Robert Herbin : dernière lettre au Sphinx, par Alain Vernon
"Cher Robert Herbin,
Je n’avais que 5 ans lorsque vous avez intégré l’équipe de France pour la première fois contre la Yougoslavie en 1960. Mais votre style de jeu fascinait déjà mon père. Toujours au bon endroit, au milieu de terrain pour ratisser les ballons, relancer, sans rictus de fatigue, avec calme et détermination. Plus tard comme journaliste, j’ai compris la qualité de vos entraînements chez les professionnels qui vous valurent 23 sélections internationales de 1960 à 1968 dont cinq matches comme capitaine des Bleus. Cette omniprésence pour enrayer les attaques adverses et aussi cette précision dans votre jeu de tête. Vous étiez impressionnant .
À la Coupe du Monde 1966 en Angleterre, milieu ou libéro, vous étiez l’opposé du style trop défensif imposé par le trio d’entraîneurs Guérin-Jasseron-Domergue. Le “ béton “ pratiqué contre le Mexique et l’Uruguay, a plombé le parcours des Bleus, éliminés ensuite (2-0) à Wembley par l’Angleterre de Bobby Charlton, future championne du monde. Dommage qu’une blessure au genou ait brisé votre trajectoire internationale...
Vous aimiez la flamboyance comme en atteste votre parcours chez les Verts dès 1972-73, lorsque vous succédez au légendaire Albert Batteux. En dix ans , sous votre règne, c’est la conquête de quatre titres de champion de France pour St Etienne, trois Coupes de France et cette inoubliable épopée européenne jusqu’à la finale des Clubs Champions, perdue contre le Bayern Munich, à Glasgow, en mai 1976...
Ce qui me fascinait chez vous, c’était la même chose qui fascinait mon père : ce calme, cette lucidité froide en toute circonstance. Les médias de l’époque aimaient vous filmer, assis le long du mur d’entraînement de Geoffroy Guichard, observant sans broncher les gestes de vos joueurs. Avec cette tignace rousse épaisse qui semblait posée sur votre tête. On vous surnomma le "Sphinx du Forez" tant votre personnalité marqua cette époque bénie pour l’AS St Etienne.
Au pays des mineurs qui vénéraient la valeur du travail, vous représentiez cet alliage inoxydable de l’effort et de l’humilité.
Un jour de 2002, où vous m’aviez accordé une interview dans la tribune de Geoffroy Guichard, vous m’avez livré une part intime de vous-même. Comme si le Sphinx me souriait. Vos parents musiciens, vous ont fait aimer la musique classique. Votre façon de me parler de vos parents et votre regard si brillant, ont fait de vous, cher Robert Herbin, quelqu’un qui comptera toujours pour moi.
Votre disparition est un déchirement"
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