Paris sportifs: attention danger !
En France, on avait mis cette question en lumière au printemps dernier à l’occasion du renvoi en correctionnelle des frères Karabatic et de quatorze autres personnes soupçonnées d’avoir influer sur le résultat d’un match dans le handball. Depuis, les affaires sortent. Et aujourd’hui, après l'athlétisme et le football, c'est le tennis qui est à son tour dans l'œil du cyclone avec des accusations de matchs truqués visant 16 joueurs du top 50 mondial. Sans compter tout ce qui ne fait pas la une de l’actualité car, tant du côté des responsables fédéraux que de celui des organismes habilités, on préfère éviter trop de publicité sur la question, considérant que le buzz négatif n’est bon ni pour l’image ni pour les affaires.
Une poussée inexorable des jeux en ligne
Lorsque l’idée même de structurer l’offre des jeux sportifs a été mise sur la table, beaucoup du spécialistes se sont alors inquiétés des dérives possibles. Mais ils n’ont jamais été entendus ; pire même, ils ont alors été vertement rabroués et accusés de manquer de confiance vis-à-vis des institutions. Pour les promoteurs de cette idée nouvelle, il fallait au contraire éviter toute suspicion et laisser le marché fonctionner à sa guise en mettant le moins de garde-fous possibles.
Le sport sous influence
Dès les années 2000, des sites de paris sur internet, souvent domiciliés à l’étranger ont commencé à concurrencer illégalement les paris enregistrés dans le réseau dit « physique », alors monopole de la Française des Jeux. Ce phénomène, ajouté à la pression des autorités européennes de la concurrence, a poussé la France à légaliser une offre interne de paris sportifs en ligne. A ce jour, onze opérateurs sont agréés par l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), poste de contrôle de l’activité française des paris en ligne créé en 2010, lors de l’ouverture du marché. En outre, près des deux tiers des paris restent enregistrés « en dur », c'est-à-dire dans une boutique, chez un détaillant.
Dans ce dossier, les sportifs sont évidemment en première ligne. Car interdiction leur est faite, pour des motifs évidents, des raisons éthiques notamment, de miser sur des compétitions auxquelles ils participent, au sens large. Une interdiction qui s’étend à leur entourage, mais aussi aux arbitres…. Cela est un premier point, mais il ne faut pas pour autant occulter l’intervention possible de tiers ou, évidemment, les pressions et les tentatives de corruption, menées généralement par des « groupes économiques » ayant tout intérêt à pouvoir modifier un résultat.
Afin de limiter les risques de corruption et de manipulation, l’Arjel a décidé en 2013, de restreindre le champ du possible pour les paris : en France, on ne peut plus miser sur certains faits de jeu (le premier carton rouge pris par une équipe par exemple) ou des matches sans enjeu. Mais les possibilités d’interventions, toutes aussi réglementaires soient-elles, n’empêchent pas les cartels de vouloir tirer le maximum de leur implication dans ce business.
Pour cela, il leur faut maintenir de l’incertitude pour le grand public, mais de façon concomitante pour parvenir à une certaine maîtrise des événements, donc du déroulé d’une compétition ou d’un résultat ; contrairement à ce qui se passe pour les parieurs, il n’y a pas de place pour le hasard pour les des manipulateurs.
Une régulation insuffisante
Si, en France et dans la plupart des pays d’Europe, la réglementation tend à limiter la porter de ces interventions illicites, puisque le Conseil de l’Europe a même établi une convention fixant les bonnes pratiques en la matière à suivre par les États, les précautions ne peuvent pas être totalement hermétiques et le danger, pour l’intégrité des compétitions, vient d’ailleurs. Il vient notamment des sites « exotiques », domiciliés pour la majorité dans des paradis fiscaux et échappant à toute régulation. C’est via ces plateformes que sont blanchis chaque année quelques 140 millions de dollars par des organisations criminelles, la plupart basée en Asie, selon un rapport du Centre international pour la sécurité dans le sport. Pour assurer la rentabilité de leurs mises conséquentes, ces organisations approchent et corrompent des joueurs –mais pas seulement- afin de s’assurer du résultat d’un match.
La corruption et les matches truqués s’étendent sur toutes les compétitions majeures et juteuses. Les résultats seront-ils à l’avenir conformes à ce qu’ils doivent être ou réduits à la merci des mafias internationales qui gangrènent le marché des paris ? Les autorités politiques mais aussi judiciaires et a fortiori sportives seraient bien inspirées de se pencher sur la question avant que le doute ne prenne le pas sur la réalité du sport et que le public, à la fois déçu et blasé, ne finisse par se détourner de certaines disciplines.
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