"On aurait dit qu'on avait gagné la vraie Coupe du monde !", les joueurs du Comté de Nice racontent leur folle épopée de 2014 au Mondial CONIFA
"C’est ma plus belle expérience de footballeur, et l’une des plus belles de ma vie." À l’évocation de la Coupe du monde 2014 de la Confédération des associations de football indépendantes (CONIFA), la toute première de l’organisation, Franck Delerue ne peut contenir son enthousiasme. Le joueur amateur, né à Nice et actuellement attaquant du RC Grasse (National 2), a en effet participé à l’épopée du Comté de Nice en Laponie il y a plus de six ans. À l'époque, la Selecioun devient, contre toute attente, championne du monde dès sa première compétition internationale.
"C’était la folie, toute la ville a suivi nos résultats. Et encore aujourd’hui, des Niçois nous reconnaissent dans la rue", témoigne Delerue. Cette notoriété locale, le joueur amateur de 31 ans la doit à cette participation in extremis à la Coupe du monde de la CONIFA qui se déroule en Suède en 2014. In extremis, parce que le Comté de Nice remplace au dernier moment Zanzibar pour la compétition. L'effectif de la Selecioun est monté en toute hâte en quelques semaines.
Alors qu'il termine tranquillement sa saison avec Hyères, Delerue se voit proposer de faire partie de la sélection pour rejoindre la compétition où s'affrontent douze équipes, dont le Darfour (à l'ouest du Soudan), le Kurdistan (au nord de l'Irak) ou encore l'Ossétie du Sud (dans le Caucase). À cause de son travail, l'attaquant doit poser, comme ses coéquipiers de la Selecioun, une période de vacances pour pouvoir s'envoler en Suède.
"On était choyés comme des professionnels"
Si le groupe de joueurs s’apprête à vivre pour la première fois un événement international, le début de l’aventure est quelque peu chaotique pour rejoindre Östersund (Suède), où se déroule la compétition. "On est allés jusqu’à Milan en bus, puis on a rejoint Copenhague en avion, se remémore Loïc Malatini, qui joue actuellement à Villefranche Saint-Jean Beaulieu (Nationale 3). Après, on a pris des véhicules et on devait aller jusqu’en Suède. On devait faire une étape dans un hôtel mais il était fermé. On a dû faire les quinze heures de route d’une traite ! Le groupe s’est renforcé à ce moment-là."
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Après ces péripéties dignes du monde du football amateur, place pour les joueurs de la Selecioun à des conditions idéales. Grâce à l’aide financière de la ville de Nice et d’entrepreneurs locaux, "on a été logés, équipés de la tête au pied. On n’avait rien à faire, on était choyés comme des professionnels. On n'était là-bas que pour jouer au football", se souvient Malatini.
Sur le terrain également, les joueurs vivent un rêve éveillé. Alors qu'ils ont l'habitude de jouer devant quelques centaines de personnes tous les week-ends, des milliers de spectateurs affluent dans le stade d'Östersund. Les Niçois affrontent des adversaires qu'ils ne connaissaient pas jusque-là à l'instar de l'île de Man (en mer d'Irlande), du Haut-Karabagh (région autonome de l'Azerbaïdjan), ou de la Padanie (nord de l'Italie).
Une victoire en finale contre l’île de Man
"On a découvert d’autres cultures footballistiques. L’île de Man, c’était du rentre-dedans à l’anglaise. La Padanie, c’était le vice à l’italienne. C’était bizarre de se retrouver là alors qu’on allait jouer jusqu’à Marseille au grand maximum en club", en rigole encore Malatini. Malgré le sérieux de la compétition, et l’enjeu qui en résulte, difficile pour les joueurs d’évaluer le niveau de leurs adversaires. "On avait regardé sur un site de paris pour voir quelles équipes étaient favorites", sourit Delerue.
Ce dernier souligne également la difficulté de ne pas pouvoir discuter avec les arbitres, qui ne parlent pas français. Lors de l’édition 2018 de la Coupe du monde, qui s’était déroulée à Londres, l’arbitre international anglais Mark Clattenburg avait d’ailleurs accepté d’officier lors de la finale de la compétition. De quoi ajouter une touche de professionnalisme à l’épreuve.
En Suède, la sélection du Comté de Nice devient la surprise de la compétition et passe les tours les uns après les autres. En finale, la Selecioun s'impose aux tirs aux buts face à l'île de Man, l'un des favoris de l'épreuve. Delerue et Malatini inscrivent tous les deux leur penalty lors de la séance fatidique.
Les deux joueurs fêtent alors leur victoire au terme d'une aventure totalement inespérée pour ces amateurs. "C’était incroyable, on voyait l’engouement énorme sur les réseaux sociaux de la part des supporters. Pour nous, joueurs amateurs qui sommes passés proches de devenir professionnel, c’était génial de pouvoir vivre une aventure comme celle-ci", souligne Delerue.
La prochaine édition de l’Euro à Nice ?
"Le retour à Nice a été fou, se remémore Malatini. On aurait dit qu’on avait gagné la vraie Coupe du monde !" Car en juin 2014, quelques semaines avant que l'équipe de France se fasse éliminer par l'Allemagne au Brésil lors de la Coupe du monde de la FIFA, la ville de Nice s'éprend du parcours de la Selecioun en Suède. La finale est retransmise dans la salle des concerts.
À leur arrivée à l'aéroport, plusieurs centaines de supporters, dont Jean-Pierre Rivère, président de l'OGC Nice, accueillent leurs héros dans une ambiance électrique. Les joueurs sont invités à dîner par Christian Estrosi, le maire de la ville. "Ce qu’on a vécu, c’est une vraie expérience de professionnel", insiste Delerue.
En 2015, les joueurs la Selecioun ont réitéré l’expérience en Hongrie, en se hissant en finale du premier championnat d’Europe organisé par la CONIFA, avant de chuter contre la Padanie. En 2019, les Niçois ont vécu une petite déception avec l’interdiction de se déplacer dans le Haut-Karabagh pour cet Euro version CONIFA, en raison des risques que représentaient un tel déplacement.
Loin d’être rassasiés, Franck Delerue et Loïc Malatini espèrent vivre d’autres expériences de ce type, pour se sentir une fois de plus, proche du statut de joueur professionnel. Et ça tombe bien : la CONIFA a annoncé la semaine dernière la tenue de son Euro 2021 à Nice, du 9 au 19 juin prochain.
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