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Platini sonne la charge

En ouverture du Congrès de l'UEFA, Michel Platini, son président, s'est lancé dans une attaque cinglante envers les sociétés qui détiennent un pourcentage d'un joueur: "Aujourd'hui, les joueurs n'appartiennent certes plus à leurs clubs, mais c'est pire: ils appartiennent de plus en plus souvent à des sociétés opaques basées dans des paradis fiscaux et contrôlées par on ne sait quel agent ou fonds d'investissement." Et il a attaqué Sepp Blatter, le président de la FIFA, en lançant: "Ayez le courage politique de vous attaquer à ce problème une bonne fois pour toutes". Il a ensuite confié à Reuters qu'il "n'y a qu'une personne qui puisse battre Blatter. Moi."
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
 

Est-ce le premier acte d'une future lutte entre Sepp Blatter et Michel Platini pour la présidence de la FIFA ? En tout cas, le Français a clairement lancé une offensive cinglante, et a placé l'actuel patron du football mondial devant ses responsabilités: "La foi que nous avons dans le rôle social du football doit nous donner la force de prendre à bras le corps des problèmes majeurs qui représentent un grave danger pour notre sport. Je pense ici à la propriété des joueurs par des tiers, autrement appelée TPO ou Third Party Ownership", a-t-il déclaré en ouverture du Congrès de l'UEFA.

Ce système de contrat s'est énormément développé notamment en Amérique du Sud. Au lieu d'appartenir au club dans lequel il joue, un joueur appartient en partie à une société, ou à plusieurs. Pour le transférer, le club achetant doit donc négocier avec chacune des parties, chacun ayant une part prépondérante dans les discussions en fonction de son pourcentage de propriété du joueur. Du coup, le footballeur n'a plus droit au chapitre quant à sa destination. Ce système a notamment été interdit en Premier League comme en France, mais au Portugal par exemple, il existe bien. Le défenseur international français Eliaquim Mangala appartient ainsi pour partie au FC Porto, son club, mais aussi à deux sociétés. Selon une étude de KPMG, entre 27 et 36% des joueurs du championnat portugais possèdent des contrats de ce genre, et n'ont donc pas de contrat exclusif avec leur club. "Quand j'étais joueur, j'ai fait grève pour que les joueurs n'appartiennent  plus à leurs clubs et puissent jouir d'une légitime liberté", s'est souvenue  l'ancienne star de la Juventus. "Aujourd'hui, les joueurs n'appartiennent certes  plus à leurs clubs, mais c'est pire: ils appartiennent de plus en plus souvent  à des sociétés opaques basées dans des paradis fiscaux et contrôlées par on ne sait quel agent ou fonds d'investissement".

Outre l'opacité du système, il peut également conduire à une dérive terrible pour l'éthique du sport. Si deux joueurs, évoluant dans deux équipes rivales, appartiennent en partie à une même société, celle-ci ne peut-elle pas faire pression sur son "salarié" pour aboutir à un résultat avantageux pour elle ? Car au bout, les sommes engagées pour le transfert de l'un d'eux peuvent tout changer. L'été dernier, 900 millions d'euros ont été versés aux agents de joueurs dans le cadre des transferts sur le marché européen qui ont atteint les 3 milliards d'euros, selon l'UEFA. "Cela met en danger l'intégrité du football", soulignait il y a peu Gianni Infantino, secrétaire général de l'UEFA.

L'UEFA prête à aller au bout même sans la FIFA

Le président de l'UEFA n'a pas mâché ses mots lors de son discours: "Certains joueurs ne sont tout simplement plus maîtres de leur carrière  sportive et sont transférés chaque année pour enrichir ces inconnus avides de  l'argent du football. C'est un problème global et c'est au niveau mondial que cela devrait être  réglementé ! Monsieur le président de la Fifa (...), je profite de votre  présence pour vous lancer un appel solennel: ayez le courage politique de vous  attaquer à ce problème une bonne fois pour toutes." Et pour appuyer un peu plus son propos et sa volonté de faire évoluer les choses, Platini a, indirectement, exigé que Sepp Blatter se positionne sans sa cacher derrière la bureaucatie: "A un moment, il faut savoir arrêter de se cacher derrière les commissions,  les sous-commissions, les études de groupes d'experts et les rapports  d'universitaires. Si la Fifa n'agit pas, alors nous nous en  occuperons pour nos propres compétitions en Europe. Le Comité exécutif (de l'UEFA) a déjà pris une position de principe sur ce point et nous irons au bout. Car je ne veux pas être complice de ces pratiques, et c'est pourtant le  désagréable sentiment que j'ai aujourd'hui."

Ce discours, particulièrement offensif, intervient à trois mois de la Coupe du monde au Brésil, où Sepp Blatter doit annoncer publiquement s'il briguera un nouveau mandat à la tête de la FIFA, qu'il occupe depuis 1998. Et Michel Platini, souvent cité pour se lancer à la conquête de la présidence de la FIFA, semble faire un pas de plus vers sa candidature. En tout cas, cela ressemble fortement à un début de campagne. Après cette séance, il s'est un peu plus engagé, tout en affirmant n'avoir toujours "pas encore décidé si je serai condidat: "Il n'y a qu'une personne qui puisse battre Blatter." Laquelle ? "Moi". 

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