naturel
Combien de fois Stéphane Robert a-t-il porté son index droit à la bouche, avant de lever la tête vers le ciel ? Pendant 3h23, le calcul est trop long avec ce "créma bisou". Et cela en dit long sur sa performance. "C'est pour remercier Dame Nature de m'avoir permis de faire de beaux coups", nous confiait-il la semaine dernière, lors de son parcours rayonnant dans les qualifications. Et avec lui, le naturel est souriant, et même désarmant. Avec sa casquette rapiécée, sa barbe et ses cheveux qui bouclent en-dessous de son couvre-chef fétiche, le 140e mondial a souvent décontenancé Tomas Berdych lors de ce 1er tour. Pas toujours très précis dans son jeu de jambes, souvent mal placé, parfois en retard, il ne faisait pas forcément dans le beau, mais plus dans l'efficace, avec sa spécialité en prime: le retour de service amorti. Et pour le troisième match de sa carrière dans le tableau final de Roland-Garros, c'était là l'essentiel. Après deux premières manches perdues 6-3, 6-3, l'un des quatre Français issus des qualifications s'est probablement souvenu de sa promesse de début d'année, qu'il résume ainsi: "Depuis le début de la saison, je fais les choses qui me font plaisir. Je n'ai pas de pression particulière car je sais que je donne le meilleur. Je tente, cela peut aller n'importe où mais ce n'est pas grave. Il y a tout le temps de la pression, mais à moi d'en faire abstraction et de trouver le meilleur moyen de communiquer avec moi-même."
Mené deux sets à zéro après 1h01 de match, la pression de passer à côté d'une belle performance ne l'a pas rattrapé. Sans jamais s'emballer malgré le score qui défilait à son avantage, il a fait monter la température déjà caniculaire sur le court N.2, un endroit qui n'avait pas réussi à Berdych dans un passé pas si lointain. C'est ici que Michael Llodra l'avait éliminé au 2e tour en 2008. Et face à un joueur décomplexé et soutenu par un public totalement acquis au Français, la tête de série N.6, demi-finaliste ici-même l'an dernier, le Tchèque a parfois semblé perdre le fil de son jeu, le fil de l'histoire, perdant beaucoup de sa patience et de sa lucidité pour accumuler des fautes que son adversaire mettait à profit. Il est vrai que cette enceinte permet au public d'être tout près du terrain, rendant les pancartes publicitaires idéalement placées pour frapper dessus. Dans cette chaude ambiance, le Montargeais a raté une occasion en or, au début du cinquième set, en ne transformant pas l'une des balles de break obtenues lors du cinquième jeu. Du coup, le Tchèque était le premier à faire la différence (4-2), mais cet envol était remis en cause par quelques passing-shots assassins et surtout une dernière double-faute offrant le break au Français (4-3). Et il devait encore sauver une balle de match à (4-5) pour prolonger le plaisir, prolonger le suspense. Et sur un monstrueux revers le long de la ligne, il obtenait à son tour une balle de break, effacée par le Tchèque ce qui n'empêchait pas le Français de s'en procurer une nouvelle au point suivant et la transformer d'une formidable attaque de coup droit. A 8-7, il sevrait donc pour le match, et ne le laissait pas s'échapper sur un service gagnant pour conclure sa plus belle performance en carrière. Lors du 2e tour des qualifications, il rigolait face à l'engouement des jeunes pour lui. Sur le court N.2, les jeunes n'étaient plus seuls, et la communion totale. L'idéal pour profiter d'un moment rare, à l'âge de 31 ans. "J'ai joué comme en qualifs. J'ai joué mon meilleur match, mon meilleur tennis", résumait-il. "J'étais en réussite, et j'avais tout le monde derrière moi. A un moment, j'ai senti que j'allais gagner sur ce coup droit où je casse une corde mais qui reste sur la ligne. Je me préparais mentalement pour faire un gros match. J'ai effacé tous mes mauvais souvenirs de Roland depuis une semaine."
En ayant décidé de se séparer de son entraîneurs depuis dix ans (Ronan Lafaix) pour mieux être autonome, Stéphane Robert avait fait le choix de ne plus s'astreindre au rythme du circuit principal, dans lequel "je ne me sentais plus à l'aise", pour privilégier les Challengeurs. Moins de pression de résultat, et c'est à ce moment-là qu'il a connu quelques-unes de ses meilleures performances, sortant cette année pour la première fois de sa carrière des qualifications en Australie (pour chuter en quatre sets accrochés contre Almagro) pour faire de même à Roland-Garros. Et pour la deuxième fois de sa carrière après l'Open d'Australie en 2010, il accède au deuxième tour d'un tournoi du Grand Chelem. Pour affronter Fabio Fognini contre lequel "il ne faudra pas que j'attende d'être mené deux sets à zéro pour me mettre à jouer". Et quand on lui demande quelle chose le rend le plus heureux, entre avoir remporté son premier match dans le tableau final ici, battre son premier Top 10, se qualifier pour le 2e tour, il répond, simplement: "Rien de tout ça. Je suis surtout content d'avoir gagné devant mes copains, ma famille."
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