Patrice Bégay, Directeur exécutif de la BPI, appelle à un sport français davantage tourné vers l'humain et la société
Quelles sont les mesures prises par la BPI vis-à-vis des entreprises touchées par la crise du Covid-19 ?
Patrice Bégay : "Entre l’Etat, les réseaux bancaires, les régions, les experts comptables, tout ce qui compte pour les entreprises, il y a une mobilisation générale, que je qualifie “d’union sacrée”. Sur cette période, 300 000 entreprises ont été accompagnées par le Prêt garanti par l’Etat (PGE), un dispositif inédit permettant à l’Etat de garantir 300 milliards d’euros de prêts. Chaque entreprise peut demander à son banquier habituel son PGE jusqu’au 31 décembre 2020. Et parmi elles, beaucoup d’entreprises sportives en ont bénéficié. Ce dispositif a permis de sauvegarder des milliers d’emplois et de gagner cette guerre face à la pandémie en permettant à des entreprises de rester en vie. C’est important de remettre l’humain au cœur de la France, cette union sacrée entre les régions, le public, les partenaires. C’est capital. A ce jour, on a plus de 300 000 demandes préaccordées représentant un montant global de 50 milliards d’euros."
"Il faut un cap salarial"
Qu’est-ce que les clubs, et notamment de football, doivent mettre en place pour être plus préparés en cas de nouvelle crise majeure ?
PB : "J’ai discuté avec beaucoup de présidents de clubs du monde du foot et du rugby. Tous disent qu’il faut faire un cap salarial, avec 2-3 joueurs stars. Tous les autres doivent se répartir un salaire maximum. Ils disent tous de limiter les commissions d’agents de joueurs, de valoriser les jeunes du centre de formation. A ce moment-là, il faut imposer 4-5 joueurs issus du centre dans l’équipe-type. Je suis clair, il faut changer le type de gouvernance, une fédération forte avec un président chef d’entreprise, comme Noël le Graët dans le football. C’est le profil idéal. Pourquoi un club n’est pas capable de le faire ? Le football doit reposer sur l’humanité, la gouvernance, l’éthique et l’innovation."
"Il ne peut y avoir deux mondes : celui qui parle de transferts et celui du monde associatif"
Comment améliorer et protéger le lien entre professionnels et amateurs ?
PB : " Le système français est extraordinaire : santé, sport, éducation, social… C’est important de réunir tous les acteurs du sport pour se reconstruire durablement, sinon les mauvais signes vont revenir au galop. Il ne doit pas y avoir deux mondes : celui qui vous parle de transferts, de billetterie, de sponsoring, de merchandising, qui ne parle que d’argent. Et l’autre monde, qui est l’essentiel, le monde associatif, ces jeunes plein d’espoir, des éducateurs, bénévoles, supporters. On ne peut pas les dissocier, il ne peut pas y avoir de sport professionnel sans sport amateur. Ce sont les forces et les valeurs des Français qu’il faut retrouver dans le nouveau mouvement sportif français.
Avec ce qui vient de se passer, le grand public et les consommateurs attendent aujourd’hui des organisations qu’elles ne soient plus seulement concentrées sur la recherche de profit, mais aussi qu’elles s’engagent et contribuent à améliorer la société. Au niveau de l’écosystème sportif professionnel, la dérive des salaires dans certaines disciplines, les sommets des droits TV, les calendriers trop chargés sont autant d’avertissements qui nous obligent à remettre en question les fondamentaux et valeurs du sport. Le défi qui se dresse devant nous nous oblige à être créatif, associer performances sportives, sociales, économiques et environnementales."
"On a été trop occupés à nous croire plus forts et supérieurs, nous humains"
Comment envisagez-vous la reprise et le futur pour le monde du sport ?
PB : "C’est d’abord l’urgence sanitaire et économique. C’est capital que le monde du sport soit à côté du monde de l’économie. Jamais la récession n’a été aussi profonde qu’avec cette épidémie du Covid-19, qui a mis l’économie mondiale à l’arrêt. Le Président et le gouvernement ont mis à disposition des aides publiques considérables. Il faut rééduquer les supporters, notamment aux gestes barrières.
L’humain sera au cœur de tout. On a été trop occupés à nous croire plus forts et supérieurs, nous humains. Demain, les entreprises et les clubs, nous serons attendus car nous serons redevenus acteurs majeurs de l’économie française. Il faut que l’on soit ensemble prêt à revendiquer le travail de réflexion et d’innovation que nous avons entamé avec plus de sens. Plus que jamais, l’objectif de la BPI sera de servir les entrepreneurs, les sportifs, agir avec agilité pour construire cette nouvelle histoire du sport. Et ne jamais oublier ceux qui ont facilité notre quotidien, la France unie."
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