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Pour rendre sexy le basket français, ne faites pas comme la Pro A

Le championnat de France de basket a décidé une "réformette" là où certains espèrent une révolution.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le joueur de Chalon-sur-Saône Marquez Haynes glisse sur le parquet lors d'un match contre Poitiers, le 23 avril 2011.  (JEFF PACHOUD / AFP)

Le basket français, vous connaissez ? Tony Parker joue aux Etats-Unis, comme la plupart des stars de l'équipe de France. Un grand club français ? Limoges ? Pas de chance, il végète en deuxième division. Pau ? Englué au fond du classement. Villeurbanne ? C'était un grand club à la fin des années 90, depuis… Les cadors du basket français aujourd'hui, c'est Nancy, Gravelines, Chalon-sur-Saône, Roanne. Autant de villes moyennes au public potentiel réduit et à la progression limitée en Coupe d'Europe. Bref, il faut sauver le basket français. Mais, de l'avis général, pas comme la fédération a décidé de le faire lundi 26 mars.

La "réformette" de la Ligue nationale de basket

Actuellement, le championnat compte 16 clubs. En 2013-14, il en comptera 18, plus tard probablement 20. L'idée de la fédération est d'élargir l'élite en ajoutant des équipes des divisions inférieures choisies pour leur potentiel économique (salle, population…) : Limoges devrait en être, peut-être Bordeaux ou Antibes. Même à Pau, menacé par la relégation, on voit le bon côté des choses : "Quitte à redescendre en Pro B, c'est la bonne année [pour être repêché en 2013] !" souligne le quotidien régional La République des Pyrénées.

L'intérêt économique est clairement privilégié. Mais le basket français dispose-t-il de clubs suffisamment compétitifs pour avoir un championnat plus large ? "Aujourd'hui, on a du mal à avoir 16 clubs économiquement solides", remarque le joueur de Strasbourg Aymeric Jeanneau dans Basket News. Beaucoup d'observateurs font aussi remarquer que quand on veut augmenter le niveau, on resserre l'élite, pas le contraire. "Cet élargissement résout un problème qui date d'il y a trois ans, quand Pau-Orthez, le plus gros budget du championnat, avait été relégué. Avec 18 clubs, les grosses écuries ont une marge de sécurité. Mais pourquoi ne pas se pencher sur les problèmes de l'avenir plus que sur ceux du passé ?" fait remarquer Nicolas Bourreau, auteur du blog spécialisé AdVitam Basket.

Les autres hypothèses guère plus convaincantes

D'autres idées plus ou moins farfelues ont été envisagées par la Ligue : des poules régionales en guise d'apéritif au championnat, pour singer la division Conférence Ouest/Conférence Est en NBA, ou encore une contre-Coupe d'Europe rassemblant des clubs de six pays (France, Angleterre, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Portugal). Des propositions pas vraiment plus pertinentes.

Le pari manqué du retour des stars de la NBA

Tony Parker, lors de son bref passage à Villeurbanne, le 21 octobre 2011 face à Gravelines.  (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

L'arrivée de Tony Parker à Villeurbanne cet automne est-elle la meilleure chose qui soit arrivée au basket français ? "La stratégie de communication de la Ligue de basket a plus profité à Tony Parker qu'au basket français. On n'a pas su se servir de l'impact de Parker au profit des joueurs qui allaient rester dans le championnat. Grosso modo, on a fait la pub de la NBA", regrette Nicolas Bourreau. Qui fait remarquer que la fréquentation des salles a fortement augmenté pendant la brève période de retour des stars, avant de revenir à son niveau d'avant la grève de la NBA, voire un peu plus bas.

Et si le problème, c'était que le basket français change sans changer ?

Le championnat de France a déjà connu 18 clubs, entre 2003 et 2007. Déjà à l'époque, on avait modifié le championnat pour tenter d'avoir des clubs qui vont loin en Coupe d'Europe. Avant, on jouait… à 16. Bref, une sorte de yoyo permanent, qui montre qu'on n'a toujours pas trouvé la bonne formule.

"Dès lors que la réforme de la Pro A est entre les mains des dirigeants des clubs, comment voulez-vous que ça change ? C'est le propre du basket français, ces petits clubs de villes de 50 000-100 000 habitants qui s'imaginent qu'ils vont manger les grands clubs européens", peste Antony Thiodet, ancien dirigeant du club de Villeurbanne. Il milite aujourd'hui sur son blog pour une ligue fermée sur le modèle de la NBA.

La hausse des droits télé ne réglera pas tout

Un cameraman place une caméra pendant un entraînement de l'Elan Chalonnais, le 24 mars 2012.  (YVES SALVAT / MAXPPP)

La Ligue nationale de basket a jusqu'à fin mars pour dénoncer son contrat avec Canal+, qui dans les faits ne propose aucun match sur sa chaîne premium, mais délègue le contenu à Sport+. "Je ne suis pas satisfait de l'exposition de notre sport", a lâché Alain Béral, le président de la Ligue. Il le commercialise pourtant à hauteur de 4 millions d'euros annuels, en net progrès depuis la fin des années 1990. C'est plus que des sports à notoriété comparable, comme le handball (1,2 million d'euros par an depuis 2011), mais le championnat de hand a droit à un match par semaine diffusé sur Canal+ Sport. D'après le blog spécialisé BRL TV, Al Jazeera Sport est intéressée pour récupérer la Pro A. "Il ne faut pas s'imaginer l'argent de la télé comme un levier de développement du basket, nuance Antony Thiodet. La télé s'intéressera au basket quand on lui proposera un spectacle de qualité. Aujourd'hui, une affiche Gravelines-Orléans est vue par quelques dizaines de milliers de télespectateurs."

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